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VIGNE

Physiocap Les débuts d'un nouvel outil

CHRISTELLE STEF - La vigne - n°280 - novembre 2015 - page 62

Cet appareil évalue la vigueur des vignes en mesurant le nombre et le diamètre des bois de taille. Les premiers utilisateurs soulignent des points pouvant être améliorés.
AVEC LE PHYSIOCAP, les mesures se font obligatoirement en hiver, avant la taille. © E. RE. CA FRANCE

AVEC LE PHYSIOCAP, les mesures se font obligatoirement en hiver, avant la taille. © E. RE. CA FRANCE

LE CAPTEUR Physiocap, mis au point par le CIVC et E.RE.CA. © E.RE.CA

LE CAPTEUR Physiocap, mis au point par le CIVC et E.RE.CA. © E.RE.CA

Le Physiocap est un nouvel appareil de mesure, mis au point par l'interprofession champenoise (CIVC), avec la société E.RE.CA. S'utilisant en hiver, cet instrument dénombre les sarments et évalue leur diamètre. À partir de ces données, il en déduit le poids des bois de taille par mètre carré, un paramètre corrélé à la vigueur de la vigne.

Son fonctionnement est simple. Il se compose de deux capteurs laser (un émetteur et un récepteur) qu'il faut placer de part et d'autre du plan de palissage. À cette fin, ils doivent être montés sur un portique qui enjambe la vigne. Celui-ci peut être embarqué sur tout type de machine mobile : tracteur, enjambeur, quad...

Le système comprend également un GPS, qui permet de géolocaliser les mesures, et un boîtier enregistrant les données. Dès qu'un sarment traverse le faisceau laser, l'appareil détermine sa section en mesurant l'ombre qu'il forme sur le récepteur.

L'acquisition des données peut démarrer dès la chute des feuilles et doit obligatoirement avoir lieu avant la taille. En revanche, le temps doit être sec car la pluie fausse les données. Principal avantage de l'appareil : il permet de mesurer la vigueur durant la période hivernale. « C'est la seule saison où la vigne est dans le même état pendant une longue période », explique Serge Nicolle, gérant de la société E.RE.CA. L'opérateur dispose donc d'une fourchette de temps assez large - plusieurs jours - pour effectuer les mesures, ce qui génère moins de contrainte d'organisation que les capteurs s'utilisant en saison.

Autre intérêt : l'appareil donne des mesures réelles et non des indices. Ces données peuvent ensuite être représentées sur des cartes. L'opérateur visualise alors l'hétérogénéité de la vigueur et peut repérer facilement les différentes zones. Ce qui lui permet de comparer les données d'une parcelle à une autre et d'une année sur l'autre. L'impact de ses pratiques de fertilisation, de taille ou d'entretien des sols peut donc être mesuré. « Il est complémentaire des autres capteurs », explique Sébastien Debuisson, du CIVC.

Il souffre toutefois d'un handicap : le montage des capteurs n'est pas industrialisé. C'est à l'opérateur de le faire. Or, la tâche est délicate : « La difficulté est de bien aligner les capteurs au moment du montage. De plus, ceux-ci ont parfois tendance à se dérégler dans les parcelles. C'est un point sensible. Mais je crois beaucoup à l'information que le Physiocap apporte », explique Marc Raynal, de l'IFV pôle Bordeaux-Aquitaine, qui a effectué quelques tests avec l'appareil au cours de l'hiver 2014-2015.

L'instrument est commercialisé depuis 2013 à 6 400 € HT. Les grandes exploitations peuvent l'acheter directement. Les domaines de plus petite taille ont davantage intérêt à faire appel à un prestataire de services. Force A et Fruition Sciences, par exemple, proposent une offre complète depuis l'acquisition et le traitement des données jusqu'à leur interprétation sous la forme de cartographie. Chez Fruition Sciences, les tarifs oscillent entre 20 et 150 €/ha selon la surface et le travail à réaliser. Pulvexper propose aussi une prestation mais uniquement pour l'acquisition des données.

Le Point de vue de

DORIAN FAGES, COORDINATEUR TECHNIQUE VIGNE ET CHAI AU CHÂTEAU LATOUR, À PAUILLAC, EN GIRONDE, 88 HA DE VIGNES

« Des capteurs trop sensibles aux vibrations »

« Chaque hiver nous effectuons des pesées de bois de taille pour avoir une idée de la vigueur de nos différentes parcelles. C'est une opération longue et fastidieuse car nous la réalisons sur dix placettes par hectare. Sans compter que, parfois, les tailleurs peuvent oublier de mettre les sarments de côté. Et quand il pleut, les bois sont mouillés, ce qui fausse les mesures. L'an passé, Fruition Sciences nous a donc proposé de tester le Physiocap. Pour le monter sur notre enjambeur, nous avons dû fabriquer un support en acier en forme de U inversé sur lequel nous avons fixé les capteurs. Cela nous a bien pris deux à trois jours entre la réception de l'appareil et les premières mesures exploitables. Cette installation est délicate et doit être correctement réalisée, sinon la moindre vibration, le moindre choc au moment de la prise de mesure fait bouger les capteurs. Dans ce cas, le Physiocap n'enregistre plus et il faut descendre du tracteur pour repositionner les capteurs. C'est l'inconvénient de cet appareil. Ce serait donc bien que la société Ereca améliore ce point-là. Une fois que l'installation est bien réglée, l'outil devient intéressant. Il suffit alors d'un quart d'heure à vingt minutes pour recueillir les données sur un hectare en passant tous les cinq rangs. Cela nous permet d'avoir une cartographie du diamètre des bois de taille et de l'expression végétative (nombre de sarments). En croisant ces données, on obtient une troisième cartographie du poids des bois de taille. On peut donc mettre en évidence des hétérogénéités de vigueur et adapter la fertilisation et nos travaux parcellaires en conséquence. »

Le Point de vue de

ROMAIN LE GUILLOU, DIRECTEUR ADJOINT DU VIGNOBLE CHEZ VEUVE CLICQUOT, EN CHAMPAGNE

« Des paramètres qui parlent aux vignerons »

« Nous travaillons sur 360 ha de vignes. Nous possédons cinq Physiocap que nous avons fait monter sur nos tracteurs, qui portent une prétailleuse. Nous allons démarrer notre troisième campagne de mesures avec cet appareil. Ce choix s'inscrit dans une réflexion globale autour de la vigueur. En effet, depuis une dizaine d'années, nous modifions nos pratiques d'entretien des sols, l'objectif étant, à terme, de nous passer des herbicides. Aujourd'hui, 100 % de notre parcellaire est enherbé dans les interrangs et un peu plus de 60 % est désherbé mécaniquement sous la ligne des souches. Mais cette transition s'est accompagnée d'une baisse de la vigueur, avec un feuillage un peu moins vert. Nous avions donc besoin de caractériser précisément la vigueur dans nos différentes parcelles et de quantifier ces impressions visuelles. Ce sont nos tractoristes qui acquièrent les données avec le Physiocap. Cela se passe plutôt bien. Ils veillent à ce qu'il n'y ait pas de poussière sur les capteurs et les nettoient régulièrement. Le traitement des données est fastidieux : durant la période d'acquisition, nous avons dû dédier une personne à cette tâche qui reste encore un peu artisanale. Une fois les cartes obtenues, elles sont confrontées à la connaissance empirique de nos vignerons pour validation. Le Physiocap est un outil très intéressant. Contrairement à d'autres capteurs, il mesure des paramètres qui parlent aux vignerons : diamètre des bois de taille et nombre de sarments. Et il met en évidence l'hétérogénéité au sein d'une même parcelle et entre nos parcelles. Dans celles présentant un gradient de vigueur, nous avons mis en place, l'an passé, des protocoles d'observation selon la vigueur mesurée. Nous avons ainsi relevé la sensibilité aux maladies, les rendements et la qualité des moûts sur des vignes de vigueur différente et bien quantifiée. Grâce à cela, dans les conditions de 2014, nous avons pu déterminer le niveau de vigueur moyen qui nous permet d'atteindre nos objectifs de production tout en limitant les attaques de botrytis. Cette année, nous avons mis en place des essais pour accroître la vigueur dans les parcelles un peu faibles. Nous cherchons les pratiques les plus judicieuses pour atteindre nos objectifs. Là encore, le Physiocap nous a aidés. Enfin, nous allons nous servir des cartes de vigueur pour moduler certaines interventions, comme la fertilisation ou la scarification de la bande enherbée. »

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