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Magazine - Histoire

Période : Moyen Âge Lieu : Saint-Pourçain, dans l'Allier La splendeur passée de Saint-Pourçain

FLORENCE BAL - La vigne - n°280 - novembre 2015 - page 110

Servi à la table des rois de France et à la cour papale d'Avignon, le vin de Saint-Pourçain fut au Moyen Âge l'égal des vins de Beaune. Il était requis pour faire un digne accueil aux princes !
Philippe de Valois tenant sa coupe plénière. GRAVURE D'É. BAYARD (1837-1891), © COLLECTION GROB/KHARBINE-TAPABOR.

Philippe de Valois tenant sa coupe plénière. GRAVURE D'É. BAYARD (1837-1891), © COLLECTION GROB/KHARBINE-TAPABOR.

Sacré destin ! Du XIIIe au XVe siècle, les vins de Saint-Pourçain, dans l'Allier, ont connu un succès extraordinaire auprès des puissants. Les sires de Bourbon, à la tête du territoire qui recouvre à peu près l'Allier actuel, les rois de France et les papes d'Avignon les servaient à leur table. Qui s'en souvient ? Peu de monde, en dehors de ce vignoble auvergnat qui compte aujourd'hui 650 ha, une coopérative (produisant 65 % des volumes) et vingt caves particulières.

« Vraisemblablement implanté depuis le VIe siècle, le vignoble possède l'avantage de pouvoir exporter ses vins vers le nord par voie fluviale », lit-on dans le cahier des charges de l'appellation. Sis au sud de Moulins, il est placé aux confluents de la Sioule et de l'Allier, à proximité du port de la Chaise, sur l'Allier, par où étaient expédiés les vins et marchandises vers Orléans, puis Paris, par voie terrestre.

« À partir du Xe siècle s'édifie la puissance des sires de Bourbon, raconte l'historien Roger Dion, dans son ouvrage "Histoire de la vigne et du vin en France". Ils se sont efforcés de prendre pied en ces régions [le Bourbonnais, NDLR]qu'enrichissaient des vignobles d'anciennes origines. » De leur côté, les rois de France portent un intérêt politique à la région, de par sa position stratégique entre les duchés d'Aquitaine et d'Auvergne.

« Les sires de Bourbon sont partie prenante dans la production de vins de Saint-Pourçain. Ils y participent personnellement possédant en propre des clos et plusieurs pressoirs où ils traitent, en plus de leur vendange, les raisins qu'ils reçoivent en dîmes ou redevance », poursuit Roger Dion. Les rois de France eux-mêmes, un temps protecteurs de la ville de Saint-Pourçain, y ont élargi leurs droits sous Philippe Auguste. Sous son règne, le poète Henri d'Andeli, dans son célèbre poème La Bataille des vins, cite le saint-pourçain au rang des plus grands vins blancs de l'époque.

En 1241, le roi Saint-Louis fait servir des vins de la région lors des fêtes données à Saumur lorsque son frère Alphonse fut armé chevalier et investi des comtés de Poitou et d'Auvergne.

Après lui, « Philippe le Bel est certainement un de ceux qui ont attaché du prix aux vignes de Saint-Pourçain. Il en acquit lui-même plusieurs ainsi qu'un pressoir, et transmis à ses successeurs un vignoble dont on voit par les comptes du trésor qu'ils en tiraient des revenus et des approvisionnements considérables », continue Roger Dion.

À partir de son règne, « le vin de Saint-Pourçain contribue largement à l'approvisionnement royal et de ce fait jouit d'un grand prestige dans la haute aristocratie ». Au XIVe siècle, « il est servi avec le vin de Beaune, au couronnement de Philippe VI de Valois, à Reims, en 1328 », indique l'historien Marcel Lachiver, dans son livre Vins, vignes et vignerons.

À la même époque, la cour des papes à Avignon en consommait de 60 à 120 hectolitres par an. « C'est le temps où [...] le nom de Saint-Pourçain était ordinairement associé à celui de Beaune, dans la liste des vins requis pour célébrer de grandes solennités, faire un digne accueil aux princes ou meubler les caves des grands seigneurs », complète Roger Dion.

Une ordonnance de 1360 classe ce vin « au sommet » parmi les « vins de grand prix », tels ceux de Beaune ou les vins « estranges », à savoir les liquoreux de Méditerranée. De 1356 à 1362, un envoyé du pape s'approvisionne régulièrement dans le vignoble. Les prix d'achat sont du même ordre que ceux des vins de Beaune. Le coût des vins de Saint-Pourçain est toutefois triplé par le transport. « Pour rejoindre Avignon, on acheminait les tonneaux par charroi jusqu'à Chalon-sur-Saône puis par bateaux en suivant la Saône et le Rhône », poursuit Roger Dion. Les papes arrêtent leurs approvisionnements en 1463.

Le vin, d'un rouge clair, est produit à partir de l'auvernat, un cépage assimilé au « morillon » ou pinot. « Sans doute un pinot plus précoce que le pinot noir cultivé aujourd'hui en Bourgogne », avance Marcel Lachiver. Le vignoble fournit aussi de délicats vins blancs, comme en témoigne, en 1569, Nicolas de Nicolay, le géographe ordinaire du roi Charles IX. « Au terroir de la Chaise, tout près duquel il y a un port à bateaux, [...] croissent les meilleurs vins blancs de tout le Bourbonnais », écrit-il.

Par la suite, Saint-Pourçain amorce son déclin, concurrencé par de nouveaux vignobles comme la Champagne et Bordeaux. Classé AOC depuis 2009, le vignoble de Saint-Pourçain évoque, tous les ans au mois d'août, sa splendeur passée lors d'un festival viticole et gourmand. Les vignerons en sont toujours aussi fiers.

Bibliographie : Vins, vignes et vignerons de Marcel Lachiver, aux éditions Fayard ; Histoire de la vigne et du vin en France de Roger Dion, aux Éditions du CNRS.

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