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VENDRE - Observatoire des marchés

Exportations Le chiffre d'affaires repasse au vert

MARION BAZIREAU - La vigne - n°284 - mars 2016 - page 66

La valeur des exportations françaises de vins et spiritueux repart à la hausse, grâce à deux produits stars, le cognac et le champagne, et deux marchés clés, les États-Unis et la Chine. Le seul bémol vient des volumes, à nouveau en recul.

La filière a de bonnes raisons d'avoir le sourire. En 2015, la valeur des exportations de vins et spiritueux a atteint un nouveau record historique de 11,7 milliards d'euros. Les ventes de vins progressent de 6,7 %, avec 7,9 milliards d'euros, et celles des spiritueux, de 13,2 %. De plus, l'excédent commercial de la filière « s'élève à 10,4 milliards d'euros, et nous permet de repasser devant les parfums et cosmétiques », se félicite Christophe Navarre, président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS) et de Moët Hennessy. En 2015, la filière aura exporté l'équivalent de 126 airbus. Une performance !

Les AOP tranquilles pèsent lourd dans la balance, avec près de 4 milliards d'euros. Le Languedoc et le Val de Loire continuent de progresser. La Bourgogne (+5,1 %) et Bordeaux (+2,9 %), qui avaient souffert en 2014, ont également repassé la marche avant. En revanche, les ventes de la vallée du Rhône stagnent et celles du Beaujolais font grise mine, avec un recul de 5,6 %. Les vins sans IG sont aussi en perte de vitesse.

Les deux vrais vainqueurs de cette campagne sont la Champagne et le Cognac. La première a expédié 557 000 caisses de 12 bouteilles de plus qu'en 2014. Elle a également vendu plus cher, puisque son chiffre d'affaires augmente de 12 % alors que les volumes vendus progressent seulement de 4,8 %. Si le champagne ne représente que 9 % des volumes expédiés à l'export, il rapporte 2,6 milliards d'euros, plus d'un tiers du chiffre vins. À côté de lui, les pétillants ne représentent que 100 000 caisses mais illustrent un peu plus l'appétit de l'export pour nos bulles. La valeur de leurs exportations progresse ainsi de 46,6 %.

Cognac n'a pas à rougir. En 2015, le vignoble a expédié 14 millions de caisses, repassant devant la vodka en terme de volume. Et il a surtout contribué pour 70 % à la valeur totale générée par la filière spiritueux, une filière qui attendait un regain de chiffre d'affaires depuis 2012. Dans cette catégorie, la FEVS note également une tendance à la « premiumisation » de la vodka, du rhum et des liqueurs français.

Le rêve américain prend corps. « Les Américains renouent avec les alcools bruns, après dix ans de préférence pour les alcools blancs », explique Christophe Navarre. Il semblerait qu'ils boivent aussi un peu plus de vin puisque les États-Unis passent la barre des 2,5 milliards d'euros, devenant ainsi le plus gros client des vins et spiritueux français.

« La croissance de nos ventes aux États-Unis représente à elle seule 75 % de l'augmentation de nos exportations en 2015 », résume Christophe Navarre.

La baisse de l'euro, elle, a bien aidé les professionnels dans leur conquête. En effet, depuis début 2014, l'euro a perdu 16 % par rapport au dollar américain et 10 % par rapport à la livre sterling, ce qui rend nos produits plus compétitifs et dope nos ventes.

L'autre bonne surprise vient de la Chine. Elle rebondit après deux années moroses et retrouve son niveau de 2013, avec une facture rehaussée de 23 %. « Ce rebond signe notamment la fin de la période de déstockage et de la mauvaise passe bordelaise », commente Philippe Castéja, président-directeur général du négoce Borie-Manoux. La Chine devient un marché de consommation, et Bordeaux devrait y augmenter ses ventes sur tous les segments, notamment sur les entrées de gamme. »

Christophe Navarre se montre plus réservé, considérant que « la politique anti-ostentatoire et les fragilités de l'économie chinoise incitent à la prudence quant au rythme effectif de la reprise à court terme de ce marché ».

Mais, le vrai point faible de la filière, c'est la baisse des volumes. Une baisse à laquelle il faut faire attention, selon le président de la FEVS. En trois ans, les expéditions de vins tranquilles ont ainsi diminué de 1,4 million d'hectolitres, l'équivalent, chaque année, de « 25 % des exportations de bordeaux ou de 90 % des exportations languedociennes ». L'année 2015 n'échappe malheureusement pas à la règle. Les vins sans IG sont les plus touchés. Dans cette catégorie, nos exportations diminuent de 13,6 % pour les vins qui mentionnent le cépage et même de 16,6 % pour ceux qui ne le mentionnent pas.

En toute logique, le manque général de volume se répercute sur le prix des vins et pénalise la compétitivité des vins français. Ceux-ci ont déjà décroché en Allemagne. La filière y a perdu 10 % de chiffre d'affaires. Elle a limité les dégâts sur le reste de l'Europe, avec une petite hausse de 1 %, mais continue à perdre du terrain sur ses concurrents. En 2000, elle raflait 45 % des parts de marché mondial. Aujourd'hui elle n'en détient plus que 30 %.

Pour continuer à réussir à l'export, le vignoble a besoin de produire plus et d'élargir sa gamme. D'après Antoine Leccia, PDG d'Advini, cela passe par l'irrigation et l'augmentation de la taille des exploitations. « Il nous faut davantage de gros opérateurs, capables de produire 150 hl/ha et de proposer des vins d'entrée de gamme qui soient rentables. Sans ça, impossible de rivaliser avec des pays tels que le Chili, l'Espagne ou l'Italie. »

Antoine Leccia suggère aussi aux producteurs de travailler davantage ensemble. « Il faut se servir de la bonne image dont jouit la France et chasser en bande, notamment sur les salons internationaux, comme le font le Chili ou l'Italie, avec des stands nationaux. »

Autre difficulté à surmonter : les taxes. Christophe Navarre souhaite ainsi « que les accords de libre-échange avancent et fassent tomber les barrières douanières ». À l'heure actuelle, la France est désavantagée par des droits de douanes exorbitants quand elle souhaite vendre dans des pays tels que la Chine, la Thaïlande, le Vietnam ou le Japon. Par exemple, au Japon, les vins français sont taxés à 54 % quand les vins australiens et chiliens ne sont pas taxés du tout. Du coup, ces derniers se retrouvent sur les étals à 500 yens (4 €), alors que la France n'arrive pas à descendre sous la barre des 700-800 yens.

Sur ce point, la situation pourrait bientôt évoluer. Selon Nicolas Ozanam, le délégué général de la FEVS, des traités avec le Canada, le Vietnam et le Japon devraient être bientôt ratifiés par l'Union européenne. « En revanche, il ne faut pas s'attendre à un accord sur le TAFTA (traité entre l'Union européenne et les États-Unis, NDLR) avant 2017. »

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