En janvier prochain, les oenologues de l'ISVV (Institut supérieur de la vigne et du vin), dégusteront en Gironde les premières microcuvées de 21 cépages tardifs. Quels types de vin vont-ils découvrir ? Agnès Destrac Irvine ne veut rien dévoiler avant l'heure. Ingénieur à l'Inra de Bordeaux, elle pilote le projet Vitadapt. En juin 2009, au coeur des Graves, l'Inra a planté quelque 52 variétés sur 0,6 ha : des cépages du Bordelais (cabernet-sauvignon, cabernet franc, merlot), issus d'autres régions de France et surtout 21 cépages étrangers, comme le saperavi et le rkatsiteli, originaires du Caucase, le mavrud, venant d'Europe de l'Est, ou encore le touriga nacional du Portugal.
Tous ont été choisis pour leur caractère tardif, leur notoriété et leur potentiel qualitatif. Il s'agit d'étudier leur comportement au vignoble et la qualité de leurs vins dans le contexte du réchauffement climatique et dans une région où le merlot, cépage précoce, occupe 60 % du vignoble. « Avec l'augmentation des températures, le cycle de la vigne est plus précoce. L'alternative pourrait consister à piocher parmi les cépages à maturité tardive », explique Agnès Destrac Irvine.
L'équipe de Vitadapt planche également sur Greffadapt*. Objectif ? Étudier le comportement et la résistance à la sécheresse de 55 porte-greffes dont 30 connus en France, les autres venant de l'étranger. Une parcelle a été plantée en septembre dernier où ces porte-greffes ont été combinés à cinq cépages (cabernet-sauvignon, ugni blanc, pinot, syrah et grenache).
Dans le même temps, un projet autour des consommateurs est mené. Il s'agit d'évaluer comment ils acceptent les vins moins acides et plus riches en alcool issus des millésimes chauds. Un premier résultat montre que les consommateurs préfèrent ces vins lorsqu'ils les dégustent seuls, en dehors des repas. Mais lorsqu'ils sont attablés, ils penchent nettement pour les vins classiques du Bordelais, aux notes de fruits frais, plutôt que de figue et de pruneau.
À Saint-Laurent-Médoc, le Château La Tour Carnet lance ses propres essais. L'an dernier, l'exploitation a planté 48 cépages sur un hectare : des variétés du sud de la France (mourvèdre), du Sud-Ouest (manseng noir, duras, tannat), d'Espagne (morasel, tempranilllo), d'Italie (nero d'Avola) et du Portugal (touriga nacional). « Nous ignorons si le merlot s'adaptera au réchauffement climatique », indique Alix Combes, directeur du château. Les nouveaux venus réagiront peut-être mieux. Pour l'instant, ils sont surveillés à la loupe. Le touriga nacional, qui vient d'un climat océanique mais plus chaud que celui de Bordeaux, se comporte bien. Concernant les maladies, le mildiou a attaqué le tempranillo en 2014 pour, au final, être moins agressif en 2015.
Après les vendanges 2016, les premiers vins seront dégustés. En attendant, dès le printemps prochain, le château plantera des variétés résistantes.
(*) Vitadapt et Greffadapt : projets portés par l'UMR Écophysiologie et Génomique fonctionnelle de la vigne de l'Inra, l'université de Bordeaux et Bordeaux Sciences Agro, et financés pour partie par le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux et le conseil régional d'Aquitaine.