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VIGNE

Lutte contre le gel Les thermomètres veillent

MICHÈLE TRÉVOUX - La vigne - n°284 - mars 2016 - page 44

Avec les thermomètres-alarmes par GSM, les viticulteurs ont gagné en confort dans leur lutte contre le gel. Mais les nuits blanches restent inévitables.
BERNARD MICHAUT, directeur de l'ASA des Vaux Ragon et Vaux de Longue, organise la lutte contre le gel à Beine (Yonne). © C. FAIMALI

BERNARD MICHAUT, directeur de l'ASA des Vaux Ragon et Vaux de Longue, organise la lutte contre le gel à Beine (Yonne). © C. FAIMALI

« Le gel de printemps, c'est bizarre. C'est le résultat de conditions très particulières, difficiles à appréhender. » Bernard Michaut n'est pourtant pas né de la dernière pluie. Vigneron au domaine de la Motte, à Beine, dans l'Yonne, il est également le directeur de l'ASA des Vaux Ragon et Vaux de Longue. Cette association organise depuis 1979 la lutte contre le contre le gel sur cette commune très exposée. Pour cela, elle a installé l'aspersion sur une centaine d'hectares. Ce système couvre les parcelles de 25 viticulteurs. « La décision de mettre en route l'aspersion est toujours difficile à prendre car les surfaces protégées varient de 15 ha à 20 ares selon les adhérents. Les enjeux ne sont donc pas les mêmes pour tout le monde », explique le viticulteur chablisien.

En période de risque, chaque adhérent reçoit sur son smartphone les bulletins météo de différentes sources. « C'est un premier niveau d'alerte. Mais nous nous fions surtout aux trois thermomètres électroniques placés depuis 2010 dans les points les plus gélifs. Ceux-ci envoient à la vingtaine d'adhérents dont le numéro est enregistré dans le système des alertes par téléphone via le réseau GSM dès que la température descend à 1 °C. Et nous prévenons les autres. Les plus concernés vont alors apprécier la situation et vérifier la température des autres thermomètres installés dans le vignoble. Généralement, nous sommes une dizaine debout. Nous échangeons nos impressions mais, au final, c'est moi qui prends la décision », explique-t-il.

D'autres paramètres doivent être pris en compte : la vitesse du vent, l'hygrométrie de l'air, la couverture nuageuse, l'heure à laquelle l'alerte a été déclenchée. « L'hygrométrie de l'air est un facteur déterminant. Nous n'intervenons pas si l'air est sec. En effet, dans ce cas, l'eau sature d'abord l'air ce qui fait baisser la température. On risque donc de provoquer du gel », précise Bernard Michaut.

Le confort apporté par les thermomètres électroniques est lui aussi apprécié par Didier Séguier, directeur du domaine William Fèvre, à Chablis (Yonne), et président de la Cuma des Bouguerots. « Les trois thermomètres électroniques reliés à des balises GSM constituent un système fiable qui nous économise des nuits de sommeil. » Lorsque l'alarme est déclenchée, à 1 °C, les cinq adhérents de la Cuma prennent collégialement la décision de mettre en route les asperseurs. « C'est une décision importante car quand on commence à arroser, on accroît le risque de gel pour les nuits suivantes. On tient donc compte des prévisions météo pour les jours à venir. On intervient plus facilement si la température s'annonce douce », souligne-t-il.

En Champagne, Daniel Fallet est partisan du principe de précaution. La totalité de ses 15 ha sont protégés depuis 1971 : 12 par une installation qui lui appartient, les 3 restants dans le cadre d'une Cuma. Ce vieux routard de l'aspersion a tiré les leçons du passé. « Une année, on a voulu jouer les scientifiques. Intervenant trop tard, on a perdu une demi-récolte. Qu'est-ce que cela coûte d'intervenir plus tôt ? Quinze litres de fuel tout au plus. Ce n'est rien comparé à la valeur d'une récolte et on se sent beaucoup mieux », affirme-t-il.

Sa maison étant située à 50 m de son vignoble, il a acquis en 1995, pour 70 euros, un thermomètre sans fil Lacrosse Technologie qui l'alerte dès que la température tombe à 0,5 °C. « C'est un système précieux pour les nuits de sommeil. On ne se lève plus qu'en cas de nécessité », témoigne-t-il.

À Quincy, dans le Cher, 34 éoliennes avec moteur thermique et brûleur au pied protègent 140 ha de vigne, soit la moitié des surfaces de l'appellation. Au printemps, 28 autres éoliennes, au démarrage automatique, devraient être installées pour couvrir le reste du vignoble (un investissement de 1,3 M€). L'installation appartient à la Cuma des Vignobles qui regroupe la trentaine de viticulteurs. Météo France leur adresse des alertes par SMS dans l'après-midi, s'il prévoit des températures de 0 °C au sol dans la nuit qui suit. Cinq responsables de secteur contrôlent alors tous les thermomètres installés dans le vignoble. Depuis trois ans, des thermomètres électroniques avec alarme réglée à 1 °C sont venus renforcer ce dispositif d'alerte. « C'est au responsable de secteur de décider s'il met en route ou non les éoliennes. On a fixé l'alerte à 1 °C pour se laisser le temps de réagir. À cinq ou six, il nous faut deux heures pour mettre en route les 34 éoliennes. On les déclenche à partir de 0 °C », relate Luc Tabordet, le président de la Cuma.

En Loir-et-Cher, les 18 producteurs de Noyer-sur-Cher se sont également équipés de tours antigel. Depuis 2004, ils ont mis en place 20 tours de dernière génération, qui se déclenchent automatiquement dès que la température atteint le seuil fixé. « Même si c'est automatique, on reste éveillé pour surveiller et juger s'il y a vraiment lieu d'intervenir. Jusqu'ici, la Cuma n'a connu aucun loupé. Même en 2012, quand les températures sont tombées entre - 4 et - 4,5 °C, la protection a été efficace », assure le président Dominique Girault.

L'écueil du vandalisme

« Depuis que le prix du fioul a flambé en 2010, nous ne prenons plus le risque de remplir à l'avance les réservoirs de nos éoliennes par crainte des vols, témoigne Luc Tabordet, président de la Cuma des Vignobles, à Quincy (Cher). Lorsqu'un gros risque de gel est prévu, on remplit les réservoirs la veille. Sinon, on ne laisse qu'un fond, juste de quoi démarrer et tenir une heure ou deux et on réapprovisionne en cours de nuit. » Les risques de vol ou de vandalisme sont plus faibles à Chablis : « Nos installations sont situées dans un lieu fréquenté. Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas rencontré de problème », confie Didier Séguier. Autre souci à Quincy : le voisinage. « Certains riverains commencent à se plaindre de la nuisance sonore. On a réussi à contenir leur grogne car les interventions restent ponctuelles. Mais le sujet est sensible », s'inquiète Luc Tabordet.

Une mise en service simple

Chez Climakiwi, qui se présente comme le leader des alarmes de détection des gelées printanières, les thermomètres-alarmes sont constitués d'une sonde de température, d'une précision de 0,1 °C, avec une plage de mesures allant de - 20 à 70 °C. Ces appareils fonctionnent soit sur secteur, soit sur batterie. Un nouveau modèle, en cours de lancement, est alimenté par des panneaux solaires. Pour leur mise en service, il suffit d'insérer la carte SIM et de les brancher sur le secteur ou la batterie. L'utilisateur définit la température à partir de laquelle l'alarme est déclenchée, les numéros d'appel, le message d'alerte et la fréquence avec laquelle les appels doivent être répétés. Au seuil d'alerte, tous les numéros de téléphone programmés reçoivent un appel téléphonique et un SMS indiquant le lieu d'où provient l'alerte et le seuil de température qui vient d'être franchi. Il est aussi possible d'interroger à tout moment l'appareil pour connaître la température qui s'affiche cinq secondes plus tard sur le téléphone. Les accus de secours assurent une autonomie de 15 heures en cas de défaillance de l'alimentation secteur ou batterie. Prix : 947 € HT, Thermoki 106-GSM et 1 247 € HT, version à panneaux solaires.

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