Période : XXVIIIe siècle Lieux : Paris Lavoisier. La fermentation décryptée

Scientifique, économiste et fermier général, cet esprit brillant fut l'un des premiers à comprendre que la fermentation alcoolique correspondait à la transformation du sucre en alcool et en gaz carbonique.

Antoine Laurent de Lavoisier naît à Paris le 26 août 1743, dans une famille fortunée. Son père est procureur au Parlement de Paris et lui donne une éducation très complète qui éveille en lui le goût des sciences. Licencié en droit en 1764, le jeune Antoine s'inscrit comme avocat au Parlement de Paris mais retourne rapidement à ses premières passions. Esprit brillant, il a un rôle novateur dans de très nombreux domaines : la chimie, la géologie, la météorologie, l'agronomie, l'hygiène publique, la biologie, l'économie... Pragmatique et réformateur, il n'a de cesse de traduire en applications pratiques les résultats de ses recherches fondamentales, dans l'intérêt du pays. Le chercheur espère « diminuer la masse des maux qui affligent l'espèce humaine, augmenter ses jouissances et son bonheur », écrit-il dans l'un de ses ouvrages.

En 1768, il est élu à l'Académie des sciences. Il se passionne alors pour l'analyse chimique. À la recherche des éléments constitutifs de la matière, il remet en cause la théorie des quatre éléments d'Aristote - la terre, l'eau, l'air, le feu. Il démontre que l'air est un mélange d'oxygène et d'azote et que l'eau est composée d'oxygène et d'hydrogène. Il impulse la réforme de la nomenclature de la chimie et met en évidence le rôle de l'oxygène dans les combustions, les oxydations, la formation des acides et la respiration.

La « tumultueuse » fermentation vineuse n'échappe pas à son analyse. « Cette opération est l'une des plus frappantes et extraordinaires de toutes celles que la chimie présente, écrit-il dans son Traité élémentaire de chimie, paru en 1789. Nous avons à examiner d'où vient le gaz carbonique... d'où vient l'esprit inflammable... et comment un corps doux, oxyde végétal, peut se transformer ainsi en deux substances si différentes dont l'une est combustible (l'alcool, NDLR) et l'autre incombustible (le gaz carbonique). »

Il poursuit : « Rien ne se crée, ni dans les opérations de l'art ni dans celles de la nature, et l'on peut poser en principe que dans toute opération, il y a une égale quantité de matière avant et après l'opération, [...] et qu'il n'y a que des changements, des modifications. C'est sur ce principe qu'est fondé tout l'art de faire des expériences en chimie. Ainsi, [...] je puis dire que le moût de raisin (sucre) = acide carbonique + alcool. »

Lavoisier pressent le rôle indispensable des levures dans la fermentation. Dans son traité, il constate que « de l'eau et du sucre mêlés ensemble quelles que soient les proportions ne fermenteront jamais seuls. Un peu de levure de bière suffit pour produire cet effet et pour donner le premier mouvement à la fermentation. »

Par la suite, de nombreux chercheurs apporteront leur contribution au sujet. Mais « il faut arriver aux travaux du Français Cagnard-Latour et des Allemands Schwann et Kuntzig, en 1837, pour voir apparaître une explication liant le phénomène de fermentation à la présence dans le milieu de cellules rondes, se reproduisant par bourgeonnement », écrit Jules Ventre dans son livre Les Traités de vinification. Puis, Louis Pasteur synthétisera toutes les découvertes de ses prédécesseurs pour définitivement attribuer la fermentation alcoolique aux levures, organismes vivants.

Outre ces avancées scientifiques, la contribution de Lavoisier à la vie politique et économique de la France est considérable. Il exerce de hautes fonctions à la Caisse d'Escompte qui finance le royaume, ou à la Ferme générale, qui supervise l'agriculture. En tant que directeur de la Régie des poudres et salpêtres, il parviendra à augmenter de façon spectaculaire la production de poudre. Il assistera Necker dans son programme de modernisation des hôpitaux, des prisons et des abattoirs.

Durant la Révolution, il participe activement à l'effort de réforme. Sous son impulsion, l'assemblée constituante unifie le système des poids et mesures. Elle fixe le mètre comme unité de longueur et le kilogramme comme unité de poids.

Mais la Terreur s'accentue. Le 24 novembre 1793, la Convention lance un décret d'arrestation contre les fermiers généraux. Lavoisier fait partie du lot. Le 8 mai 1794, le Tribunal révolutionnaire le juge pour malversations, profits excessifs, etc. Antoine Laurent de Lavoisier est guillotiné le jour même, sans avoir pu se défendre, avec 27 de ses confrères. « Il ne leur a fallu qu'un moment pour faire tomber cette tête et cent années, peut-être, ne suffiront pas pour en reproduire une semblable », regrette son collègue scientifique Joseph Louis Lagrange.

Bibliographie : Traité élémentaire de chimie, 2e édition, Lavoisier. Les Traités de vinification, Jules Ventre. Bibliothèque SupAgro Montpellier.