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La filière recrute

AUDE LUTUN - La vigne - n°283 - février 2016 - page 67

Face à la pénurie de main-d'oeuvre et au vieillissement de ses effectifs, la filière viticole multiplie les initiatives pour attirer les jeunes et les chercheurs d'emploi.
Les élèves du lycée agricole d'Avize (Marne) apprennent ici la taille avec leur professeur. ©GUTNER

Les élèves du lycée agricole d'Avize (Marne) apprennent ici la taille avec leur professeur. ©GUTNER

En région, les Arefa (associations régionales pour l'emploi et la formation en agriculture) se mobilisent pour faire savoir que la viticulture recrute. Le 14 janvier dernier, au Sival d'Angers, s'est tenue une table ronde sur le thème de « la viticulture à la recherche de compétences ». Une vingtaine de jeunes et de demandeurs d'emploi y ont participé.

« Je leur ai présenté l'éventail des métiers de la filière de manière concrète et les formations requises, explique Pierre Millet, directeur d'exploitation du domaine Chupin (Maine-et-Loire), l'un des deux viticulteurs qui est intervenu lors de la table ronde. Les demandeurs d'emploi posaient plus de questions que les jeunes. Nous avons un problème de pénurie de main-d'oeuvre. Cela entraîne une surenchère des salaires et pousse les domaines à débaucher les salariés de leurs voisins. On pourrait former des jeunes par l'apprentissage. Mais entre 16 et 18 ans, ils n'ont le droit de rien faire pour des raisons de sécurité... »

Dans la Marne, plusieurs actions sont également menées pour aller au contact d'étudiants ou de demandeurs d'emploi. Le point d'orgue se déroule lors de la foire de Châlons-en-Champagne qui a lieu chaque année fin août-début septembre. Vingt partenaires (chambre d'agriculture, FDSEA 51, SGV, etc.) se regroupent pour animer un grand stand qui a plusieurs objectifs : montrer le métier, avec une démonstration de la taille, expliquer les formations et proposer des offres d'emploi. Des élèves en cours de formation sont présents sur le stand pour faciliter les échanges.

Les professionnels essaient aussi de nouer des contacts avec les conseillers d'orientation. Dans les collèges et les lycées, ceux-ci connaissent souvent assez peu les emplois de la filière. « Nous travaillons avec le service public d'orientation, confirme Isabelle Traineau, chargé de mission à l'Arefa du Maine-et-Loire. Nous éditons des brochures qui sont disponibles dans les CIO (centres d'information et d'orientation) et participons aux forums d'orientations. Il faut que ces lieux d'accueil du public soient informés des besoins de notre filière pour qu'ils puissent en parler. »

Se rapprocher l'Éducation nationale, c'est ce qu'a voulu faire Avize Viticampus (Marne) il y a quelques années en tentant d'implanter une filière viticole dans un lycée professionnel de Reims. « Notre objectif était de former des jeunes urbains dans leur lieu de vie, explique Jean-François Moussy, viticulteur et président du conseil d'administration d'Avize Viticampus. Mais la greffe entre l'Éducation Nationale et l'enseignement agricole n'a pas pris. Il n'y a pas de dénigrement, juste deux mondes différents qui sont cloisonnés. »

En Gironde, cinq châteaux ont pris les choses en main, créant l'école de la vigne des châteaux du Médoc, l'an dernier. En mars 2015, l'école a accueilli sa première promotion de douze demandeurs d'emploi, après trois mois de préparation opérationnelle à l'emploi collective (POEC). Tous bénéficient d'un contrat de professionnalisation de 18 mois. Une seconde promotion pourrait leur succéder.

Dans le Var, l'Apefa forme en deux mois et demi des agents tractoristes viticoles et des agents viticoles polyvalents. En Bourgogne, la FDSEA 89 a initié il y a plusieurs années l'action courte qualifiante (ACQ) « taille de la vigne ». Une autre ACQ, « ouvrier polyvalent en viticulture-travaux en vert », a été créée en 2014, au CFPPA de la Brosse, dans l'Yonne. Ces formations durent deux mois dont les deux tiers du temps sont consacrés à l'apprentissage des gestes pratiques. La cible des demandeurs d'emploi semble plus réceptive que les collégiens et lycéens aux appels de la filière

Le Point de vue de

JEAN-FRANÇOIS MOUSSY, VITICULTEUR EN CHARGE DE LA COMMISSION EMPLOI ET FORMATION AU SYNDICAT GÉNÉRAL DES VIGNERONS DE CHAMPAGNE ET PRÉSIDENT D'AVIZE VITICAMPUS.

« Intéresser les collégiens est une priorité »

« Nous organisons 80 actions par an en direction des collégiens avec Avize Viticampus. Ce sont principalement les CPE (conseillers principaux d'éducation) du lycée viticole d'Avize qui se déplacent dans les collèges. Aller au contact des collégiens est une priorité pour trouver de futurs salariés. Les CPE sont particulièrement efficaces pour la communication car ils sont en contact permanent avec les jeunes. Ils savent vite détecter les centres d'intérêt d'un collégien. Leur discours est simple et adapté. C'est important car nos métiers ne parlent pas aux jeunes urbains. Ils ignorent que nous travaillons avec des matériels performants et ergonomiques et qu'il y a une diversité de métiers dans la viticulture. En Champagne, 300 jeunes obtiennent un diplôme viticole chaque année, du Capa au BTS. 40 à 50 % d'entre eux poursuivent leur formation. 180 entrent donc sur le marché du travail annuellement. Or, il en faudrait 250 à 300. Un jeune qui a BTS viti-oeno a potentiellement quatre employeurs quand il termine son cursus. Un tractoriste en a huit ! »

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