Le marselan gagne du terrain dans le Sud-Est. Dans le cadre du plan collectif de restructuration 2011-2013 du bassin Vallée du Rhône-Provence, il a représenté 13 % des surfaces plantées. Il compte, aujourd'hui, 1 560 ha dans la région. « C'est un cépage qui plaît, annonce Biljana Arsic, responsable du service technique du Syndicat général des vignerons des Côtes du Rhône. Facile à conduire, il a notamment fait l'objet de demande de coopérateurs désireux de diversifier leur encépagement. »
Depuis 2010, il figure dans le cahier de l'appellation Côtes du Rhône où il peut entrer à hauteur de 10 % maximum dans l'encépagement. Le Syndicat général des vignerons des Côtes du Rhône a lancé des essais en 2006 qui se sont poursuivis jusqu'en 2014. Au cours de cette période, son service technique a également observé deux autres cépages descendants du grenache, le caladoc et le couston.
« Grenache et syrah dominent notre encépagement, indique Biljana Arsic. L'introduction de ces nouvelles variétés, en tant que cépages accessoires, apporterait de la diversité dans les plantations et, in fine, dans le profil de nos vins. » Sans compter que le grenache, sensible aux aléas climatiques, a une production fluctuante. En 2013, il avait fortement coulé, entraînant une récolte particulièrement faible dans les Côtes du Rhône.
Dans ce domaine, les trois cépages étudiés se montrent plus réguliers. Ainsi, tandis qu'en 2010 et 2013, le grenache a produit 1,5 kg/cep, ses descendants ont donné plus de 2,5 kg/cep ! Ils sont, en outre, très peu sensibles à la pourriture grise. Les essais de vinification ont également été concluants. Les variétés testées offrent une bonne intensité colorante (IC) : entre 15 et 20 pour le caladoc ; entre 20 et 30 pour le marselan et le couston. Leur apport dans les assemblages pour rehausser la couleur, un point faible du grenache, présente donc un réel intérêt. Les vins sont aussi plus structurés. Le caladoc et le marselan présentent des indices de polyphénols totaux (IPT) compris entre 50 et 80 selon les millésimes. Le minimum requis pour le côtes-du-rhône étant de 35. Quant au couston, il monte jusqu'à 100, d'où une structure tannique imposante. « Ainsi, assemblés à un côtes-du-rhône standard, ces trois cépages renforcent le fruité et la structure sans en retirer la typicité », observe Biljana Arsic.
Ces cépages doivent toutefois être implantés à bon escient. Le marselan est un cépage tardif. Il préfère les terroirs précoces bien alimentés en eau. Produisant de petites baies, son rendement en jus sera en effet affecté s'il soufre de sécheresse. Lors de la récolte, les grains doivent être mûrs sinon ils ne tombent pas et donnent des goûts de poivron vert au vin.
Plus fertile, le caladoc convient davantage aux terroirs secs. Il doit être taillé court pour maîtriser son rendement à 40-45 hl/ha. Quant au couston, ultra-précoce, il se vendange fin août, en même temps que les premiers blancs. Sa culture est préconisée sur des zones tardives correctement alimentées en eau.
Au vu de ces résultats, le syndicat va demander à l'Inao que le caladoc et le couston intègrent les cépages accessoires de l'appellation Côtes du Rhône, à hauteur de 10 % de l'encépagement.
Outre les syndicats, des vignerons font évoluer l'encépagement de leurs exploitations. C'est le cas à Châteauneuf-du-Pape (Vaucluse) où le grenache est roi. « Il reste le cépage leader de nos vins, lance Thierry Sabon, du Clos Mont Olivet (38 ha). Mais, il est sensible au court-noué et, avec l'évolution du climat, il produit des degrés de plus en plus élevés. Aussi, nous complantons du mourvèdre dans certaines parcelles de nos vieux grenaches. C'est un cépage tardif que nous ramassons à 14°. »
Moins de 4 ha sont ainsi concernés. « Il apporte des notes épicées, et sa structure tannique épaule bien le grenache », explique le vigneron. Sa Cuvée du Papet en contient jusqu'à 20 % sur les millésimes solaires, comme ceux de 2003 et 2007.
Les Corbières également intéressées par le marselan
Dans les Corbières aussi, le marselan suscite l'intérêt. En 2014, le syndicat de l'appellation a réclamé son introduction comme cépage accessoire à hauteur de 10 % de l'encépagement. « La chambre d'agriculture de l'Aude, l'Inra et l'ICV ont conduit des essais au cours des dix dernières années, explique Catherine Verneuil, directrice du Syndicat général des AOC Corbières et Corbières Boutenac. Ils ont démontré sa faible sensibilité aux maladies et sa stabilité en termes de production. Il apporte également du fruit et de la concentration aux vins, deux caractères attendus par les consommateurs. »
Le marselan est planté, depuis 2009, sur le territoire des Corbières, mais n'est pas autorisé en AOC. À ce jour, 381 ha ont été plantés, dont 52 ha dans l'aire classée du vignoble.
Le syndicat a également demandé, l'an dernier, le relèvement du grenache gris à 50 % dans l'élaboration des rosés. « Ceci permettrait de produire plus de rosés, dont la demande augmente, sans déshabiller les rouges », commente Catherine Verneuil. Depuis 2000, le grenache gris peut entrer dans la composition des rouges et des rosés à hauteur de 10 %. Ces demandes sont en stand by, l'Inao ne s'étant toujours pas prononcé.
Deux atouts pour les caves particulières
Treizième cépage le plus greffé en France, le marselan doit une bonne partie de son essor au Languedoc-Roussillon. Il figure dans le top 5 des cépages les plus plantés dans cette région - aux alentours de 300 ha/an au cours des dix dernières années - si bien qu'il couvrait 2 460 ha en 2013. Répertorié dans les cépages principaux de l'IGP Pays d'Oc depuis 2008, sa production est en hausse : 29 229 hl certifiés en 2013-2014 contre 21 722 en 2011-2012.
« Les caves particulières le mettent en avant dans leur gamme, plus que les coopératives, observe Laurent Mayoux, chef de service adjoint à FranceAgriMer Montpellier. Il leur permet de se différentier, à l'exportation notamment. Beaucoup en font le fleuron de leur gamme en le vinifiant, par exemple, en barriques. » Selon lui, les caves coopératives ne disposent pas encore de lots suffisamment importants pour le valoriser en cépage pur sur le marché du vrac.
Autre variété en vogue, le caladoc qui est le quatorzième cépage le plus greffé à ce jour. « Nous avons de plus en plus de demandes pour cette variété, bien qu'elle ne soit pas encore autorisée en AOC et en IGP, annonce René Laffont, responsable technique des Pépiniéristes producteurs du Comtat, à Sarrians, dans le Vaucluse. C'est un excellent producteur, stable d'une année sur l'autre. De plus, ce cépage est apte à produire des rouges comme des rosés. » Là encore, l'essentiel des plantations se concentre en Languedoc-Roussillon où il couvrait 2 030 ha en 2013.
« Vinifié avec les technologies modernes, comme la thermovinification ou la vinification préfermentaire à froid, il donne d'excellentes cuvées souples et fruitées, en adéquation avec la demande des marchés », observe Laurent Mayoux, chef de service adjoint de FranceAgriMer. Le caladoc se plante aussi de plus en dans la basse vallée de la Durance dans des parcelles en IGP Vaucluse ou sans indication géographique. Le bassin Vallée du Rhône-Provence recense ainsi 1 317 ha de caladoc plantés en 2013, soit presque autant que le marselan (1 560 ha).