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VIGNE

GIEE Ensemble pour améliorer les pratiques

FRÉDÉRIQUE EHRHARD - La vigne - n°281 - décembre 2015 - page 36

Des viticulteurs engagés dans des programmes de réduction des intrants viennent d'obtenir le label GIEE du ministère de l'Agriculture. Ils espèrent faire des émules.
DOM BRIAL est reconnue en GIEE. Robert Martin, à gauche, responsable du vignoble, et Philippe Petit, vice-président de la cave  mènent des essais d'enherbement dans le rang avec de la moutarde. © F. ERHRARD

DOM BRIAL est reconnue en GIEE. Robert Martin, à gauche, responsable du vignoble, et Philippe Petit, vice-président de la cave mènent des essais d'enherbement dans le rang avec de la moutarde. © F. ERHRARD

Les GIEE (groupements d'intérêt économique et environnemental) sont des organisations d'agriculteurs reconnues par l'État. Leurs membres s'engagent à modifier leurs pratiques pour préserver l'environnement tout en veillant à leurs coûts de production.

Début octobre, le ministère de l'Agriculture avait reconnu onze GIEE en viticulture. Il s'agit de démarches collectives, portées par des associations, des coopératives ou des syndicats. Le point sur trois initiatives - Roussillon, Alsace et Charente - où des viticulteurs veulent réduire l'utilisation des désherbants

DOM BRIAL

« Fiers d'être parmi les premiers »

« Nous sommes fiers d'avoir été reconnus parmi les premiers GIEE ! », affirme Philippe Petit, vice-président de Dom Brial, à Baixas, dans les Pyrénées-Orientales. Cette coopérative était déjà certifiée Vignerons en développement durable et Agri Confiance. Cette année, un groupe de 32 adhérents a obtenu une reconnaissance officielle de l'État en GIEE. « Cela confirme que nous allons dans le bon sens et cela va nous aider à mobiliser nos adhérents au-delà des pionniers », ajoute-t-il.

L'objectif de ce GIEE ? Utiliser moins d'herbicides pour améliorer la qualité des eaux de la vallée de l'Agly. Les 32 vignerons s'étaient déjà engagés à faire évoluer leurs pratiques dans le cadre d'une mesure agri-environnementale (MAE). Ils ont ainsi mis en place des essais d'enherbement, de mulch et de travail du sol dans les interrangs et sous les rangs.

Au préalable, « nous avions organisé des formations pour repréciser les bases agronomiques et réfléchir ensemble aux alternatives que l'on pouvait mettre en place. Chacun a pu partager ses expériences avec les autres », explique Robert Martin, responsable du vignoble de Dom Brial. Toutefois, les viticulteurs n'ont pas encore trouvé la bonne formule. Ils poursuivent donc les essais. « Nous avons besoin d'apprendre à gérer la concurrence de l'herbe en milieu méditerranéen », note Philippe Petit, qui fait partie du GIEE. Sur ses 20 ha, il teste l'enherbement naturel dans les interrangs et le travail du sol sous le rang. « Je vais m'équiper d'un intercep et d'un broyeur, pour lesquels j'ai demandé des aides dans le cadre d'un plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations. » En tant qu'adhérent d'un GIEE, il ne touchera pas plus de subventions, mais son dossier devrait être retenu en priorité.

Pour développer l'enherbement, le groupe compte acquérir un semoir. « Nous allons solliciter le soutien de nos partenaires, l'Agence de l'eau et Perpignan Méditerranée Communauté d'agglomération. Le fait d'être labellisés GIEE devrait encore nous aider », ajoute Robert Martin.

WESTHALTEN

Des échanges tous les mois

À Westhalten, dans le Haut-Rhin, 18 viticulteurs sur la soixantaine que compte le syndicat ont aussi été reconnus en GIEE cette année. Certains travaillent en conventionnel, d'autres en bio. Là encore, l'objectif est de réduire l'utilisation des herbicides. Les 18 viticulteurs sont engagés dans un programme depuis 2010. Le groupe est animé par l'Inra et associe des naturalistes à ses réflexions. Cela a permis de renouer le dialogue avec des défenseurs de la nature après la création conflictuelle d'une zone Natura 2000. « Nous avons besoin de parler de notre métier, d'expliquer que nous faisons évoluer nos pratiques. C'est important », note Jean-François Lallemand, le président du syndicat.

« Nous partageons nos idées et nos expériences pour chercher des solutions ensemble. C'est plus efficace que si chacun fait des essais de son côté, sans les mener jusqu'au bout », souligne-t-il. Les réunions se succèdent au rythme d'une par mois. « Nous faisons le point sur ce qui marche ou pas. Cela crée une émulation », constate Jean-Luc Schlegel, lui aussi vigneron à Westhalten, et qui a développé le travail du sol sur son exploitation tout en testant l'enherbement du cavaillon avec de la piloselle.

Mais à Westhalten, où il y a eu des coulées de boue par le passé, le travail du sol n'est pas adapté dans certaines parcelles. Pour entretenir l'interrang, le groupe cherche donc à implanter des espèces sauvages locales qui se dessécheraient l'été et concurrenceraient peu la vigne. Un enherbement de ce type, tout en évitant l'érosion, nécessiterait peu d'entretien. « Nous n'avons pas encore trouvé la technique idéale. Mais je suis content d'appliquer moins d'herbicides. Je parle de ces efforts à mes clients. Les retours sont positifs », ajoute Jean-Luc Schlegel.

Onze GIEE reconnus en viticulture

Début octobre, le ministère de l'Agriculture avait reconnu 128 GIEE regroupant 2 300 agriculteurs engagés sur plus de 200 000 ha. Onze de ces GIEE concernent la viticulture. Un en Alsace, quatre en Aquitaine, deux en Languedoc-Roussillon, un en Limousin, un en Paca, un en Poitou-Charentes et un en Rhône-Alpes. Précision : dans certains de ces GIEE, les viticulteurs sont associés à des exploitants d'autres filières. Ces GIEE viticoles regroupent 374 professionnels et couvrent plus de 2 000 ha. Les groupes reconnus ont répondu à un appel à projet lancé par l'administration dans chaque région. Ils ont fourni un dossier décrivant leurs objectifs, les actions réalisées et celles restant à faire. Comme ils ne partaient pas de zéro, ils ont facilement obtenu leur reconnaissance en GIEE. Ceci leur permet d'obtenir des aides pour l'animation de leur groupe. Les membres des GIEE devraient aussi avoir plus facilement accès aux aides nationales, sans montants supérieurs pour autant. Les collectivités locales peuvent prévoir des bonus si elles le souhaitent.

En Charente : solidarité entre les filières

« Cet été, quand les éleveurs sont venus chercher leurs premières bottes de luzerne, c'était un moment fort ! », raconte Michel Saunier. Installé à Vaux-Rouillac, en Charente, ce viticulteur, comme d'autres, cultive des vignes et des céréales sur l'aire d'alimentation du captage d'eau potable de Jarnac. « Pour améliorer la qualité de l'eau, nous avions déjà réduit les herbicides dans nos vignes. Il restait à le faire pour nos céréales. Du coup, nous les avons remplacées par de la luzerne. Elle nécessite peu d'intrants et intéresse les éleveurs du nord du département, qui ont besoin d'améliorer leur autonomie fourragère », explique-t-il. C'est ainsi qu'est née, en 2013, l'association Entente Viticulteurs Éleveurs 16.

Les viticulteurs adhérents ont mis leurs terres agricoles situées sur le captage à la disposition de l'association pour une période de cinq ans.

L'an dernier, un prestataire payé par l'association est venu y implanter de la luzerne. Cette année, l'association a fait sa première récolte de fourrage. Elle l'a vendue à prix coûtant aux éleveurs. « Ceux-ci vont développer un atelier d'engraissement collectif pour produire de la viande "100 % Charente" et améliorer leur valeur ajoutée. À terme, ils pourront nous acheter ces fourrages au prix du marché », précise Michel Saunier. Cette solidarité entre agriculteurs a convaincu l'administration, qui a accordé le statut de GIEE à l'association. En attendant de mieux vendre leur luzerne, les vignerons misent sur ce label pour décrocher des subventions au travers d'une MAE expérimentale.

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