Retour

imprimer l'article Imprimer

VIGNE

Les mycorhizes dopent les défenses de la vigne

CHRISTELLE STEF - La vigne - n°280 - novembre 2015 - page 64

Résultat de la symbiose entre des champignons et les racines, les mycorhizes permettent à la vigne de mieux lutter contre les attaques des parasites.
LA PRÉSENCE de mycorhizes sur les racines des pieds de vigne (à gauche) favorise leurs défenses naturelles (à droite). © DR K. GINDRO, IPV, AGROSCOPE, SUISSE

LA PRÉSENCE de mycorhizes sur les racines des pieds de vigne (à gauche) favorise leurs défenses naturelles (à droite). © DR K. GINDRO, IPV, AGROSCOPE, SUISSE

C'est un fait bien établi. « Les plants de vigne mycorhizés avant ou au moment de leur plantation se développent mieux et captent plus rapidement les nutriments du sol », explique Bernard Walter, chercheur à l'Université de Haute-Alsace (UHA), aujourd'hui retraité. Mais ce qu'on ignorait, c'est qu'en cas d'agression par un pathogène, ils réagissent aussi plus vite et plus fortement. Ils mobilisent plus efficacement leurs défenses naturelles. Ils les "potentialisent". » C'est ce qu'a démontré Sébastien Bruisson dans le cadre de sa thèse à l'UHA*.

Le mildiou sporule moins

Le chercheur a travaillé avec des plants de pinot noir greffés sur 41B cultivés en pot. Il les a inoculés avec deux préparations commerciales de champignons mycorhizogènes (Unibiotis et Aegis) et avec un inoculum sauvage. « Ces souches permettent d'obtenir de bons niveaux de mycorhization de la vigne. Cependant, pour qu'il y ait un effet bénéfique, il faut qu'au moins 30 % des racines soient colonisées par le champignon. Inoculer les plants ne suffit pas, il faut aussi vérifier leur bonne installation, avec des contrôles en pépinière », explique Bernard Walter, qui a supervisé les travaux.

Sébastien Bruisson a ensuite effectué une batterie de tests. Résultats ? Lorsqu'un plant mycorhizé est infecté par le mildiou, ses feuilles produisent plus de stilbènes. Des composés connus pour être toxiques, in vitro, vis-à-vis de ce parasite. « Il y en a significativement plus que dans les plants non mycorhizés. Il en résulte une diminution de la sporulation du mildiou et donc de son développement », indique le chercheur, qui a obtenu des résultats similaires avec le botrytis. Sur les plants mycorhizés puis contaminés par ce parasite, il a observé moins de nécroses sur les feuilles.« Ces résultats ont été obtenus en conditions contrôlées, il faut qu'ils se confirment au vignoble », prévient Bernard Walter.

Une piste pour des plants plus résistants

Les souches de champignons utilisées ont-elles toutes le même pouvoir de renforcer les défenses de la vigne ? A priori non. Sébastien Bruisson a mesuré des effets positifs avec les trois préparations employées. Il a certes noté de légères différences, mais ignore à quelle souche les attribuer, les préparations commerciales étant des mélanges. Néanmoins, d'autres observations portent à croire qu'il y a là une piste à creuser. Des travaux sur la tomate ont montré que toutes les espèces et souches de champignons mycorhizogènes n'ont pas le même pouvoir protecteur vis-à-vis des pathogènes.

La vigne est naturellement mycorhizée. Cette symbiose avec des souches sauvages est-elle efficace pour la protéger du mildiou ou de la pourriture grise ? « Probablement pas assez. Il y a donc un intérêt a en sélectionner de plus intéressantes », rapporte Bernard Walter. L'idée serait d'inoculer les plants en pépinière avec des souches particulièrement protectrices dans l'espoir d'obtenir des vignes moins sensibles aux maladies. Une expérimentation qui reste à faire.

* Thèse faite en collaboration avec l'Agroscope de Nyon (Suisse) dans le cadre du programme Clovis, et avec le soutien des Pépinières Guillaume et de Bpifrance.

L'enherbement : un bon point pour les mycorhizes

La vigne fait partie des plantes naturellement mycorhizées. Des travaux effectués par la Sicavac de Sancerre (Cher) montrent que la majorité des parcelles présentent un taux de mycorhizes significatif. « Celles qui n'en ont pas sont rares. Généralement, il s'agit de parcelles dont l'état sanitaire est dégradé, note François Dal, de la Sicavac. L'enherbement, et en particulier les couverts hivernaux, semble favoriser leur développement. De même, la vigueur de la vigne doit être suffisante, sans être excessive. En fait, tout ce qui contribue à améliorer les réserves de la vigne leur est bénéfique. À l'inverse, les traitements phyto semblent avoir un impact négatif. » L'agronome observe également que les mycorhizes apparaissent autour de la floraison et disparaissent à la fin de l'automne. Il a comparé des plantations effectuées avec des plants préalablement mycorhizés et d'autres non mycorhizés. « Globalement, deux ans plus tard, le taux de mycorhization est similaire dans les deux modalités. En revanche, la pousse est un peu plus importante chez les plants mycorhizés. » Selon lui, pour une plantation nouvelle, si le terrain est bien préparé, inutile d'opter pour des plants mycorhizés. En revanche, pour la complantation où les jeunes ceps sont concurrencés, les plants mycorhizés peuvent apporter un plus.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :