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Magazine - Terroir & tradition

Hélène Serrano Le goût de l'antique

MICHÈLE TRÉVOUX - La vigne - n°284 - mars 2016 - page 86

Férue d'histoire antique, Hélène Serrano s'est plongée dans les traités romains pour ressusciter leurs vins et leur savoir-faire.
HÉLÈNE SERRANO a reproduit les vins décrits avec une grande précision par les auteurs de l'Antiquité PHOTOS : P. PARROT PHOTO : P. PARROT

HÉLÈNE SERRANO a reproduit les vins décrits avec une grande précision par les auteurs de l'Antiquité PHOTOS : P. PARROT PHOTO : P. PARROT

LA GAMME DES VINS élaborés selon des recettes antiques est maintenant produite par le viticulteur Célian Parra, le neveu d'Hélène Serrano.  PHOTO : P. PARROT

LA GAMME DES VINS élaborés selon des recettes antiques est maintenant produite par le viticulteur Célian Parra, le neveu d'Hélène Serrano. PHOTO : P. PARROT

Quels types de vins buvait-on sous la Rome antique ? Comment étaient-ils vinifiés ? Hélène Serrano est intarissable sur le sujet. Cette ex-vigneronne du Minervois s'est passionnée pour cette période de l'histoire des vins. Se plongeant dans les textes de Pline l'Ancien, Columelle, Strabon, Caton et Galien, elle s'est forgé un savoir précis dont elle partage avec plaisir les traits les plus savoureux.

« Les Romains étaient très carrés. Ils décrivent précisément leurs méthodes de vinification », affirme-t-elle. On sait qu'ils ne produisaient que des blancs et des rosés. Ils pressaient les raisins dès leur arrivée au chai. Les jus fermentaient dans des amphores enterrées. « Ces contenants ne permettaient pas de faire des macérations car il était impossible d'en sortir le marc. Les vins rouges ne sont apparus qu'au début du christianisme. Les chrétiens en voulaient pour symboliser le sang du christ. Cette demande a été concomitante avec l'apparition du tonneau, contenant qui permettait la macération des raisins », raconte-t-elle.

Les Romains produisaient trois grandes catégories de vins. Au bas de l'échelle, les vins courants « devaient être assez affreux car on les conservait avec de l'eau de mer ou du gypse ! », souligne Hélène Serrano. Venaient ensuite les vins thérapeutiques, pour lesquels on utilisait jusqu'à 50 plantes différentes. Le bois de genévrier était par exemple indiqué pour soulager les sciatiques, la racine d'iris pour les troubles digestifs.

Enfin, les grands vins étaient essentiellement des vins doux. Les uns étaient issus de vendanges tardives ou de raisins séchés au soleil. Les autres étaient obtenus après ajout de moûts chauffés et concentrés dans de grands chaudrons à des vins secs. « Ces vins étaient les plus réputés. Les Romains les expédiaient jusqu'en Chine, en échange d'épices. Ils se conservaient très bien du fait de leur teneur élevée en alcool », précise notre historienne.

Les Romains ne connaissaient pas le SO2. Pour conserver leurs vins, ils employaient de la racine d'iris, à fois antiseptique et anti-oxydant ou du poivre, lui aussi antiseptique. « On a poivré les vins pendant dix-sept siècles. Rabelais en témoigne. Il évoque les gens qui s'empoivrent pour signifier qu'ils s'enivrent. C'est d'ailleurs l'origine du mot poivrot. »

Les textes révèlent aussi la responsabilité des propriétaires de vignobles vis-à-vis de leurs employés. La vigne était alors cultivée en hauteur sous forme de lianes qui s'enroulaient autour d'arbres ou de pieux. Les vendangeurs devaient parfois couper les raisins à plusieurs mètres de haut. Leur contrat prévoyait des indemnités en cas de chute dont le montant dépendait de la blessure. En cas de décès, l'employeur devait prendre en charge les enfants et la veuve du défunt jusqu'à son remariage. « Ils faisaient déjà du social », s'amuse Hélène Serrano.

Des vins fleuris ou poivrés

Pendant dix ans, Hélène Serrano a élaboré des vins antiques au château Santorin, à Peyriac-Minervois, dans l'Aude. Aujourd'hui, elle a transmis son savoir-faire à son neveu et sa nièce. À la tête du domaine La Parra, à Azille, ils vendent plusieurs cuvées, toutes sans SO2, parmi lesquelles un vin rosé à l'iris, un autre au fenugrec ou un rouge au poivre... Ces végétaux ont un rôle de conservateur. La racine d'iris apporte en plus des notes florales et de la longueur en bouche. Le fenugrec est un tonifiant aux arômes anisés. Quant au rouge au poivre, ses arômes très relevés se marient bien avec les notes épicées du mourvèdre dont il est issu. « Ces cuvées sont considérées comme des boissons à base de vins. Elles ne peuvent pas être vendues sous la mention vin. C'est dommage. L'ajout de poivre au vin relève bien pourtant d'usages loyaux et constants puisqu'il a été pratiqué pendant dix-sept siècles », regrette Hélène Serrano.

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