La société belge NewFarm Agriconsult lance un outil d'aide à la décision (OAD +) qui intègre deux nouveaux modèles : RIMpro-Plasmopara et RIMpro-Guignardia. Le premier prévoit les risques de mildiou, le second de black-rot. Tous deux ont été mis au point par Marc Trapman, un Néerlandais qui a fondé la société Bio Fruit Advies.
« Il a commencé à modéliser la tavelure il y a vingt-cinq ans. Il a conçu un outil très efficace, aujourd'hui mondialement reconnu », affirme Éric Stöcklin, de NewFarm Agriconsult. Les modèles mildiou et black-rot de Marc Trapman connaîtront-ils le même sort ? Il est trop tôt pour le dire, mais les deux premiers experts auquel Éric Stöcklin les a confiés l'an dernier les jugent intéressants.
RIMpro-Plasmopara est un modèle dynamique basé sur la biologie du champignon. Il rend compte de la maturité des oeufs d'hiver, des infections primaires puis des différents repiquages. Pour cela, il utilise les relevés d'une station météo, puis les prévisions à 7 jours, heure par heure. « Il simule de manière très fine le démarrage de l'épidémie. Il indique comment le mildiou sort de sa torpeur et comment il commence sa vie sur la vigne », indique Arnaud Bellemère, un consultant viticole indépendant qui opère à Chablis et dans le Grand Auxerrois (Yonne).
Ce dernier a testé RIMpro-Plasmopara en 2015 avec les données d'une station météo située dans Les Clos, un grand cru de Chablis. « Ce modèle simule avec précision la maturation des oeufs d'hiver. C'est son principal intérêt. Il considère que la population d'oeufs d'hiver est constituée de différentes cohortes qui vont mûrir par vagues à divers moments », explique-t-il.
L'an dernier, sur le secteur des Clos, « on n'a quasiment vu aucun symptôme avant le mois de juillet. Les oeufs d'hiver sont arrivés à maturité normalement. Mais il n'y a pas eu de pluie par la suite pour les projeter sur la vigne avant le 20 juin. Leur durée de vie étant limitée, il y a eu beaucoup de déchet. Les premières contaminations primaires ont donc eu lieu seulement vers le 20 juin et n'ont produit que quelques taches isolées. RIMpro a bien anticipé ce processus », rapporte Arnaud Bellemère. Ce conseiller est donc plutôt satisfait du modèle. Seul bémol : « Sa précision est telle, que l'on ne peut pas extrapoler les prévisions au-delà du secteur couvert par la station météo que l'on utilise. »
Guillaume Gilet, de la société Vita Consult, en Loire-Atlantique, trouve également le modèle prometteur. La campagne passée, il l'a confronté au modèle Potentiel Système utilisé par l'IFV sous le nom d'Épicure (voir encadré p. 41) dans deux secteurs : le sud d'Angers et le vignoble nantais. « Les deux modèles ont bien simulé le démarrage de l'épidémie de mildiou et son évolution au cours de la campagne, assure-t-il. Mais RIMpro présente un avantage : il précise après chaque contamination, la durée d'incubation, la date de sortie des taches d'huile et la date de sporulation de ces taches. Nous n'avons pas ces données de manière aussi détaillée avec Potentiel Système. » Autre intérêt : RIMpro prend en compte la durée d'humectation, « ce qui est important pour les contaminations secondaires ».
Mais, Guillaume Gilet manque encore de recul pour interpréter les données du modèle. Celui-ci indique bien la progression de l'épidémie sur une échelle entre 0 et 50 000. Mais à partir de quel niveau chiffré, l'épidémie est-elle vraiment virulente ? « C'est la confrontation des données du modèle aux observations sur le terrain qui permettra de l'établir. »
Plus récent, le modèle RIMpro-Guignardia, de simulation du black-rot, est encore en cours d'expérimentation. Comme pour le mildiou, il s'agit d'un modèle dynamique basé sur la biologie du champignon. Il rend compte de la date de maturité des ascospores, puis des infections primaires et secondaires. Ensuite, il faut lui indiquer la date du début de la floraison pour qu'il puisse calculer le risque d'infection des grappes.
Guillaume Gilet l'a également testé l'an passé. « Il est prometteur. Il y a eu une bonne corrélation entre la modélisation et les observations sur le terrain. Mais là encore, il faut une échelle d'interprétation. »
Un service complet
NewFarm Agriconsult propose un service complet. Destiné aux viticulteurs, son outil OAD + comprend les modèles RIMpro, leur installation, leur suivi et la fourniture des prévisions météo de haute définition. Il intègre aussi l'outil eco-T (efficacité climatique des traitements) qui permet de voir heure par heure si les conditions météo sont compatibles avec la bonne efficacité d'un traitement. Coût de la prestation : 350 € par an et par station météo.
NewFarm propose aussi d'installer des stations météo automatiques Pessl, avec capteurs de pluie, de température, d'humidité relative de l'air et d'humectation du feuillage. Coût de cette prestation : 2 000 € par station, avec accès illimitée à la plateforme internet et à la transmission des données vers l'OAD. RIMpro fonctionne en priorité avec ce type de station mais peut aussi marcher avec d'autres marques dès lors que les données sont disponibles sur un serveur internet.
D'autres modèles actuellement utilisés dans le vignoble français
D'autres modèles sont aussi employés par les viticulteurs en France, parmi lesquels :
- Potentiel Système (Sesma). Mis au point dans les années 1980, il est utilisé par l'IFV dans le cadre d'Épicure et par Bayer pour son OAD Positif. Il modélise le développement du mildiou, de l'oïdium et du black-rot. Potentiel Système est un modèle climatique. S'appuyant sur la pluviométrie et la température relevées par une station météo, il calcule deux variables qu'il faut analyser pour évaluer les risques au vignoble : l'état potentiel d'infection (EPI) et le flux de chaleur. Ce modèle indique la date de maturité des oeufs d'hiver, les contaminations et leur intensité. Il doit être paramétré selon les caractéristiques de chaque vignoble.
- AgroClim Mildiou (Promété). Commercialisé depuis 2008, il est utilisé par 500 personnes selon son inventeur. AgroClim modélise les cycles primaires et secondaires du mildiou. Il rend compte de la maturité des oeufs d'hiver, des risques d'infection primaires et secondaires. Il se base sur la pluviométrie, la température, l'hygrométrie et l'humectation des feuilles relevées par une station météo classique ou virtuelle, et sur les prévisions à 7 jours. Il intègre les traitements réalisés (rémanence et lessivage des produits), la sensibilité du cépage et les stades phénologiques. Promété vend aussi des modèles black-rot, oïdium et botrytis. Coût : 150 €/an.
RIMpro-Plasmopara, l'épidémie en quatre graphiques
Avec RIMpro-Plasmopara, l'utilisateur visualise quatre graphiques. Sur celui d'en bas, apparaissent pour chaque jour la durée d'humectation des feuilles en bleu clair et les quantités de pluie en bleu foncé. Au-dessus, on suit l'évolution des oeufs d'hiver. Le modèle indique la part encore en dormance, la part arrivée à maturité et celle des oeufs qui peuvent projeter des spores à la première pluie venue pour provoquer une infection primaire. On voit ici qu'il y a un maximum d'oeufs mûrs à la fin mai et que ce stock diminue jusqu'en septembre. Le troisième graphique montre les différentes infections primaires puis les repiquages selon trois niveaux de risques. Sur cet exemple, la première contamination a eu lieu début mai, suivie d'une autre mi-mai. Mais les plus importantes sont survenues courant août. Enfin, le graphique du haut représente le développement de l'épidémie. Ici, les toutes premières taches sporulées sont apparues mi-juin puis l'épidémie s'est emballée courant août.
RIMpro-Guignardia calcule le risque d'infection sur les fruits
RIMpro-Guignardia fonctionne de la même manière. En bas, l'utilisateur visualise les épisodes pluvieux et d'humectation du feuillage. De là, le modèle lui indique l'évolution du stock des ascospores, responsables des infections primaires, ainsi que la survenue des différentes contaminations. Puis, une fois que l'utilisateur a saisi la date réelle du début de la floraison, le modèle calcule le risque et l'évolution de l'infection sur les fruits.