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VIGNE - Interview

CHRISTOPHE GAVIGLIO, IFV PÔLE SUD-OUEST « On peut optimiser le travail du sol sous le rang »

PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTELLE STEF - La vigne - n°284 - mars 2016 - page 36

Les viticulteurs peuvent gagner du temps en soignant la première intervention, en couplant les suivantes avec d'autres travaux et en fignolant les réglages.
CHRISTOPHE GAVIGLIO, IFV PÔLE SUD-OUEST

CHRISTOPHE GAVIGLIO, IFV PÔLE SUD-OUEST

Généralement, lors du désherbage mécanique sous le rang, quelle est la vitesse de travail ?

Christophe Gaviglio : Elle est relativement faible : autour de 3 km/h. De plus, la technique implique jusqu'à cinq interventions durant la saison pour tenir le rang propre. En comparaison, le désherbage chimique ne nécessite que deux interventions pour une vitesse de travail de 5 km/h.

Est-ce un frein au développement de la technique ?

C. G. : Oui, clairement. Les viticulteurs qui s'orientent vers cette pratique sont, soit en conversion bio, soit dans une démarche raisonnée d'utilisation des intrants. Dans le premier cas, ils n'ont pas le choix donc ils font avec les contraintes que cela implique. Dans le deuxième cas, c'est un frein.

Peut-on améliorer les choses ?

C. G. : Oui. Mais l'enjeu n'est pas d'augmenter uniquement la rapidité de chaque intervention. Il faut mettre en place une démarche globale en limitant le nombre d'interventions, en les combinant avec d'autres travaux, puis en augmentant aussi le débit de chantier grâce à l'optimisation des réglages.

Comment limiter les interventions ?

C. G. : En faisant en sorte que chaque passage soit efficace et corresponde à un objectif. Il ne faut pas attendre que les adventices soient trop développées. Si elles font plus de 5 à 10 cm, il peut y avoir des phénomènes de bourrage et il subsistera des mottes de terre au niveau des racines qui leur permettront de repartir. De plus, dans ces conditions, les outils seront plus difficiles à régler. Le système d'effacement sera moins réactif. Le désherbage sera donc moyennement efficace. Pour éviter cela, je recommande de commencer la première intervention tôt, dès la mi-février, une fois que la taille est terminée, que les sarments sont retirés de la parcelle et que l'état du sol le permet.

Cette première intervention peut être anticipée et réalisée l'année précédente à la fin des vendanges. Là, l'objectif n'est pas agronomique car tout a déjà été joué au niveau du cycle de production de la vigne, mais il est de rouvrir le sol et de casser les premières levées automnales. Cela permettra ainsi de réduire la couverture du sol au printemps.

Lors de chaque intervention, je conseille également de désherber au plus près des pieds en faisant des réglages assez fins des appareils ou en les équipant de cure-ceps. Cela évitera à la terre et l'herbe de s'accumuler autour des pieds. Le temps passé au nettoyage manuel sera donc réduit.

Avec quels travaux peut-on combiner le passage d'un intercep ?

C. G. : Avec la tonte ou le travail du sol des interrangs, par exemple. Pour ça, on peut utiliser les étoiles de binage comme celles de Kress ou des petites lames qui peuvent travailler à 4 ou 5 km/h, voire 7 à 8 km/h pour les étoiles. Ces outils peuvent être montés entre les roues du tracteur, ce qui laisse l'arrière libre. Il existe également des systèmes de lames flottantes sur certains cadres de travail du sol.

Le viticulteur peut aussi coupler l'intervention avec un rognage ou encore un épamprage. Dans ce dernier cas, il peut opter pour des brosses montées sur un axe rotatif horizontal comme la Multi-Clean de Clemens, par exemple. Ce matériel épampre le pied tout en freinant les adventices présentes au sol. Attention cependant aux projections de terre.

Mais tout cela implique des premières interventions soignées au printemps, afin que les suivantes ne soient que de l'entretien.

On ne peut donc pas se contenter d'un seul outil de travail du sol ?

C. G. : Effectivement. Pour optimiser le travail on a intérêt à s'équiper d'outils puissants pour le désherbage de printemps (décavaillonneuse, houe rotative) et d'outils plus légers (lames interceps...) pour l'entretien estival. C'est un raisonnement qui pousse au suréquipement mais c'est ce qui est le plus rationnel en terme de gestion du travail et des adventices.

Comment optimiser les réglages pour augmenter le débit de chantier ?

C. G. : Deux réglages sont essentiels : celui de la profondeur de travail et celui de l'écartement. Le premier va jouer sur le volume de terre déplacée. Plus l'outil s'enfonce dans le sol, plus on déplace de terre. Le second conditionne le débattement, c'est-à-dire l'ampleur du mouvement de l'outil dès qu'il s'efface devant une souche. L'idéal est donc d'opérer des réglages ni trop profonds, ni trop larges. En optimisant ces réglages on peut passer de 2,5-3 km/h à 3,5 km/h car l'outil gagne en réactivité. Cela implique de bien connaître ses parcelles. Si l'on manque d'expérience, l'idéal est de partir sur un réglage basique que l'on va ensuite affiner.

GAGNER DU TEMPS À L'ATTELAGE

L'attelage et le dételage des outils font aussi partie des temps de travaux à prendre en compte. L'idéal est de dédier un tracteur au travail. Les outils y restent à poste. On ne perdra pas de temps à les atteler et à les dételer à chaque passage. Mais la plupart du temps, ce n'est pas possible. Il n'y a qu'un seul tracteur sur l'exploitation pour effectuer l'ensemble des travaux. Dans ce cas, tout ce qui peut faciliter l'accrochage des outils est intéressant. L'entreprise GRV a ainsi mis au point un cadre déjà pré-équipé pour les enjambeurs. Ce système a d'ailleurs été primé au Sitévi (voir La Vigne n° 279 d'octobre 2015 p. 71). « C'est une bonne idée car il correspond à un vrai besoin », note Christophe Gaviglio, spécialiste du machinisme à l'IFV pôle Sud-Ouest.

Le Point de vue de

JOËL EVANDRE, VITICULTEUR À RAZAC-DE-SAUSSIGNAC (DORDOGNE), 13 HA DE VIGNES EN BIO,

« Trois opérations en un seul passage »

« Mes vignes sont plantées avec un écartement de 2 m sur 1 m, soit une densité de 5 000 pieds/ha. Les interrangs sont enherbés et je travaille les sols sous le rang. La terre est assez argileuse. Du coup, les fenêtres de travail sont très courtes. Dès que le sol est ressuyé, il faut y aller. Généralement, j'ai moins d'une semaine pour intervenir. Je dois donc être très réactif. En 2008, j'ai acquis un tracteur enjambeur Loiseau d'occasion - mis en circulation en 1985 - sur lequel j'ai monté des disques Braun. Avec ça, je peux rouler entre 5 et 7 km/h. Auparavant, j'utilisais des lames avec lesquelles je ne pouvais pas travailler au-delà de 2 à 3 km/h. Sur l'enjambeur, j'ai également monté deux petites tondeuses. En un seul passage, je peux donc travailler un rang et tondre les interrangs. J'ai également adapté un épandeur dessus. Au printemps, je peux donc coupler l'entretien des sols avec l'épandage de la matière organique. Avec ce système, j'ai gagné en efficience. En terme de désherbage, je fais du meilleur travail car les disques pénètrent plus profondément dans le sol. Et je n'ai quasiment plus de pieds arrachés. Bref, c'est un investissement très rentable. L'enjambeur et son équipement (matériel Braun + tondeuses) m'ont coûté 35 000 €. Comme je peux coupler trois opérations en un seul passage (travail sous les pieds, tonte et épandage de la matière organique), j'ai plus de temps pour réaliser d'autres activités (travail au chai, commercialisation en France et à l'exportation).

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