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VIGNE

Court-noué En quête d'un remède

CHRISTELLE STEF - La vigne - n°281 - décembre 2015 - page 32

Ce fléau sévit dans les vignobles plantés de longue date. Des viticulteurs tentent, sans grand espoir, de s'en débarrasser.
JAUNISSEMENT de ceps de vigne atteints de court-noué, une virose contre laquelle il n'existe actuellement pas de solution satisfaisante. © M. FAGGIANO

JAUNISSEMENT de ceps de vigne atteints de court-noué, une virose contre laquelle il n'existe actuellement pas de solution satisfaisante. © M. FAGGIANO

« Le court-noué ? C'est quasiment la problématique numéro un chez nous. Cette virose a toujours été présente, mais ce qui est inquiétant c'est qu'elle progresse certes lentement mais régulièrement. On voit de plus en plus de parcelles et de secteurs touchés », explique François Dal, de la Sicavac, à Sancerre (Cher). Les raisons selon lui ? « Il y a de moins en moins de repos du sol », observe-t-il. Cette situation inquiète certains viticulteurs.

C'est le cas de Benoît Godon, viticulteur à Verdigny (Cher), qui travaille sur 12 ha. La plupart de ses vignes se situent dans le vignoble historique de Sancerre, qui est le plus touché. « Dans les parcelles atteintes, je marque les pieds qui expriment des symptômes. Chaque année, je me rends compte que les ronds de court-noué s'agrandissent. Certaines vignes sont touchées à 60 %, déplore-t-il. Cela impacte les rendements. L'expression des symptômes fluctue d'une année à l'autre. Mais je peux avoir jusqu'à 30 % de perte de récolte dans certaines parcelles. » Ce qui le décourage le plus ? « Lorsque des pieds atteints par l'esca meurent, on les remplace et on repart avec du "neuf". Pour le court-noué, on n'a pas de solution. Quand on remplace un cep contaminé, la maladie revient », regrette-t-il. Malgré tout, il ne se résigne pas à voir ses vignes jaunir.

Pour limiter la progression de la maladie, Benoît Godon a lancé cette année un essai sur trois parcelles touchées. Sur une partie de la superficie, il a apporté au sol un engrais biostimulant à base d'azote et d'acides aminés (Idrogrena) en association avec des chélates de fer au moment du débourrement. Sur l'autre, il a mis une préparation 500 Urtica (500 P dans une tisane d'orties) sur le feuillage avant la floraison, en juin. « Ces deux applications semblent avoir eu un effet car il y avait nettement plus de symptômes dans la partie témoin, mais cela reste à confirmer. Je vais donc poursuivre le test encore pendant au moins deux ans. » Dans les parcelles très atteintes, Benoît Godon va essayer une solution plus radicale. « Je vais marquer les pieds qui paraissent sains et y prélever des greffons qui me serviront à regreffer quelques pieds atteints. Si des sujets résistent mieux, c'est peut-être qu'ils présentent une forme d'immunité », justifie-t-il.

Lionel Bourgeois, du domaine Henri Bourgeois, 70 ha de vignes à Chavignol, est également désemparé. « Le court-noué est un problème important chez moi dans les sols argilocalcaires, alors que dans les silex, il y en a peu ou pas du tout. Est-ce lié à l'acidité des sols de silex ? Je l'ignore. » La maladie touche trois à quatre hectares de son vignoble. Il y a trois ans, il a été obligé d'arracher une parcelle de 80 ares de sauvignon âgée seulement de 25 ans. 40 % des plants étaient atteints par le court-noué. Avant de l'arracher, il l'a dévitalisée même s'il n'est « pas sûr que cela soit efficace ». Deux années de suite, il a effectué un travail du sol profond pour « extirper le plus de racines possibles et déranger les nématodes ». Puis, en octobre dernier, il a semé un mélange de plantes nématicides (Viver Néma-Contrôle de Jouffray-Drillaud) qu'il laissera en place durant deux ans. « Au mieux, je replanterai la parcelle en 2018. Six ans sans vigne, économiquement ce n'est pas rentable. Mais si cela me permet d'avoir une plantation qui dure plus longtemps, cela vaut le coup d'essayer au moins une fois », assure-t-il.

Jean-Jacques Couchou-Meillot, viticulteur à Vertus, en Champagne, est également démuni. Ses 4,5 ha de vignes se situent dans la côte des Blancs, un secteur planté de très longue date et historiquement très touché. « On voit dépérir nos parcelles. Certaines sont touchées à 30-40 %, voire plus. Il y a des vignes qu'il a fallu renouveler trois fois en soixante-quinze ans. Cela a un coût important. La dernière replantation que j'ai faite, c'était il y a douze ans. J'ai dévitalisé la parcelle au Roundup avant de l'arracher, puis j'ai laissé reposer le sol pendant un an, comme cela se pratique habituellement dans la région. Les premiers symptômes de court-noué sont réapparus au bout de six à sept ans. Et aujourd'hui, la maladie est bien présente. Je me rends compte que la dévitalisation n'est pas aussi efficace que ce qu'on nous dit. Ce qu'il nous faudrait, ce sont des plants rendus insensibles à la maladie par génie génétique. »

Même désarroi en Bourgogne, en particulier dans la côte de Beaune. « Oui, le court-noué est un problème important dans toute la région. Nous avons un vignoble ancien, établi depuis plusieurs centaines d'années, sans rotation. Les vecteurs du virus sont présents partout. Cela se traduit par des pertes de récolte à cause de ceps qui deviennent moins productifs. Cela s'ajoute à un ensemble de facteurs (esca, bois noir, aléas climatiques...) qui font que la capacité de production diminue sans que l'on puisse donner de chiffres », indique Marc Cugney, le responsable du domaine Berthelemot, à Meursault. Pierre Petitot, de la chambre d'agriculture de Côte-d'Or confirme. « Aujourd'hui comme hier, en l'absence de solutions satisfaisantes, le court-noué est un problème récurrent. La virose s'étend en rond, souvent dans les zones d'érosion lorsque la terre est transportée avec les nématodes. Le développement du travail du sol a certainement eu aussi une incidence en traînant et en dispersant les radicelles et les nématodes », explique-t-il. Les viticulteurs sont résignés. « On doit vivre avec », conclut l'un d'entre eux.

L'enroulement progresse également

En Bourgogne, il n'y a pas que le court-noué qui pose un problème, il y a aussi l'enroulement. « Les années où l'été n'est pas terrible, l'enroulement devient très problématique car il aggrave les difficultés de maturation. Certaines vignes sont très touchées. La seule solution est alors de les arracher puis de les replanter », déplore Pierre Petitot, de la chambre d'agriculture de Côte-d'Or. L'enroulement est une autre virose provoquée par des virus appartenant à la famille des GLRV (Grapevine Leaf Roll Associated Virus). « À ce jour, dix types de virus associés à l'enroulement ont été identifiés. Parmi eux, les types 1 et 3 expriment les symptômes et les perturbations les plus graves », précise le Guide pratique : Viticulture durable en Champagne de 2015, édité par le CIVC. La transmission de ces virus se fait principalement par le matériel végétal. Des cochenilles farineuses et des cochenilles à bouclier peuvent également transmettre les virus GLRaV-1 et V-3, et les propager de proche en proche.

L'IFV suspend la diffusion du Némadex AB

L'IFV vient d'annoncer qu'il suspendait temporairement la diffusion du Némadex AB auprès des pépiniéristes. Rappelons que ce porte-greffe limite la contamination de la vigne par le court-noué, car il est tolérant vis-à-vis du nématode Xiphinema index, le vecteur de l'un des virus responsables de la maladie. Toutefois, les résultats d'essais montrent que, pour les plantations nouvelles, l'effet est variable d'une parcelle à l'autre. Dans certains cas, il retarde de dix à douze ans la contamination des pieds. Dans d'autres, seulement de deux à trois ans, voire pas du tout. Et, en complantation, son effet est nul. De plus, c'est un porte-greffe sensible à l'humidité, à la sécheresse et peu résistant à la chlorose calcaire. Sans compter qu'en pépinière, il est très difficile à travailler. « C'est un porte-greffe de niche, à utiliser avec prudence dans un premier temps. Nous avons besoin d'évaluer son comportement au vignoble chez les premiers vignerons livrés. En attendant, nous arrêtons temporairement sa diffusion », explique Pascal Bloy, le directeur du pôle national matériel végétal à l'IFV. Aujourd'hui, il y a 5 ha de vignes mères de Némadex. « On ne veut pas trop pousser les pépiniéristes à en planter davantage, au cas où le marché ne suive pas », justifie-t-il.

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