Retour

imprimer l'article Imprimer

Magazine - Etranger

Japon Le réveil du Kansai

THIERRY JOLY - La vigne - n°282 - janvier 2016 - page 78

Au Pays du Soleil-Levant, dans la région du Kansai, plusieurs domaines tentent de relancer une production viticole jadis prospère.
LES VIGNES DU DOMAINE KATASHIMO, plantées en pergola sur les coteaux, surplombent la ville de Kashiwara et la vallée de la rivière Yamato. T. JOLY

LES VIGNES DU DOMAINE KATASHIMO, plantées en pergola sur les coteaux, surplombent la ville de Kashiwara et la vallée de la rivière Yamato. T. JOLY

RÉCEPTION ET PESAGE de la vendange au domaine Katashimo. T. JOLY

RÉCEPTION ET PESAGE de la vendange au domaine Katashimo. T. JOLY

LA BOUTIQUE de Kobe Winery, qui vend 20% de sa production en direct. T. JOLY

LA BOUTIQUE de Kobe Winery, qui vend 20% de sa production en direct. T. JOLY

TOSHIHIRO TAKAI, propriétaire du domaine séculaire Katashimo situé à l'est d'Osaka, examine les grappes de delaware avant la vendange. T. JOLY

TOSHIHIRO TAKAI, propriétaire du domaine séculaire Katashimo situé à l'est d'Osaka, examine les grappes de delaware avant la vendange. T. JOLY

DANS LE DOMAINE DE TAMBA WINE, les oenologues Tamotsu Sueda (ci-dessus) et Reona Asano installent des bâches réfléchissantes entre les rangs bâchés de pinot noir pour réchauffer les grappes. T. JOLY

DANS LE DOMAINE DE TAMBA WINE, les oenologues Tamotsu Sueda (ci-dessus) et Reona Asano installent des bâches réfléchissantes entre les rangs bâchés de pinot noir pour réchauffer les grappes. T. JOLY

Reona Asano  T. JOLY

Reona Asano T. JOLY

 T. JOLY

T. JOLY

TOSHIKAZU YASUI ET NORIMASA HAMAHARA, chef de la viticulture (à gauche) et oenologue (à droite) chez Kobe Winery. T. JOLY

TOSHIKAZU YASUI ET NORIMASA HAMAHARA, chef de la viticulture (à gauche) et oenologue (à droite) chez Kobe Winery. T. JOLY

Contrairement aux idées reçues, le Japon produit du vin depuis longtemps. À l'est d'Osaka, dans la région du Kansai, le domaine Katashimo, à Kashiwara, a fêté son centenaire en 2014. « La culture du raisin s'est développée à la fin du XIXe siècle. Comme les grappes étaient souvent abîmées par les typhons estivaux, mon grand-père a eu l'idée d'en faire du vin », raconte Toshihiro Takai, le propriétaire, qui exploite 30 ha de vignes. Une partie lui appartient et il loue le reste. « Certaines de ces vignes sont la propriété de gens âgés, d'autres de cavistes et de restaurants que je paye en bouteilles. »

Plantées sur des coteaux, en pergola, 85 % de ces parcelles sont encépagées avec du delaware (un hybride de Vitis vinifera et de Vitis labrusca). Le reste est constitué de muscat, kyoho et kamashino koshu, cultivar local du koshu, raisin de cuve propre au pays. Au total, il récolte 200 tonnes par an dont 30 % qui servent à faire de la grappa, une eau-de-vie de marc. « Je souhaite produire du vin japonais avec les cépages japonais qui sont qualitatifs si le rendement ne dépasse pas 10 t/ha », déclare Toshihiro Takai.

Ce producteur croit dur comme fer au potentiel viticole de sa région. Il y a quatre ans, il a créé l'Osaka Winery Association « pour être plus fort, plus connu et relancer la production dans la région où il y avait 1 000 ha de vignes et 190 wineries avant-guerre », explique-t-il. Aujourd'hui, il n'y en a plus que six, dont une née il y a deux ans. Le vignoble, lui, ne couvre plus que 450 ha. « Beaucoup de ces parcelles sont aux mains d'agriculteurs de plus de 65 ans. Elles risquent d'être abandonnées car les jeunes ne sont pas attirés par le métier », souligne Toshihiro Takai qui, par manque de main-d'oeuvre, fait appel à des bénévoles et envisage la création d'un centre d'aide par le travail.

Au nord d'Osaka, toujours dans le Kansai, le domaine Tamba Wine rencontre les mêmes difficultés pour trouver des ouvriers viticoles. Ainsi, l'exploitation ne possède que 6 ha de vignes alors qu'elle produit 500 000 bouteilles par an. « Nous achetons 90 % des 400 tonnes de raisin que nous vinifions », explique Mamoru Kuroi, dont le père a fondé le domaine il y a trente-cinq ans dans l'idée de produire des vins adaptés à la cuisine locale. Payés entre 1,10 et 3 euros le kg, ces raisins de variétés japonaises et internationales proviennent de provinces éloignées, comme Yamanashi et Yamagata, mais aussi des alentours où la vigne est cultivée dans des plaines alluviales entourées de montagnes.

Tamba Wine mène de nombreux essais pour sélectionner les cépages les plus adaptés à sa région, dont le climat est très arrosé pour la vigne. En fonction des résultats obtenus, l'oenologue Tamotsu Sueda pense, à terme, retenir six ou sept variétés : le tannat, très prometteur, les pinots noir et blanc, le chardonnay, le sangiovese, le cabernet-sauvignon et le merlot.

À une cinquantaine de kilomètres au sud, près de la ville de Kobe, la Kobe Winery teste, elle aussi, des cépages. Fondé en 1984, ce domaine produit 300 000 bouteilles par an. Il possède 2,15 ha et achète du raisin à des viticulteurs dont certains sont installés dans la plaine côtière proche de Kobe. Pour Norimasa Hamahara, l'oenologue du domaine, « le tempranillo, le petit manseng et le tannat sont les cépages les plus prometteurs ».

Toutes ces vignes doivent supporter un climat très pluvieux. Les précipitations atteignent en effet 1 000 à 1 300 mm par an avec un pic en été. « Pour le confort de travail et pour une bonne aération de la végétation, nous plantons 2 000 pieds par hectare », explique Toshikazu Yasui, de Kobe Winery. Outre cette faible densité, un grand espacement a été prévu entre les ceps sur la ligne des souches. Disposant de quantité d'eau et d'espace, les ceps se montrent très vigoureux. Ils se développent fortement, les plus anciens présentant des troncs assez gros.

Chez Tamba Wine, comme à la Kobe Winery, les vignes sont palissées en espalier. En raison de la pluviométrie, mildiou, oïdium et anthracnose sont une menace permanente. Les producteurs traitent ainsi huit à dix fois par an. Pour réduire le nombre de passages, certains couvrent les rangs d'une bâche en plastique transparente, formant une sorte de long capuchon au sommet du feuillage. « Ainsi, on peut se contenter de cinq passages, mais c'est une solution coûteuse », souligne Mamoru Kuroi, qui réserve ce procédé aux variétés les plus sensibles, tels le sémillon et le pinot noir. Pour ce dernier, il pose également un film réfléchissant dans l'interrang pour réchauffer les grappes et obtenir plus de couleur. Par ailleurs, l'interrang est enherbé, comme partout dans la zone, pour accélérer l'absorption de l'eau.

Compte tenu de ces conditions climatiques, les trois domaines s'accordent à dire que leur région convient mieux aux blancs qu'aux rouges. Pour autant, si les blancs représentent 60 % de la production de Kobe Winery, ils ne comptent que pour 50 % chez Katashimo et 40 % chez Tamba Wine. Les prix vont de 7,40 à 40 € la bouteille. Seuls les vins les plus chers passent en fûts car les domaines veillent aux coûts pour rester compétitifs face aux vins importés et ceux, dits « japonais », mais élaborés avec seulement 5 % de raisins locaux. « Heureusement, la loi qui leur donne droit à cette appellation sera supprimée en 2017 », se réjouit Reona Asano, jeune oenologue de Tamba Wine. Les véritables vins japonais du Kansai seront alors mis en valeur.

Des vignobles qui attirent les foules

Recevant des dizaines de milliers de visiteurs, Kobe Winery et Tamba Wine vendent respectivement 20 et 10 % de leur production sur place. Kobe Winery propose en outre à des sociétés et des particuliers de parrainer des pieds de vigne et les rémunère en bouteilles. « Un bon moyen pour se faire connaître », assure Norimasa Hamahara. Quant au domaine Katashimo, lui aussi ouvert aux visites, il écoule 50 % de sa production dans un petit magasin du village. Presque tout le reste est vendu dans les supermarchés et restaurants de Kyoto, Kobe et Osaka et leurs environs. Les exportations, elles, sont anecdotiques, comme les ventes à Tokyo, excepté pour Tamba Wine dont 30 % des débouchés sont dans le reste du pays. « Les sommeliers et les restaurateurs s'intéressent de plus en plus au vin japonais », souligne Tamotsu Sueda. Illustration de cette évolution, Katashimo fournit désormais la compagnie aérienne à bas prix Peach.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :