De gauche à droite : Noémie et Alexandre sont des amis de Ségolène (au centre), qui reçoit chez elle. Olivier, son compagnon, a invité Michaël. Ils participent à leur première dégustation. © É.-A. JODIER
Les jeunes gens ont appris ce soir à sentir le premier, puis le second nez. Ils s'appliquent pour chacun des vins qui leur est présenté. © É.-A. JODIER
Ségolène reconnaît ne pas être une experte en vin. Elle montre ainsi une carte à ses convives pour les aider à situer le vignoble du Languedoc-Roussillon. © É.-A. JODIER
Les Terres Grillées Ce côtes-du-roussillon blanc du domaine Piquemal a fait forte impression sur les jeunes gens. Vendu un peu plus de 13 €/col, il leur a plu alors qu'ils avaient une mauvaise image du vin blanc. © É.-A. JODIER
Ségolène l'avoue, elle ne s'y connaît pas en vin. Cela n'a pas empêché cette jeune diplômée d'une école de commerce de se lancer dans la vente à domicile de vins pour Captain Bacchus. Ce 12 novembre au soir, avec son compagnon Olivier, elle reçoit dans son appartement parisien trois amis - Michaël, Alexandre et Noémie - qu'elle a invités pour leur faire découvrir les cinq vins de la gamme. Le but : vendre des bouteilles et élargir son réseau.
Alexandre et Noémie se marient en avril et cherchent des vins pour l'occasion. Michaël, lui, est curieux de voir comment se passe l'atelier mené par Ségolène. Tous trois ont entre 24 et 26 ans et s'apprêtent à vivre leur première dégustation.
« Je vais d'abord vous parler des vins avant de vous les faire goûter », lance l'hôtesse. « Oh non ! Ce n'est pas marrant ! », rigole Michaël. L'ambiance est bon enfant. « Ces vins sont du Languedoc-Roussillon, reprend-elle. Je vais vous montrer une carte. Je l'ignorais, mais c'est le plus grand vignoble d'Europe. »
La jeune femme enchaîne sur les deux domaines à l'origine de Captain Bacchus. « Le domaine Réty ne fait que 3 ha et produit environ 15 000 bouteilles, issus de trois cépages. » Elle s'arrête et prévient : « Je vais vous apprendre un peu de vocabulaire : les cépages, ce sont les variétés de vigne. »
Vient ensuite le domaine Piquemal, 51 ha et près de 35 000 bouteilles (le reste étant vendu en vrac). « Il est beaucoup plus ancien et pratique une viticulture raisonnée. » Olivier demande si cela signifie qu'il est bio. Ségolène lui précise la différence et explique ce qu'est l'assemblage : « C'est comme une recette ! »
Captain Bacchus est né d'un partenariat entre ces deux domaines qui ont fait le pari d'écouler leurs vins par la vente à domicile. L'idée peut paraître osée, surtout si l'on fait appel à des vendeurs étrangers au monde du vin. Pourtant, en quelques minutes, Ségolène a su mettre ses invités à l'aise en leur expliquant qu'elle n'était pas plus spécialiste qu'eux et qu'elle allait leur parler du vin avec des mots simples.
La jeune femme commence par faire découvrir le côtes-du-roussillon blanc du domaine Piquemal. Elle détaille les trois moments de la dégustation : la vue, l'odorat et le goût. « Commencez par regarder le vin. Vous voyez les traces sur la paroi du verre ? On appelle cela des larmes. On va maintenant respirer le vin, c'est ce qu'on appelle le premier nez », indique-t-elle. Les invités décèlent des arômes de poire et de noix. « Et maintenant, vous pouvez dodiner !, s'amuse la jeune femme. J'adore ce mot ! » Les invités font danser leur vin dans leur verre avant de le sentir à nouveau. « Alors, comment le trouvez-vous au second nez ? », demande la maîtresse de cérémonie. « C'est beaucoup plus puissant ! », observe Olivier.
« On le goûte ? » En bouche, les arômes se révèlent : Alexandre retrouve le côté gras de la noix qu'il avait imaginée. Noémie, qui s'attendait à un vin sucré, est étonnée. En effet, le vin est sec et vif. « Vous sentez le petit goût un peu amer ? Le temps qu'il reste dans la bouche, c'est ce qu'on appelle la longueur en bouche », précise Ségolène. Les apprentis dégustateurs s'attachent à percevoir cette longueur et cherchent naturellement avec quel met accorder ce vin. Noémie l'envisage très bien à l'apéritif, Michaël et Olivier plutôt avec du fromage. Ce dernier, qui admet ne pas aimer les vins blancs d'habitude, se surprend à finir son verre avec gourmandise.
La dégustation se poursuit avec le côtes-du-roussillon rosé du même domaine. Avec des mots qui parlent à ses amis, Ségolène vante les qualités de cet assemblage de syrah et de grenache. Au nez, Noémie décèle des fruits rouges sans pouvoir préciser lesquels. Au grand étonnement de Ségolène, Olivier a bien perçu les notes de pain grillé. Le jeune homme se révèle plutôt doué pour la dégustation. Une fois en bouche, c'est la surprise. « Je ne m'attendais pas du tout à ça », s'exclame Alexandre, qui apprécie la complexité des arômes. Noémie, sa fiancée, se montre moins enthousiaste. Elle trouve le vin un peu trop acide. De son côté, Michaël découvre tout l'intérêt d'une dégustation attentive : « Si je l'avais bu en soirée, je n'en aurais pas du tout profité ! »
C'est au tour des vins rouges du domaine Réty. La couleur et le nez du côtes-du-roussillon-villages 2014 font des heureux. « Il sent trop bon ce rouge ! », s'exclame Michaël. Au nez, Alexandre décèle de la myrtille. Assentiment général : « C'est exactement ça ! » Les convives sont tous d'accord : « Il est super bon ce vin ! »
Ségolène propose alors le second vin rouge, un côtes-du-roussillon nommé l'Insolente. Elle raconte l'histoire de ce vin pendant que les garçons observent les larmes, bien visibles. « Ouh là là ! Il doit être fort ! », s'exclament-ils. Mais ce vin fait moins l'unanimité. Qu'à cela ne tienne, les langues se délient. Les dégustateurs se surprennent à parler sans avoir peur de dire des bêtises. Michaël et Olivier s'amusent à « dodiner », comme ils aiment à le répéter. « Comme ça, en soirée, on pourra jouer les connaisseurs ! »
« En goûtant plusieurs vins, on peut comparer, note Alexandre. Je trouve l'Insolente plus fort, alors que le premier rouge était plus subtil, mais c'est un vin que j'apprécie beaucoup. »
La soirée touche à sa fin. Ségolène sert le muscat du domaine Piquemal. Très clair, celui-ci surprend Noémie. Les notes florales et d'herbes fraîches lui plaisent. « Le muscat, c'est un vin de filles ! s'amuse Michaël, qui lui trouve pourtant des qualités. Je ne pensais pas en apprécier un jour ! »
Reste à se décider, ce qui se fera finalement après le départ de La Vigne. Les fiancés hésitent. Michaël a beaucoup aimé le blanc et Olivier les deux rouges, mais il risque de craquer pour le rosé. Une chose est sûre, tous ont découvert une autre façon de boire du vin. Une expérience qu'ils souhaiteront sans doute partager avec leurs proches. C'est du moins ce qu'espère Ségolène.
DEBRIEFING
Pour inciter les gens à s'exprimer, Ségolène pose des questions tout au long de la dégustation. «Vous ne trouvez pas qu'il y a des arômes de poire?» ou bien «Vous le boiriez avec quel plat?». Ainsi, elle lance des pistes sans imposer son discours. La vendeuse s'aide de fiches de dégustation qui listent les différents arômes en fonction des couleurs de vin. Ses amis ont apprécié d'avoir un support rassurant et très simple pour oser se lancer au moment de deviner les arômes.
«Vous n'êtes pas obligés de tout boire!», a prévenu l'hôtesse dès le début de la soirée. Elle a placé un saladier en évidence pour inciter ses invités à vider leur verre et en montrant elle-même l'exemple.
Le Point de vue de
PATRICK RÉTY, DOMAINE RÉTY ET FONDATEUR DE CAPTAIN BACCHUS
« C'est un pari osé »
«Je ne viens pas du milieu viticole, mais le vin est une passion depuis longtemps. En 2012, j'ai acquis 2 ha dans les Pyrénées-Orientales. Pour commercialiser mes vins, j'ai trouvé que la vente à domicile était particulièrement indiquée. Je me suis associé avec le domaine Piquemal, un voisin, pour proposer une sélection comptant toutes les couleurs. Captain Bacchus est né ainsi. Aujourd'hui, nous avons 250 vendeurs en France et plus de 60 à Paris. Les gens que nous recrutons ne s'y connaissent pas forcément en vin. C'est un pari osé. Mais ils suivent une formation et, surtout, ils s'expriment à leur manière et se mettent au niveau de leur auditoire. Cela fonctionne bien parce que nous n'avons que cinq vins dans notre offre. D'un point de vue pratique, les vendeurs disposent de deux kits. Le premier comprend les verres, un tablier, les stop-gouttes, etc. Le second est composé des cinq bouteilles. Il vaut 28 euros, mais les vendeurs n'en paient que la moitié. Il leur est même offert s'ils dépassent 500 euros hors taxe de chiffre d'affaires au cours d'une dégustation. En 2014, nous avons vendu 10 000 bouteilles de cette manière. Nous devrions atteindre 20 000 en 2015 et j'espère 30 000 l'année prochaine ! »