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AU COEUR DU MÉTIER

« Bien travailler, c'est mon moteur »

FLORENCE BAL - La vigne - n°281 - décembre 2015 - page 26

LES HASARDS DE LA VIE ont amené Sébastien Faure à devenir coopérateur à Saint-Mont, dans le Gers. Mais c'est son goût du travail bien fait qui le pousse à produire selon les cahiers des charges les plus exigeants de sa coopérative.
LE TABLEAU DE BORD DE SON EXPLOITATION

LE TABLEAU DE BORD DE SON EXPLOITATION

SÉBASTIEN FAURE doit chaque année douze journées et demie d'animation à sa coop. Ici, il tient le caveau vêtu de la tenue vestimentaire obligatoire arborant le logo de Saint-Mont. F. BAL

SÉBASTIEN FAURE doit chaque année douze journées et demie d'animation à sa coop. Ici, il tient le caveau vêtu de la tenue vestimentaire obligatoire arborant le logo de Saint-Mont. F. BAL

COOPÉRATEUR, Sébastien Faure tente de conduire le plus possible d'hectares en grand vin, suivant un cahier des charges strict, pour mieux valoriser ses vins.   F. BAL

COOPÉRATEUR, Sébastien Faure tente de conduire le plus possible d'hectares en grand vin, suivant un cahier des charges strict, pour mieux valoriser ses vins. F. BAL

PLUSIEURS FOIS PAR AN, Sébastien Faure fait visiter la vigne préphylloxérique de Sarragachies qui attire un public d'amateurs de la nature. F. BAL

PLUSIEURS FOIS PAR AN, Sébastien Faure fait visiter la vigne préphylloxérique de Sarragachies qui attire un public d'amateurs de la nature. F. BAL

IL EFFECTUE aussi des essais pour Nadine Raymond, responsaéble des recherches chez Plaimont. F. BAL

IL EFFECTUE aussi des essais pour Nadine Raymond, responsaéble des recherches chez Plaimont. F. BAL

« J'ai envie de me réaliser, pas seulement de gagner ma vie. Bien travailler, c'est mon moteur. » À Saint-Mont, dans le Gers, Sébastien Faure livre 45 % de sa production dans les catégories supérieures à la coopérative de Saint-Mont, membre de l'union de coopératives Plaimont (40 millions de bouteilles, 72 millions d'euros de chiffre d'affaires). Il conduit une exploitation de 60 ha dont 20 ha de vigne, 32 ha de céréales et des pâturages pour 40 vaches allaitantes.

Au départ, sa vocation tenait davantage à l'histoire familiale qu'à un projet personnel bien défini. Il grandit à Bordeaux. Ses parents ne sont pas agriculteurs. Après un BTS, il commence des études d'oenologie au cours desquelles il rencontre sa future épouse Christine, originaire de Saint-Mont. En 1993, ses oncles, agriculteurs dans ce même village, tombent malades. « Les événements ont décidé pour moi, raconte-t-il. J'avais 23 ans. J'ai interrompu le diplôme national d'oenologue pour assumer en urgence la marche de leur ferme qui comptait 3 ha de vigne, une quinzaine de vaches et une cinquantaine d'hectares de céréales et de prairies. Je me suis retrouvé fermier. » Puis il s'installe en 1996 et découvre la coopération. En 1999, il travaille 6 ha de vigne et double la taille de son troupeau de vaches allaitantes. À partir de là, il plante des vignes tous les ans pour atteindre 9 ha en 2006. Sa femme, elle, est oenologue dans un domaine gersois.

Dès le départ, il croit en la dénomination Saint-Mont, devenue AOC en 2011. « J'aime faire du mieux possible, explique-t-il. Si on peut faire bon, on doit faire bon. C'est ma manière de voir les choses. » En conséquence, tous les ans, en accord avec le technicien de la coopérative, il engage le maximum de ses parcelles dans la production de vins rouges de catégorie supérieure. Il dédie ainsi 3,5 ha au grand vin et à la cuvée Monastère de Saint-Mont, 2,7 ha au haut de gamme et 2,2 ha au privilège. La grille de paiement de la coopérative établit un revenu de base et un objectif de rendement : 9 000 €/ha et 45 hl/ha pour le grand vin et la cuvée Monastère, 7 000 €/ha et 55 hl/ha pour le haut de gamme, 6 500 €/ha et 63 hl/ha pour privilège.

Les autres vins rouges, les blancs et les rosés en AOC répondent au cahier des charges « tradition ». Ils sont rémunérés 5 000 €/ha avec un rendement de 63 hl/ha pour les rouges et de 69 hl/ha pour les rosés et les blancs. En IGP, l'encaissement est d'environ 4 000 €/ha.

À chaque catégorie correspond un cahier des charges bien défini. En rouge, pour les catégories supérieures, toutes les vignes doivent être ébourgeonnées et épamprées manuellement. Si nécessaire, elles doivent aussi être éclaircies en août. Les vendanges se pratiquent manuellement. Le tannat, qui représente 65 % de la surface en rouge, doit être particulièrement maîtrisé. « Sinon, comme il est naturellement très généreux, il n'est pas intéressant », explique Sébastien Faure. Pour maîtriser la vigueur de ce cépage, il enherbe tous les rangs, les autres vignes n'étant enherbées qu'un rang sur deux. « Les vignes enherbées sont les plus équilibrées, elles mûrissent mieux et sont moins atteintes par la pourriture grise », constate Sébastien.

Il effectue toutes ses plantations avec une densité de 4 500 pieds par hectare. Toujours conformément aux cahiers des charges de la coopérative, il a installé un palissage haut avec des piquets de 1,75 m hors sol et cinq fils afin d'augmenter la surface foliaire. « C'est la clé d'une maturation de qualité, affirme-t-il. De plus, on gagne énormément de temps de travail au vignoble. On relève ainsi en deux ou trois passages au maximum. »

Mi-août, pour les catégories supérieures, une « commission vignoble » attribue à chaque parcelle une note sur 50 en fonction du respect du cahier des charges. Elle vérifie la hauteur du feuillage, l'état sanitaire, l'enherbement, la répartition de la vendange, etc. À la livraison, les raisins sont eux aussi notés sur 50 selon les résultats des analyses physico-chimiques et une grille d'évaluation adaptée au millésime. Cette note globale sur 100 permet de classer les apports de chaque catégorie en trois sous-niveaux dont les écarts de rémunération peuvent atteindre 200 €/ha.

« L'objectif pour moi est d'être bien placé, de bien travailler. C'est mon moteur, mon ambition. Je ne cherche pas seulement la meilleure rémunération, affirme Sébastien. Saint-Mont est une jeune appellation (produite à 98 % par Plaimont, NDLR) avec un déficit de notoriété important, il n'y a qu'en étant bon qu'on sortira du lot. »

Et d'ajouter : « Ma vie de vigneron ne s'arrête pas au moment où je vide ma remorque. » C'est pourquoi, il fait partie de la dizaine de vignerons qui réalise des essais pour Plaimont, sous la houlette de Nadine Raymond, responsable recherche de l'union de coopératives. « On m'a demandé de participer aux essais. Cela m'a fait plaisir », se réjouit-il. Il pratique ainsi des tests de sélections de terroir et de différentes hauteurs foliaires sur du tannat pour évaluer leur impact sur l'acidité. « Ces essais n'aboutiront peut-être à rien, mais c'est intéressant », souligne Sébastien.

Comme tout adhérent de la coop Saint-Mont et de Plaimont, il est tenu de participer chaque année à une journée d'animation chez les clients de la coop pour 1,5 ha livré. Son quota en 2015 s'élève à 12,5 jours. À ceux qui ne se prêtent pas au jeu, la coop retient 150 € par jour non accompli.

« L'animation est une plus-value dans l'accompagnement commercial de la cave, souligne Sébastien. L'intérêt est de remplacer de la promotion pure par un message authentique. » Polo et béret noirs : le code vestimentaire strict est obligatoire. « Les gens s'en souviennent d'une année sur l'autre. Ils sont persuadés de nous avoir déjà vus », dit-il. Mais c'est « compliqué » de quitter son exploitation. Il le fait pourtant. Il apprécie d'intervenir chez les cavistes, comme l'enseigne Nicolas à Paris, ou chez les clients d'un distributeur en Belgique. « Globalement, le retour est bon car les gens viennent pour acheter du vin, ils sont d'emblée intéressés », commente-t-il. En revanche, il n'aime guère se rendre en grande distribution. « Je suis d'une nature réservée, j'ai le sentiment de déranger les gens. »

Lors de ces contacts avec le public, on voit « ce que devient le produit et comment il est reçu, dit-il. On est aussi là pour expliquer notre métier ». Il constate que « d'une manière générale, les gens sont très loin de la réalité du métier. Les questions portent souvent sur les traitements. On doit leur expliquer qu'on ne les fait pas par plaisir. Dans les grandes villes, la conversation dévie aussi sur l'intérêt de la vie à la campagne ».

Outre les animations, il assure, depuis cette année, la visite de la vigne préphylloxérique inscrite aux monuments historiques en 2012 (voir encadré), dans le cadre du développement de l'oenotourisme à la coopérative.

Fermement convaincu de l'avenir des vins de Gascogne, Sébastien a repris, en 2011, 6 ha en fermage qu'il a eu « un peu de mal à digérer ». Pour faire face à ce surcroît de travail, il s'est associé depuis un an avec son voisin Olivier Dabadie, viticulteur comme lui. À deux, ils ont embauché un salarié qui intervient à mi-temps sur chacune de leurs exploitations. Le travail de Sébastien s'en trouve allégé. « Avant, je finissais de traiter à 1 heure du matin. Maintenant, c'est fini », se réjouit-il. Son voisin et lui réfléchissent désormais à acquérir du matériel en commun : griffes, effeuilleuse, tracteur, pulvérisateur, rogneuse...

À 45 ans, il poursuit sa spécialisation en viticulture. Il profite du plan triennal de restructuration du vignoble. Cette année, il a planté 1,5 ha dont 80 ares de gros manseng. L'an prochain, il va poursuivre avec 1,8 ha de pinenc et 1 ha de colombard. Puis il lui restera 3,5 ha à planter en IGP. Il arrêtera alors les céréales et réduira drastiquement son cheptel. « Le troupeau allaitant, l'été, on s'en sort. Mais l'hiver, il faut le nourrir et surveiller les vêlages. J'ai trois enfants, je veux en profiter », explique-t-il. Produire pour les catégories supérieures de Saint-Mont lui permet de « se réaliser », de gagner sa vie et d'avoir du temps. Coopérateur, Sébastien Faure s'épanouit sur les plans professionnel, personnel et familial.

SUCCÈS ET ÉCHECS CE QUI A BIEN MARCHÉ

Sébastien Faure est heureux d'élaborer des vins haut de gamme et de contribuer au grand vin Monastère, issu de parcelles de l'ancien monastère de Saint-Mont. « C'est la direction que doit prendre la coop. »

Depuis un an, son voisin et lui ont embauché un salarié qui travaille à mi-temps sur chaque exploitation. Un soulagement.

L'achat en Cuma d'une machine à vendanger pour la récolte des saint-monts rouges tradition, des blancs et rosés. « L'organisation du travail est largement meilleure qu'avec le prestataire que nous employions. On vendange avec sérénité. »

SUCCÈS ET ÉCHECS CE QU'IL NE REFERA PLUS

Il a trop tardé à planter des blancs. Il n'en cultive que 3,2 ha alors qu'ils sont « promis à un bel avenir ».

Il a une dizaine de petites parcelles biscornues pour un total de 2 ha. Elles ne sont pas adaptées à la vendange mécanique. Il doit les restructurer.

Il regrette d'avoir construit l'étable pour ses vaches allaitantes au coeur de son domaine car il envisage de réduire fortement cette activité.

UN GUIDE HORS PAIR De belles rencontres dans la vigne de Sarragachies

- Dans le cadre des journées d'animation de sa coopérative, Sébastien Faure fait visiter trois ou quatre fois par an la vigne préphylloxérique de Sarragachies inscrite aux monuments historiques en 2012. Chaque visite dure entre 1 heure et 1 h 30. « Nous avons affaire à des touristes qui n'ont souvent aucune relation avec le vin, mais qui sont sensibles à la nature. »

- Cette vigne comporte vingt cépages différents dont sept totalement inconnus. « C'est un conservatoire génétique formidable, explique-t-il aux visiteurs. Les vignes ont été plantées au XIXe siècle au carré et en pieds doubles et sont en pleine forme. »

- Les questions tournent souvent autour de la génétique. « Non, il n'y a pas de vignes OGM », indique-t-il. Le clonage aussi est un mot qui fait peur. « J'explique alors que ce n'est jamais que du bouturage. » D'autres veulent savoir si Sébastien est en bio, s'il vit bien de son métier. « Ces visiteurs sont intéressés, C'est un public très différent de celui que je rencontre lors des animations. Quoi qu'il en soit, ce sont toujours de belles rencontres. »

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L'exploitation

Main-d'oeuvre : Sébastien, 1 tractoriste à mi-temps, 2 saisonnières régulières

Surfaces et cheptel : 60 ha dont 20 de vignes (18,5 en production) et 40 blondes d'Aquitaine

Appellations : Saint-Mont, IGP Côtes de Gascogne

Cépages : tannat, pinenc, cabernet-sauvignon, gros manseng, petit courbu, arrufiac, cabernet franc

Plantation : 4 000 à 4 500 pieds/ha

Taille : guyot simple, guyot double quand le cahier des charges l'exige

L'essentiel de l'offre

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