L'année 2015 s'est achevée par une belle victoire pour la viticulture, avec l'assouplissement de la loi Évin. Le 17 décembre, l'Assemblée nationale a définitivement adopté la loi de santé dont l'article 13 stipule que les articles de presse et reportages sur les régions de production, les terroirs et les savoir-faire liés au vin ne sont pas des publicités.
Ce texte introduit une distinction entre l'information et la publicité qui n'existait pas jusqu'alors. En effet, avant ce vote, tout acte en faveur d'une boisson alcoolique, donc tout article, pouvait être considéré comme une publicité en vertu d'un jugement de la Cour de cassation.
Cet assouplissement devrait empêcher à l'avenir la condamnation d'articles traitant du vin, comme cela est déjà arrivé aux Échos, au Parisien et à Paris Match. Il est le résultat d'une longue bataille menée par Vin & Société au cours de laquelle la filière a su convaincre les parlementaires. Les chiffres sont éloquents. Le 15 septembre, les sénateurs modifiaient la loi Évin par une écrasante majorité de 287 voix contre 33. Suivant leurs pas, le 24 novembre, 102 députés ont voté pour la distinction entre la publicité et l'information. Seulement 29 ont voté contre.
Pourtant, à la veille de chaque vote, les partisans du statu quo ont hurlé au loup, et la filière a tremblé. Mi-novembre, l'Anpaa diffusait une énième lettre ouverte. L'association intimait au gouvernement et aux parlementaires de choisir entre « ouvrir les vannes de la publicité ou protéger la jeunesse ». Elle mettait les élus en garde contre « un lobby qui cherche à les endormir avec un vocabulaire trompeur parlant d'assouplissement ». Soutenue par des médecins addictologues et quelques médias, elle a laissé entendre que la filière n'avait qu'un but : faire boire la jeunesse. Et une fois de plus, elle a cherché à convaincre les viticulteurs que, sans le savoir, ils agissaient pour les multinationales de l'alcool, celles-ci disposant de moyens bien plus puissants qu'eux pour mener des campagnes de publicité. Comme s'ils n'étaient pas assez malins pour voir où était leur intérêt !
Heureusement, rien n'y a fait. Malgré les cris de l'Anpaa, l'assouplissement de la loi Évin a été voté. Une lourde défaite pour l'association qui, au tout début des débats, avait demandé, au contraire, le durcissement de la loi. Elle souhaitait en effet remplacer la mention « l'abus d'alcool est dangereux » par « l'alcool est dangereux » dans tous les messages publicitaires.
Alors que beaucoup de viticulteurs ont le sentiment d'être peu soutenus par le monde politique, cette bataille législative leur a apporté la preuve du contraire. Dès le 21 février, François Hollande déclarait que « le vin est une valeur de la France ». C'était lors de son passage au pavillon des vins du Salon de l'agriculture, à Paris. Deux jours après la visite du président de la République, et parfaitement en phase avec ce dernier, Manuels Valls s'est demandé comment on pouvait « stigmatiser un produit phare qui contribue à l'identité de la France dans le monde ». Puis, à l'automne, durant les débats parlementaires, sénateurs et députés se sont succédé pour défendre le vin et l'ont fait sans réserve. Presque tous ont rappelé qu'il était une richesse de la France enviée à travers le monde.
Autre bonne nouvelle : le millésime 2015 est le plus réussi de ces dernières années après une météo des plus ensoleillée. Fait exceptionnel : 2015 est une grande année pour tous les vignobles et tous les types de vins, depuis les primeurs jusqu'aux liquoreux. Tout au long des vendanges et partout en France, les vignerons ont récolté des raisins, certes peu acides, mais parfaitement sains et mûrs. « Nous avons rentré des qualités optimales pour tous nos cépages depuis les précoces, comme le chardonnay ou la roussette, jusqu'aux tardifs que sont la jacquère et la mondeuse, témoigne Charles-Henri Gayet, président de l'interprofession des vins de Savoie. Habituellement, l'année réussit aux uns ou aux autres, mais rarement aux deux. » Partout, les vins sont ronds, gourmands, fruités et équilibrés.
Le moral regonflé par le soutien que leur ont apporté leurs élus, les caves remplies d'un millésime de haute volée, les vignerons ont tout en mains pour bien débuter 2016.
ÇA MARCHE AUSSI...
- Les Français retrouvent peu à peu le goût du vin. L'enquête quinquennale de FranceAgriMer sur la consommation de vin en France montre que la part des non-consommateurs de vin a reculé entre 2010 et 2015, surtout chez les femmes et chez les jeunes. En 2015, les Français sont plus nombreux qu'en 2010 à se dire intéressés par le vin. Pour eux, c'est un produit de partage et de découverte. Malgré cela, la consommation moyenne par habitant continue de reculer. Plus que jamais, le vin est un produit de consommation occasionnelle.
- Les exportations restent dynamiques. Après les dix premiers mois de l'année, elles se sont élevées à 11,6 millions d'hectolitres et à 6,7 milliards d'euros rien que pour les vins. Elles devraient battre un record en valeur pour l'année 2015, mais pas en volume en raison du manque d'offre.
- La lutte contre les maladies du bois est devenue une priorité. L'an dernier, Hennessy a débloqué 600 000 euros pour financer des recherches pendant trois ans. De son côté, le Cniv prépare la suite d'un programme démarré en 2013 qui doit s'achever cette année et auquel les interprofessions ont déjà consacré 900 000 euros.
ÇA POURRAIT ALLER MIEUX...
- Les rendements sont insuffisants. Selon une étude du cabinet Bipe demandée par le Cniv, ils ont reculé en AOC depuis l'an 2000. En 2013 et en 2014, ils sont ainsi passés sous la barre des 45 hl/ha, en moyenne pour l'ensemble des appellations françaises. Pour 2015, ils devraient être meilleurs, mais les chiffres ne sont pas encore connus. Quant aux rendements des IGP et des vins sans IG, ils oscillent entre 60 et 70 hl/ha au cours des quinze dernières années. Le cabinet Bipe attribue cette faible productivité aux maladies du dépérissement.
- La flavescence dorée continue de progresser dans tout le sud de la France. Les prospections réalisées à l'automne ont permis de découvrir quantité de nouveaux foyers. Pourtant, l'exemple de la Bourgogne montre qu'une lutte bien menée permet de faire reculer la maladie sans pour autant multiplier les traitements insecticides.
- Les importations de vins en France atteignent des niveaux records. Elles se sont élevées à 5,9 millions d'hectolitres au cours des dix premiers mois de l'année 2015. Pour les deux tiers, ce sont des vins sans IG et sans mention de cépage. La France ne paraît plus capable d'occuper ce marché.
- Le coût du travail ne cesse d'augmenter. Dernier épisode en date, la suppression du contrat vendanges. Selon le gouvernement, les viticulteurs ne devaient pas être touchés par cette décision. Seuls les vendangeurs étaient concernés par la fin de l'exonération des cotisations salariales. Mais les viticulteurs ont dû imaginer des contreparties pour fidéliser leurs vendangeurs dont beaucoup ont très mal pris de voir leur revenu baisser pour un travail assez dur.