BENOÎT ARNAUD, CHÂTEAU GARENNE, AOC GAILLAC, 49 HA, LA GRAVE (TARN) « Je vais le surveiller comme le lait sur le feu »
Jusqu'en 2015, le black-rot n'était pas vraiment un problème. La maladie ne tachait que quelques feuilles. Mais l'année dernière, c'est la première fois que j'en voyais autant et mon père également. Cet hiver, au moment de la taille, j'ai donc éliminé les sarments atteints par le black-rot et je les ai broyés. J'ai également enlevé les baies momifiées. Cette opération n'a pas rallongé de façon significative la durée de la taille.
Cette année, je vais surveiller la maladie comme le lait sur le feu. Si le risque le justifie, je démarrerai une protection spécifique black-rot avant celle contre le mildiou avec du Roxam Combi associé à du Dithane. Dans le cas contraire, j'attendrai. Je fais partie du réseau de vignerons Dephy Ecophyto, je ne traite que si cela est nécessaire. À la floraison, je vais continuer d'utiliser des IDM. En fin de saison, si la pression le permet, j'arrêterai la lutte antiblack-rot avant la véraison.
Je suis sur mes gardes car, l'an dernier, les attaques sont arrivées dès le stade boutons floraux séparés sur nos vignes de loin de l'oeil, touchant les rameaux, les feuilles, les inflorescences, les pédoncules. Toutes les feuilles de la base présentaient au moins 5 à 10 taches de black-rot, 50 % des rameaux et quelques inflorescences étaient touchés.
Fin avril, au stade 5 à 6 feuilles étalées, j'avais appliqué du Roxam Combi (mancozèbe et zoxamide) associé à du soufre mouillable, contre le black-rot et le mildiou. Malgré ce traitement, le black-rot s'est répandu car de fortes pluies sont tombées en mai. J'ai ensuite traité mes vignes avec du mancozèbe (Dithane) et des IDM. Ces produits et le temps sec durant l'été ont permis d'assécher les foyers de black-rot. Je n'ai donc pas eu d'attaques sur les baies. La maladie n'a pas eu d'incidence sur la récolte.
Ces attaques sont liées à la présence d'une friche à côté de nos parcelles. Beaucoup de souches y sont atteintes par la maladie et présentent des baies momifiées. En cas de forte pluie, elles sont une source de contagion pour nous. Lorsque je traite nos vignes, je pulvérise également en bordure de cette friche pour limiter ce foyer de black-rot. Mais il sera toujours là.
JEAN-PIERRE HURIAU, LE MOULIN DE DESCATTES, 11 HA, SABRAN (GARD) « Je n'ai pas lésiné sur la prophylaxie »
D'abord, je n'ai pas lésiné sur la prophylaxie. J'ai sorti tous les sarments atteints de mes parcelles et je les ai brûlés. J'ai éliminé les grappes momifiées et les vrilles qui sont restées sur les ceps. Et, je vais enfouir avec une fraise toutes les baies qui sont tombées au sol pour retarder les contaminations. Toutes ces opérations prennent du temps : 3 h/ha pour sortir les sarments des parcelles et 3 h/ha pour enfouir les baies.
Pour les traitements, je vais utiliser des produits robustes et peu lessivables. Je démarrerai ainsi dès la sortie des feuilles, avec 3 l/ha d'Heliosoufre et 1 l/ha d'Heliocuivre. Si la pression est élevée, j'interviendrai toutes les semaines. J'augmenterai les doses de la floraison à la nouaison, soit 5 l/ha d'Heliosoufre et au moins 1,5 l/ha d'Heliocuivre. Je surveillerai attentivement les symptômes et je poursuivrai la protection jusqu'à la véraison et même après si besoin.
Je suis en bio. Même si j'ai perdu une bonne partie de ma récolte en 2015, je n'utiliserai pas de produits de synthèse. Je suis à la retraite, donc je peux compter sur ma pension pour compenser une perte de revenu. De plus, je suis allergique au métirame et au mancozèbe... Je trouve cependant scandaleux qu'il n'existe pas de produits homologués en bio contre le black-rot.
L'an passé, j'ai subi des attaques exceptionnelles. J'ai perdu 80 % de ma récolte. Dans plusieurs de mes parcelles, le black-rot s'est développé sur tous les ceps. Il est apparu il y a deux ans dans mon vignoble. En 2015, l'inoculum était là dès le début de la campagne. En avril, les pluies ont été nombreuses. J'ai réalisé un premier traitement le 2 mai, avec 6 kg de soufre associé à un engrais foliaire enrichi en huiles essentielles, lorsque la vigne était au stade premières feuilles étalées. Mais il était déjà trop tard. Mi-mai, j'ai été confronté à une première attaque sur les feuilles. Celle-ci a été suivie en juin d'une autre attaque beaucoup plus grave sur grappes après un nouvel épisode pluvieux. J'avais pourtant traité tous les 12 à 13 jours avec du soufre et mis à la floraison une dose plus élevée : un peu moins de 12,5 kg/ha. Mais je n'ai pu sauver qu'une partie des vignes de syrah et de grenache moins exposées à l'humidité.
LUC CHEVALIER, 32 HA, LA COURONNE (CHARENTE) « Une maladie explosive dont nous allons nous méfier »
À la taille, j'ai enlevé les grappes momifiées qui sont restées dans les vignes. Je vais aussi enfouir celles tombées au sol lors du travail du sol. Cela ne peut que réduire les risques de contamination. Mais malgré mes efforts de prophylaxie, beaucoup de rameaux portent encore des traces de black-rot. On ne peut pas tous les éliminer.
Côté protection phyto, cette année, je ne prends pas de risque. Je vais commencer à traiter contre le black-rot aux premières feuilles étalées, avec du mancozèbe, et je vais être attentif à l'apparition des symptômes. Du stade boutons floraux séparés jusqu'à la fermeture de la grappe, je vais utiliser des IDM et des QoI, même s'ils sont plus chers que d'autres produits. Et je continuerai la protection jusqu'après la véraison, avec un IDM si besoin. L'année dernière, j'ai eu de la chance, mais le black-rot est une maladie explosive dont il faut se méfier. À nous d'être réactifs.
L'an dernier j'ai eu du black-rot début mai sur rameaux, feuilles et inflorescences. Sur une de mes parcelles, toutes les feuilles étaient criblées de taches et 70 à 100 % des inflorescences étaient touchées. Cela faisait quinze ans que l'on n'avait pas vu de telles attaques. En fait, le black-rot était réapparu il y a deux ans. L'inoculum était là, mais on ne l'avait pas identifié. En 2014, mon technicien m'avait dit que c'était du mildiou. Nous n'avons pas sorti les raisins momifiés des vignes. Et nous n'avons pas choisi un programme de traitement spécifique contre le black-rot pour 2015. L'an dernier, les premières attaques se sont déclarées alors que les vignes n'étaient pas protégées contre la maladie. Courant mai, 70 mm de pluie sont tombés alors qu'il faisait 24 °C. J'ai appliqué très vite du Nativo (trifloxystrobine et tébuconazole) puis du Formose (tébuconazole), à pleine dose, sur la parcelle la plus touchée, en plus des traitements que j'avais prévus contre l'oïdium. Cette stratégie puis le temps sec jusqu'en juillet nous ont permis de maîtriser la maladie. Les vignes les plus atteintes ont fait des contre-bourgeons, comme si elles avaient subi du gel, et nous avons eu un rendement normal, à 150 hl/ha.