BOURGOGNE
Les chardonnays 76 et 95 en hausse
« Après une série de petites récoltes, les vignerons cherchent à se rapprocher du rendement autorisé pour préserver la rentabilité de leurs exploitations », observe Jocelyn Dureuil, de la chambre d'agriculture de Saône-et-Loire. Pour les plantations de chardonnay, il a constaté davantage de demande sur les clones 76 et 95 - un peu plus productifs et réguliers - que sur le 548, très diffusé jusqu'alors. Et en complantation, les viticulteurs n'hésitent pas à demander le 96, qui est généreux à très généreux.
De même pour le pinot noir. « Dans les appellations villages et les crus, la demande se calme pour des clones peu productifs comme le 828 ou le 777. Dans les appellations régionales, il y a un petit retour vers le 459 ou le 666, plus productifs », observe Laurent Anginot, le technicien de l'Association technique viticole de Bourgogne (ATVB).
« Avec l'enherbement, l'expression des clones a changé. La demande va vers du matériel un peu plus productif, mais toujours qualitatif. Avec le réchauffement, on peut s'attendre à ce que ces clones arrivent à bonne maturité », souligne Pierre-Marie Guillaume, des Pépinières Guillaume, à Charcenne, en Haute-Saône.
En ce qui concerne les porte-greffes, les problèmes de dépérissement du 161-49, très utilisé, ont bousculé les choix. « Les alternatives, 3309C ou gravesac en bas de coteau, 420A ou 5C en haut de coteau et fercal, lorsqu'il y a beaucoup de calcaire actif, sont toutes un peu plus productives », observe Laurent Anginot.
VALLÉE DU RHÔNE
Le 140 Ru dans le coup à nouveau
« Quelques domaines continuent d'utiliser des clones peu productifs, mais la plupart cherchent à sécuriser leurs rendements. En syrah, parmi les clones conseillés pour limiter les dépérissements, j'ai très peu de demande pour le 470, peu productif. J'en ai nettement plus pour les 524 et 747 », constate René Laffont, des Pépinières du Comtat, à Sarrians, dans le Vaucluse. En grenache, la demande se porte vers les clones 435 ou 516, de production moyenne à élevée, qui apportent de la régularité. Au niveau des porte-greffes, il note un intérêt croissant pour le 140 Ru, qui confère plus de vigueur que le R110.
Même constat chez Gil Barre, pépiniériste et viticulteur à Mollans-sur-Ouvèze (Drôme). « Cela faisait dix ans que je n'avais plus greffé de clone 70 en grenache sur le porte-greffe 140 Ru ! Je produis à nouveau cet assemblage depuis deux ans et, cet hiver, il m'en manque pour satisfaire la demande ! »
Le clone 70, très productif, avait été abandonné. « Après avoir associé petites terres, porte-greffes et clones peu productifs, il ne s'agit pas de repartir dans l'excès inverse et relancer la course aux rendements. Mais dans des sols maigres et caillouteux, ce clone peut amener des hectolitres à l'hectare supplémentaires sans perte de qualité », estime Christophe Lazib, technicien à la coopérative La Comtadine, à Puyméras (Vaucluse).
Il observe aussi une montée du 140 Ru. « Ce porte-greffe s'enracine plus profondément que le R110, et il résiste mieux au calcaire actif. Dans les parcelles aux sols hétérogènes, son utilisation limite les risques de chlorose », note-t-il.
BORDELAIS
Beaucoup d'interrogations
À Sainte-Foy-la-Grande, en Gironde, Anthony Frigo, qui cultive 75 ha, est désemparé. « Jusqu'à présent, le 3309 C offrait un bon compromis rendement-qualité. Mais, au fil des années, il devient difficile d'atteindre le rendement. En 2015, avec la chaleur et le stress hydrique, je n'ai obtenu que 50 hl/ha alors que le rendement autorisé était de 56 hl/ha. Et j'ai dépassé 14 degrés de moyenne. J'ignore par quoi remplacer le 3309 C. Le climat évolue. Nous avons besoin d'un choix élargi pour nous adapter. »
Dans le vignoble, « les demandes de greffage sur le 101-14 MGt fléchissent, alors qu'elles progressent sur le 3309 C ou le gravesac car ces deux porte-greffes apportent un peu plus de vigueur et de productivité », constate David Amblevert, pépiniériste à Sainte-Florence. Certains vignerons s'intéressent même au SO4, délaissé car jugé trop productif. « Il est demandé en complantation car il démarre bien malgré la concurrence des plants déjà installés, explique David Amblevert. Et en plantation, il n'empêche pas de produire des vins de qualité. Sa vigueur se calme avec l'âge. » En revanche, son système racinaire traçant le rend peu résistant à la sécheresse.
Le Point de vue de
GIL BARRE, GÉRANT DE L'EARL LA SOUCO, 40 HA À MOLLANS-SUR-OUVÈZE (DRÔME)
« Un grenache productif dans les petites terres »
« Mieux vaut ne pas suivre les modes et ajuster son matériel végétal à chaque parcelle. Un clone et un porte-greffe peu productifs dans de petites terres, c'est trop. En grenache, je suis resté surtout sur le clone 70, alors que beaucoup le jugeaient trop productif. L'effet terroir est marqué sur ce cépage. Avec le clone 70, dans mes terres maigres et caillouteuses, j'atteins régulièrement 50 hl/ha avec une belle qualité. Je le greffe sur le R 110 plutôt que sur le 140 Ru. Avec ce dernier, il y a davantage de végétation et de belles grappes qui peuvent avoir plus de mal à mûrir en cas de sécheresse. Pour la syrah, j'ai gardé longtemps le clone 100, productif, greffé sur 140 Ru pour obtenir suffisamment de vigueur. Mais il est considéré comme sensible au dépérissement. Aujourd'hui, je plante surtout les clones 747 et 471, peu sensibles au dépérissement et plutôt productifs eux aussi. Dans mes petites terres, ils se défendent bien. »
Le Point de vue de
LUC PEYRONNET, CHEF DE CULTURE AU CHÂTEAU PHÉLAN SÉGUR, 70 HA À SAINT-ESTÈPHE (GIRONDE)
« Un porte-greffe plus régulier »
« Nous cherchons une vigueur suffisante mais pas excessive, pour obtenir 50 hl/ha avec de belles qualités de raisins. Avec le Riparia Gloire, très présent dans la propriété, nous n'y arrivons pas toujours. Ses racines, plutôt traçantes, descendent lentement. En cas de sécheresse, les jeunes vignes souffrent. Avec ce porte-greffe, certains ceps sont plus faibles que d'autres. À la taille, il n'est pas facile de leur conserver au fil des ans une architecture équilibrée. Nous continuons à le planter mais seulement dans des parcelles suffisamment humides. Dans les autres, nous lui préférons le 101-14 MGt, ses racines descendant mieux, ce qui l'aide à résister à la sécheresse. De plus, il a une vigueur un peu plus forte et plus homogène. Nous relocalisons aussi des cépages. À la place du merlot, nous avons replanté du cabernet-sauvignon en haut de butte. Sur le 101-14 MGt, nous associons les clones 169, 337, un peu plus productif, et 412. Les résultats sont excellents. Ces parcelles apportent du gras, du volume et de la matière dans nos assemblages. »