C'est un rituel qui marque la fin de la saison de la taille en Champagne. Chaque année, au mois d'avril, près d'un millier de candidats passe le « concours de taille » organisé par la Corporation des vignerons de Champagne. Les uns se destinent à reprendre des vignes, les autres à devenir salariés.
La corporation forme un peu moins de la moitié de ces candidats ; les lycées et centres de formation viticoles, le reste. Elle dispose de trente formateurs répartis sur l'ensemble du vignoble. Son enseignement comprend 12 heures de cours théoriques, délivrés le soir en semaine, et 40 heures de pratique qui se déroulent le samedi matin, entre la mi-novembre et la fin mars. Une fois la formation achevée, arrive le grand moment du concours. « 250 professionnels viennent bénévolement faire passer les épreuves, qui s'étendent sur une semaine, explique Jean-Pierre Parisot, directeur de la Corporation. Les candidats passent trois épreuves en une demi-journée. Les résultats sont connus dix jours après. »
L'épreuve pratique est de loin la plus redoutée. Les candidats ont quarante minutes pour tailler et lier huit pieds en taille chablis et trente-cinq minutes pour faire de même en taille cordon. Une dizaine de fautes par système de taille sont éliminatoires, comme, par exemple, la superposition de baguettes.
« La réglementation de la taille est assez stricte en Champagne, poursuit Jean-Pierre Parisot. Nous leur apprenons la règle mais surtout son application. » Sur les 15 à 20 % de recalés, la moitié l'est à cause d'une faute éliminatoire.
Si le concours de taille est autant plébiscité, c'est que ses lauréats sont recherchés par les employeurs. Ce diplôme est en effet reconnu par les conventions collectives du négoce et des viticulteurs. Ainsi, leurs titulaires occupent un emploi spécialisé, selon la convention des exploitations viticoles. Ils sont embauchés au troisième niveau de la grille des salaires, au salaire minimum de 9,92 €/h contre 9,61 €/h pour les salariés non qualifiés.
« Cette formation et ce concours sont précieux car la taille est le travail le plus important pour la qualité, résume Christian Goutorbe, viticulteur à Damery (Marne), et membre du bureau de la Corporation. Pour les employeurs, cette formation permet d'avoir un vivier de nouveaux salariés opérationnels et compétents. »
Une institution vieille de 120 ans
La Corporation des vignerons de Champagne, ou « Corpo », est une institution. « Nous fêtons ses 120 ans cette année, souligne Jean-Pierre Parisot, son directeur. Elle est issue de la crise phylloxérique. Il fallait alors reconstituer le vignoble par greffage. Cela supposait de l'enseigner aux viticulteurs. » C'est ainsi qu'est née l'école pratique de la viticulture Moët et Chandon en 1895, rebaptisée Corporation des vignerons en 1939. À cette période, l'offre de cours s'étoffe d'une formation sur la taille, l'agro-équipement viticole et, depuis peu, le certificat d'aptitude viticole champenois (CAVC), qui porte sur l'ensemble des travaux manuels. La formation à la taille reste celle qui remporte le plus de succès. Association de la loi 1901, la Corpo est autonome financièrement grâce à ses formations payantes (223 € pour la taille). Récemment, elle a entamé une démarche auprès du ministère de l'Agriculture pour que les quatre diplômes qu'elle délivre soient reconnus au plan national afin d'être éligibles au CPF (compte personnel de formation). En complément de l'enseignement, elle attribue aussi les récompenses de la Saint-Vincent aux salariés et aux vignerons méritants.
Le Point de vue de
LINDA THOMAS, SÉCATEUR D'OR 2015, QUI RÉCOMPENSE LA MEILLEURE PERFORMANCE À L'EXAMEN DE TAILLE
« Essentiel pour trouver un emploi »
« J'ai suivi la formation de la Corporation dans le cadre d'une reconversion professionnelle. J'étais responsable de magasin et je souhaitais travailler dans les vignes. C'est important d'avoir le concours de taille pour trouver un emploi. J'ai opté pour la formation destinée aux adultes, avec deux heures de cours le mardi soir et le cours pratique le samedi matin, pendant neuf semaines. Nous étions un groupe d'une vingtaine de personnes. Certains travaillaient déjà dans les vignes, d'autres avaient un métier mais allaient reprendre des vignes familiales ou voulaient se reconvertir, comme moi. Je ne connaissais rien à la viticulture, mais quand on suit correctement les cours, c'est un examen accessible. »