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VIGNE - POUR APPROFONDIR

Le suivi des oeufs de mildiou Vital pour organiser la lutte

CHRISTELLE STEF - La vigne - n°284 - mars 2016 - page 42

La plupart des vignobles suivent attentivement la maturation des oeufs d'hiver de mildiou. En effet, dès lors que ces oeufs sont mûrs, l'épidémie peut démarrer pour peu qu'il pleuve par temps doux et que la vigne soit réceptive.
En automne, les techniciens prélèvent des feuilles atteintes de mildiou mosaïque. Sous une loupe binoculaire, ils repèrent les zones où se concentrent les oeufs d'hiver. Ceux-ci ressemblent à des petites bulles de couleur rouille alignées les unes à côté des autres, le long des nervures.   © CA CÔTE-D'OR

En automne, les techniciens prélèvent des feuilles atteintes de mildiou mosaïque. Sous une loupe binoculaire, ils repèrent les zones où se concentrent les oeufs d'hiver. Ceux-ci ressemblent à des petites bulles de couleur rouille alignées les unes à côté des autres, le long des nervures. © CA CÔTE-D'OR

 © COMITÉ CHAMPAGNE

© COMITÉ CHAMPAGNE

Des fragments de feuilles contenant des oeufs de mildiou sont disposés en plein air où ils vont subir les aléas de l'hiver. En Champagne, ces fragments sont installés dans des tubes en PVC.  © COMITÉ CHAMPAGNE

Des fragments de feuilles contenant des oeufs de mildiou sont disposés en plein air où ils vont subir les aléas de l'hiver. En Champagne, ces fragments sont installés dans des tubes en PVC. © COMITÉ CHAMPAGNE

Au printemps suivant, en mars-avril, les techniciens récupèrent des fragments, les placent dans des boîtes de Pétri en milieu humide pour qu'ils incubent à 20 °C. Au bout de 24 heures, ils les examinent sous une loupe binoculaire.   © CA CÔTE-D'OR

Au printemps suivant, en mars-avril, les techniciens récupèrent des fragments, les placent dans des boîtes de Pétri en milieu humide pour qu'ils incubent à 20 °C. Au bout de 24 heures, ils les examinent sous une loupe binoculaire. © CA CÔTE-D'OR

 © COMITÉ CHAMPAGNE

© COMITÉ CHAMPAGNE

Macroconidies issues de la germination des oeufs d'hiver (ci-dessous). Elles renferment les spores de mildiou qui, une fois libérées et projetées sur la vigne, vont engendrer les premières contaminations. Si ces macroconidies apparaissent moins de 24 heures après la mise en incubation des fragments de feuille, les oeufs sont considérés comme mûrs au laboratoire.   © CA CÔTE-D'OR

Macroconidies issues de la germination des oeufs d'hiver (ci-dessous). Elles renferment les spores de mildiou qui, une fois libérées et projetées sur la vigne, vont engendrer les premières contaminations. Si ces macroconidies apparaissent moins de 24 heures après la mise en incubation des fragments de feuille, les oeufs sont considérés comme mûrs au laboratoire. © CA CÔTE-D'OR

À quoi sert le suivi des oeufs ?

À déterminer la date à partir de laquelle le mildiou est apte à contaminer la vigne et à positionner le premier traitement. Quatre conditions doivent être ainsi réunies pour qu'ait lieu la première contamination : des oeufs d'hiver mûrs, une vigne réceptive, une température d'au moins 10,5 à 11 °C et au moins 2 mm de pluie survenant sur un sol humide.

À quoi ressemblent ces oeufs ?

Sous une loupe binoculaire, ils apparaissent comme « des petites bulles de couleur rouille alignées les unes à côté des autres, le long des nervures principales et secondaires », explique Pierre Petitot, conseiller viticole à la chambre d'agriculture de Côte-d'Or.

Ces oeufs constituent la forme de conservation hivernale du mildiou. Également appelés oospores, ils se forment en fin de saison, par reproduction sexuée, sur les feuilles atteintes de mildiou mosaïque. Ensuite, ils passent l'hiver dans ces feuilles tombées au sol. Ils sont responsables des foyers primaires au printemps suivant.

En quoi consiste le suivi ?

En automne, avant la chute des feuilles, les techniciens prélèvent des feuilles atteintes par le mildiou mosaïque dans plusieurs parcelles. Ils repèrent les zones où se concentrent les oeufs d'hiver puis les découpent en fragments qu'ils placent ensuite dans différentes vignes, en plein air, pour qu'ils subissent les aléas de l'hiver. Au printemps suivant, en mars-avril, les techniciens prélèvent quelques fragments qu'ils disposent dans des boîtes de Pétri en présence d'humidité. Ils mettent le tout à incuber à 20 °C. Chaque jour, ils examinent les fragments à la recherche de macroconidies, sortes de petites « montgolfières transparentes », issues de la germination des oeufs d'hiver. Ce sont elles qui renferment les spores de mildiou qui, une fois libérées et projetées sur la vigne, provoqueront les premières contaminations et les premiers symptômes. Si ces macroconidies apparaissent en moins de 24 heures après la mise en incubation des fragments de feuilles, les oeufs de mildiou sont considérés comme mûrs et donc prêts à déclencher une épidémie. L'information est alors diffusée via les BSV (Bulletin de santé du végétal) et les bulletins des organismes techniques, comme les chambres d'agriculture.

Est-il pratiqué dans toutes les régions ?

Non. En Languedoc-Roussillon, il a été abandonné à la fin des années 1980. « Les suivis réalisés par SupAgro pendant des décennies ont montré qu'il y a toujours des oeufs prêts à germer, début avril, dès que les vignes sont réceptives dans notre région. Et ces oeufs sont toujours en quantité suffisante pour déclencher des attaques », rapporte Bernard Molot, de l'IFV pôle Rhône-Méditerranée. En revanche, le suivi est toujours effectué en Bourgogne, Champagne, Cognac, Aquitaine et Midi-Pyrénées.

Qui s'en charge ?

Cela dépend. Ainsi, en Bourgogne, ce sont les chambres d'agriculture. « Nous avons repris ce travail en 2009. Auparavant, c'est la Protection des végétaux qui s'en occupait », explique Pierre Petitot, conseiller viticole à la chambre d'agriculture de Côte-d'Or. En Champagne, c'est l'interprofession qui s'en occupe. Enfin, en Aquitaine, Midi-Pyrénées et Poitou-Charentes, c'est la Fredon.

Le protocole est-il le même partout ?

Il existe quelques différences. Elles portent principalement sur la manière dont les fragments sont conservés en hiver. En Champagne, ils sont mis dans des tubes en PVC grillagés reposant sur un lit de sable. En Aquitaine, ils sont disposés sur une toile posée à même le sol et recouverte de terre.

Autre différence : le nombre de sites dans lesquels les fragments sont installés : deux en Champagne, quatre en Gironde et une vingtaine en Bourgogne dont cinq en Côte-d'Or.

Est-ce fastidieux ?

Oui, clairement. « Il faut aller récupérer des fragments de feuilles sur les différents sites, les mettre en boîte de Pétri, puis les observer à la loupe binoculaire 24 heures plus tard, soit environ 20 à 25 min pour cinq boîtes. On fait ce travail au moins une fois par semaine, voire plus s'il pleut fréquemment. Et on recommence tant que les oeufs ne sont pas mûrs. Certaines années, cette maturité arrive rapidement et le suivi est vite bouclé. D'autres, comme en 2011, on y passe deux mois », rapporte Pierre Petitot.

En Champagne, « on fait deux à trois prélèvements hebdomadaires, les quinze premiers jours d'avril. Puis, quand la durée d'incubation diminue au laboratoire, on passe à trois ou quatre. Selon la période, on consacre à cette tâche trois à quatre demi-journées par semaine », précise Pascale Pienne, du Comité Champagne. En Gironde, le suivi monopolise une personne chaque jour pendant une demi-journée, jusqu'à ce que les oeufs soient mûrs.

De quoi dépend la date d'arrivée à maturité ?

« Essentiellement de l'importance des pluies d'octobre à janvier. Un hiver doux et pluvieux va permettre une maturation plus précoce », précise l'ouvrage Maladies cryptogamiques de la vigne, de Bernadette Dubos paru aux Éditions Féret.

Est-ce un indicateur fiable ?

Oui, mais il doit être interprété avec prudence. « Nous avons toujours su prévoir la date de maturité des oeufs d'hiver car nous avons un réseau de sites représentatifs du vignoble », indique Pierre Petitot, en Bourgogne. « C'est un outil relativement fiable à l'échelle régionale. Les viticulteurs y tiennent. Mais on ne prétend pas décrire tous les cas car, très localement, des oeufs sont parfois mûrs quelques jours plus tôt qu'au laboratoire. Ils peuvent alors provoquer des contaminations éparses en cas de pluie », insiste Pascale Pienne. Ces situations sont marginales, mais elles peuvent survenir.

« Le suivi biologique ne reflète pas toute la diversité des situations. De plus, les oeufs d'hiver peuvent se conserver plusieurs années et finir par germer alors que l'on suit uniquement les oeufs de l'automne précédent. Quelle part les oeufs anciens prennent-ils dans le déroulement d'une épidémie ? On l'ignore », explique Laurent Delière, de l'Inra de Bordeaux.

Étienne Laveau, de la chambre d'agriculture de Gironde et rédacteur du BSV, confirme : « Il faut le prendre comme un indicateur et non une science exacte. En Gironde, nous suivons les oeufs sur quatre sites. Ce n'est pas représentatif de l'ensemble du département. Il faut le confronter à d'autres informations, comme la modélisation. »

Quid de la modélisation ?

C'est un indicateur de plus. Certains modèles, comme Potentiel Système, donnent une date théorique de maturité des oeufs. « On confronte les données du suivi biologique avec celles de la modélisation pour conseiller au mieux le viticulteur sur le début de la protection », indique Pascale Pienne.

Existe-t-il d'autres méthodes ?

En parallèle du suivi biologique, les Suisses utilisent la somme de températures en base 8 °C pour prévoir la date de maturité des oospores. Chaque jour, à partir du 1er janvier, ils additionnent les valeurs positives de la température moyenne au seuil de 8 °C. Lorsque la somme atteint 140 °C, ils considèrent que les oeufs sont mûrs. « Nous avons comparé cette méthode au suivi biologique en Côte-d'Or entre 2001 et 2012. Elle n'a donné satisfaction que cinq années sur douze, ce qui est insuffisant. Mais, il ne faut pas généraliser, la comparaison portait juste sur notre vignoble. La méthode marche peut être dans d'autres contextes pédoclimatiques », conclut Pierre Petitot.

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