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Magazine - Etranger

Géorgie Un nouvel élan pour le vin

MARINE DUMEURGER - La vigne - n°281 - décembre 2015 - page 82

Dans ce pays du Caucase, qui a vu naître la viticulture, de grandes entreprises parient sur les cépages locaux pour produire des vins adaptés aux marchés internationaux.
LES VIGNES DE KHAREBA s'étendent sur 800 ha au pied des premiers versants du Causase. © A. FINISTRE

LES VIGNES DE KHAREBA s'étendent sur 800 ha au pied des premiers versants du Causase. © A. FINISTRE

AU DOMAINE SCHUCHMANN, dans la province de Khakhétie, les 120 hectares de vignes plantées de cépages locaux sont vendangées à la main. © A. FINISTRE

AU DOMAINE SCHUCHMANN, dans la province de Khakhétie, les 120 hectares de vignes plantées de cépages locaux sont vendangées à la main. © A. FINISTRE

CHEZ KHAREBA , 90 % de la récolte sont vinifiés dans des cuves en Inox fabriquées en Italie. © A. FINISTRE

CHEZ KHAREBA , 90 % de la récolte sont vinifiés dans des cuves en Inox fabriquées en Italie. © A. FINISTRE

VLADIMER KUBLASHVILI , le directeur et vinificateur, élève le château Lipartiani, son haut de gamme, en fûts de chêne. Il veut conquérir l'export. © A. FINISTRE

VLADIMER KUBLASHVILI , le directeur et vinificateur, élève le château Lipartiani, son haut de gamme, en fûts de chêne. Il veut conquérir l'export. © A. FINISTRE

HERVÉ ROMAT est l'oenologue français du domaine Khareba. Il tire le meilleur parti des cépages locaux comme le saperavi qui produit un vin très tannique.  © A. FINISTRE

HERVÉ ROMAT est l'oenologue français du domaine Khareba. Il tire le meilleur parti des cépages locaux comme le saperavi qui produit un vin très tannique. © A. FINISTRE

Ci-dessus la chaîne d'étiquetage. © A. FINISTRE

Ci-dessus la chaîne d'étiquetage. © A. FINISTRE

ILIA DATUNASHVILI, l'un des dirigeants du domaine Schuchmann, souhaite élargir ses ventes aux pays autrefois ouverts au seul marché soviétique.  © A. FINISTRE

ILIA DATUNASHVILI, l'un des dirigeants du domaine Schuchmann, souhaite élargir ses ventes aux pays autrefois ouverts au seul marché soviétique. © A. FINISTRE

C'est le pays du vin par excellence. Nichée entre le Caucase et la mer Noire, la Géorgie déroule ses vignobles sur des milliers d'hectares. On y produit du vin depuis des millénaires. Récemment, des recherches archéologiques ont montré que la viticulture y remonterait à 7 000 av. J.-C., bien plus tôt qu'en Europe.

Mais cette histoire est tumultueuse. Malmenée pendant l'ère soviétique, puis victime d'un embargo de la Russie, son premier client, de 2006 à 2013, la viticulture de ce petit pays est en pleine restructuration. Le vignoble ne couvre plus que 48 000 hectares, soit un tiers de la superficie d'il y a trente ans. Il s'attelle à une lourde tâche : trouver des débouchés à l'export, ailleurs qu'en Russie, pour ne plus se retrouver pieds et poings liés avec son ténébreux voisin.

Pour se développer, les Géorgiens ne peuvent pas compter sur leur marché intérieur. Leurs concitoyens achètent très peu de vin car presque tous en vinifient eux-mêmes. Ainsi, les deux tiers des 150 000 tonnes de raisins qui sont vendangées chaque année dans le pays sont destinées à l'autoconsommation.

Des domaines tournés vers l'export

De taille conséquente, Khareba appartient à la génération de producteurs innovants et ambitieux qui veut relever le défi de s'ouvrir à l'exportation. Créée par les trois frères Kharebava en 1995, la marque cultive 800 ha de vigne et achète environ 500 t de raisins, chaque année, à des viticulteurs. Elle possède deux centres de vinification, l'un en Khakhétie, à l'est du pays, l'autre à l'ouest, en Iméréthie. Elle produit deux millions de bouteilles par an, pour une trentaine de vins différents, et envisage de construire bientôt un troisième chai de vinification.

Khareba vend encore 80 % de sa production sur ses marchés traditionnels - la Russie et l'Europe de l'Est - mais le reste rejoint de nouvelles destinations : la Chine, l'Allemagne, l'Angleterre...

Depuis cinq ans, l'entreprise s'offre les services de l'oenologue français Hervé Romat. « Nous voulons exprimer le potentiel des cépages locaux, explique-t-il. Pour les blancs, nous sommes à la recherche des meilleurs itinéraires de vinification. Nous n'avons pas encore de repères comme avec les cépages français. Il faut dire que nous cultivons une quinzaine de cépages différents. En revanche, pour les rouges, nous savons que la macération ne peut pas être très longue car le cépage principal, le saperavi, est naturellement très tannique. »

Dans son laboratoire moderne, le jeune manager et vinificateur, Vladimer Kublashvili ajoute : « Pour aborder le marché international, nous nous sommes équipés et nous avons modéré la production des vignes. » Environ 90 % de sa récolte est vinifiée dans des cuves en Inox made in Italy, 7 % dans des jarres en terre cuite, selon la méthode traditionnelle du qvevri, et 3 % dans des foudres en chêne.

Sur le terrain, les vignes de Khareba sont encore surveillées par des miradors, en souvenir de l'anarchie des années 1990.

Ici, peu de cépages internationaux excepté du cabernet ou du merlot sur 15 ha. Les cépages locaux, qui font la fierté de la Géorgie - saperavi en rouge et katsi, mtsvane, krakhuna ou tsitska en blanc - règnent en maîtres. « Nous sommes un pays de vins. Nous avons une histoire et des variétés uniques au monde. Nous devons miser sur ces atouts et sur la qualité plutôt que sur la quantité », poursuit Vladimer Kublashvili.

Des climats différents

À l'est du pays, en Khakhétie, où est située la majeure partie des vignes de Khareba, le climat est continental, sec et assez venté. « Comme il y a naturellement peu de maladies, nous utilisons peu de produits phytosanitaires, précise Hervé Romat. À l'ouest, où se trouve notre vignoble d'Iméréthie, avec la proximité de la mer Noire, le climat est plus océanique. Nous sommes obligés de traiter davantage contre le mildiou et l'oïdium... » Nulle part il n'est nécessaire d'irriguer, soit parce que les sols ont de bonnes réserves en eau, soit parce que la pluviométrie est régulière.

Un atout : le tourisme

Pour compléter son offre, Khareba mise sur le tourisme. En 2014, les touristes ont été six millions à visiter la Géorgie, soit cinq fois plus qu'il y a cinq ans. En Khakhétie - la région qui produit près de 70 % du vin géorgien -, Khareba les accueille dans le Tunnel, une immense cave de 7 km de long où l'on peut déguster ses vins.

Non loin de là, le domaine Schuchmann reçoit près de 15 000 visiteurs par an dans sa boutique-hôtel-restaurant. Fondé en 2008 par un Allemand, Burkhard Schuchmann, avec une équipe géorgienne, il produit 500 000 bouteilles par an et entend monter à deux millions dans les années à venir. Ici, les barriques viennent de France, les cuves de Bulgarie et les bouteilles d'Italie. Mais, sur les 120 hectares du vignoble, ne sont plantés que des cépages locaux. Principalement du rkatsiteli en blanc - qui donne des vins secs et plutôt acides - et du saperavi en rouge, pour des vins très colorés, riches en alcool et en tannins.

Schuchmann vise aussi de nouveaux marchés. L'entreprise produit une quinzaine de vins différents, dont 30 % en qvevris, ces jarres traditionnelles en terre cuite. « Nous voulons nous tourner vers des pays européens et vers la Chine, la Mongolie et les anciens marchés soviétiques, lassés de la vodka, comme l'Ouzbékistan ou le Kazakhstan », explique Ilia Datunashvili, un des dirigeants, avant de poursuivre, réaliste : « On produira toujours moins en Géorgie qu'en France ou au Chili, mais il y a un vrai potentiel à développer. »

Une abondance de cépages

À elle seule, la Géorgie réunit plus de 500 cépages. Cette profusion s'explique par l'ancienneté de la viticulture et la variété de climats et terroirs de ce pays, depuis les rives de la mer Noire, jusqu'au pied des montagnes du Caucase. Néanmoins, beaucoup de ces cépages ont pratiquement disparu, notamment sous le régime soviétique.

Aujourd'hui, seule une trentaine d'entre eux est couramment utilisée pour le vin dont deux majeurs : le rkatsiteli en blanc, qui allie quantité et qualité, et le saperavi en rouge. Inquiets de cette perte de diversité, des domaines cherchent à faire revivre des variétés rares. Chaque année, de nouvelles vignes sont ainsi plantées.

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