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VIN

Santé Le French Paradox tient toujours

MARION BAZIREAU - La vigne - n°285 - avril 2016 - page 48

Le paradoxe français énoncé par Serge Renaud en 1991 est encore d'actualité. Et le vin ne prévient pas que les maladies cardiovasculaires. Les 9 et 10 mars, à Hyères, dans le Var, plusieurs chercheurs se sont attachés à le démontrer à l'occasion d'un colloque.
LE VIN BLANC contient dix fois moins de composés phénoliques que le vin rouge. Mais il a d'autres cordes à son arc. © CULTURA/PHOTONONSTOP

LE VIN BLANC contient dix fois moins de composés phénoliques que le vin rouge. Mais il a d'autres cordes à son arc. © CULTURA/PHOTONONSTOP

Le docteur Dominique Lanzmann-Petithory a longtemps collaboré avec Serge Renaud, le père du « French paradox ». Vingt-cinq ans plus tard, à l'occasion de deux journées dédiées au vin et à la santé, les 9 et 10 mars à Hyères(*), dans le Var, elle a démontré que le concept n'avait pas pris une ride. « La France a toujours la deuxième mortalité la plus basse du monde par maladies cardiovasculaires (crises cardiaques et accidents vasculaires cérébraux) derrière le Japon, alors que les Français ont plus de cholestérol, sont de plus gros fumeurs et consomment davantage de graisses saturées que les Américains. » Sur 100 000 Français, 85 meurent chaque année des suites d'une maladie cardiovasculaire. Aux États-Unis, ils sont 106. Ce qui nous sauve, c'est que nous sommes les premiers buveurs de vin par habitant au monde, alors que nous ne sommes que les vingtièmes buveurs d'alcool.

Les tanins pour le coeur

Car, si l'éthanol a déjà la capacité de réduire la mortalité cardiaque, le vin fait la différence grâce à ses fortes teneurs en polyphénols, aux propriétés antioxydantes, anticoagulantes et vasodilatatrices. Chaque jour, un Français consomme environ un gramme de polyphénols. Il fait déjà la moitié du chemin quand il boit un verre de vin rouge, qui renferme autant de polyphénols qu'1,8 litre de vin blanc, 1 litre de jus d'orange, quatre pommes ou 550 grammes d'oignons.

« La consommation modérée de vin rouge diminue les risques de maladies cardiovasculaires de 30 à 40 % », rappelle Pierre-Louis Teissèdre, de l'ISVV. Les tanins inhibent en effet la biosynthèse de l'endothéline-1, le plus puissant vasoconstricteur de notre organisme, et réduisent la formation des plaques d'athéromes (plaques de lipides sur la paroi des artères).

« Pas étonnant que l'on retrouve un nombre élevé de centenaires dans le Gers ou en Sardaigne, quand on sait que les cépages locaux sont très riches en procyanidines [tanins, NDLR] », concède Joël de Leiris, professeur à la faculté de médecine de Grenoble. « En revanche, au-delà des limites recommandées par l'OMS, soit deux verres par jour maximum pour les femmes (20 g d'alcool pur) et trois pour les hommes (30 g d'alcool pur), les risques de mortalité toutes causes confondues augmentent », avertit Pierre-Louis Teissèdre.

Les stilbènes pour le reste

En plus d'être bon pour le coeur, le vin joue un rôle protecteur vis-à-vis d'une foule de maladies. Les études pleuvent en ce sens (voir l'encadré sur les bienfaits du vin). En Bourgogne, l'équipe de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) vient par exemple de démontrer in vivo que le resvératrol, un polyphénol de la famille des stilbènes, ralentit le développement des cancers, première cause de mortalité en France avec 153 000 décès chaque année. Pour cela, les chercheurs ont injecté des tumeurs à plusieurs souris et en ont traité certaines avec du resvératrol. Une semaine après le début du traitement, leur tumeur était trois fois plus petite que celle des souris non traitées. Les souris traitées ont également survécu plus longtemps.

In vitro, la même équipe a montré qu'un extrait sec de polyphénols de vin rouge (un santenay 2012) permet, toujours chez la souris, de diviser par trois les teneurs en interleukine 17, un agent inflammatoire qui favorise la progression des tumeurs. D'après Dominique Delmas, professeur à l'Université de Bourgogne et chercheur à l'Inserm, « quand il boit du vin au quotidien, l'homme se constitue une réserve de polyphénols dans ses organes. En cas de besoin, le resvératrol sera hydrolysé et réutilisé par les enzymes. »

Norbert Latruffe, instigateur du colloque et professeur à l'Université de Bourgogne, a quant à lui expliqué que le resvératrol est un bon allié dans la lutte contre la DMLA (dégénérescence maculaire liée à l'âge) et l'arthrose.

Parallèlement, à l'ISVV de Bordeaux, des chercheurs se penchent sur la viniférine, un dimère de resvératrol qui pourrait retarder l'arrivée des maladies de Parkinson et d'Alzheimer. « Depuis plusieurs années, des études chez l'animal mettent en évidence qu'un régime alimentaire supplémenté en produits dérivés de raisin améliore la mémoire des animaux », affirme Stéphanie Krisa, enseignant chercheur.

Et le vin blanc ?

de Milan, défend le vin blanc. « Certes, il contient dix fois moins de composés phénoliques que le vin rouge. Mais il a d'autres cordes à son arc. » Selon le professeur, le blanc possède des vertus cardiovasculaires au même titre que le vin rouge. Il agit sur le stress oxydant grâce à plusieurs monophénols d'intérêt : acide caféique, acide shikimique, tyrosol ou hydroxytyrosol.

« Ce n'est pas tout, le vin blanc a également un effet anti-inflammatoire. » C'est ce que suggère une étude conduite en 2015 sur des personnes atteintes d'insuffisance chronique rénale. « Chaque jour pendant deux semaines, elles ont bu entre deux et trois verres d'un soave superiore [un vin de Vénétie, en Italie, NDLR], en fonction de leur poids. Résultat : les marqueurs de l'inflammation ont baissé, parfois même davantage qu'avec les médicaments. »

Que ce soit sur le vin rouge ou le vin blanc, les chercheurs continuent à travailler pour découvrir de nouveaux polyphénols. Ils s'interrogent également sur leur biodisponibilité. On ne sait toujours pas avec exactitude quelle quantité de polyphénols arrive effectivement dans le sang lorsque l'on boit du vin.

(*) Les 9 et 10 mars à Hyères, dans le Var, une trentaine de chercheurs, médecins et professionnels du vin se sont retrouvés pour les premières Journées méditerranéennes, organisées par la chaire Unesco « Culture et traditions du vin » de l'Université de Bourgogne.

Les nombreux bienfaits du vin

À la demande de Vin & Société, Jérôme Maës, du cabinet Alcimed, analyse toutes les études scientifiques liées à une consommation modérée de vin et à la santé. Il recherche les consensus ou controverses existants sur l'effet bénéfique, neutre ou néfaste du vin sur plusieurs pathologies. Entre 2007 et 2015, il en a recensé 550. Sans surprise, les scientifiques constatent toujours une baisse des maladies cardiovasculaires chez les personnes qui ont une consommation régulière et modérée de vin. « Mais il existe aussi un effet bénéfique du vin sur le diabète de type II et sur les cancers colorectaux et de l'oesophage. » Jérôme Maës remarque que des pistes sérieuses existent quant à la baisse de la mortalité, toutes causes confondues. Le vin semble également diminuer les risques de cancer du rein et les maladies d'Alzheimer et de Parkinson. En revanche, le vin n'a a priori pas d'influence sur les cancers des ovaires, de l'utérus, du pancréas, de la prostate et de l'estomac, et favoriserait l'adiposité abdominale. Certaines études montrent, elles, un effet néfaste d'une consommation modérée de vin sur la survenue des cancers du sein et des voies aéro-digestives supérieures. Jérôme Maës précise qu'aucune de ces études n'a été commanditée ou financée par la filière viticole. Il rappelle que la consommation d'alcool, même en quantité limitée, augmente les risques de syndrome d'alcoolisation foetale et d'hypotrophie du nourrisson. Les femmes enceintes doivent donc s'abstenir.

Quels polyphénols dans quels vins ?

Les teneurs en composés phénoliques des vins blancs et des vins rouges sont sans commune mesure. Ainsi, la consommation de 180 ml de vin blanc apporte 44 mg de composés phénoliques. La même quantité de vin rouge en apporte 400 mg. Lorsque l'on recherche l'effet santé, on aurait donc naturellement tendance à préférer un vin rouge. Mais ils ne sont pas tous égaux. D'importantes différences existent entre les cépages, les pays et les régions de production. Le pinot noir est, par exemple, le cépage le plus riche en resvératrol, avec jusqu'à 12 mg/l. Concernant le pays de production, une étude de Goldberg de 1995 a montré que les vins californiens contiennent en moyenne 1,5 mg/l de resvératrol quand les vins français en contiennent autour de 3,8 mg/l. On peut aussi segmenter les vins par régions. En France, ce sont a priori les beaujolais qui ont les teneurs les plus faibles en resvératrol, avec une moyenne de 2,9 mg/l, et les bourgognes qui en renferment le plus, avec une moyenne de 4,7 mg/l sur un échantillon de 55 vins.

Optimiser l'impact santé des cuvées

Au cours des deux jours de conférences, les intervenants ont distillé quelques astuces aux participants pour produire des vins bons pour la santé, à savoir contenant le plus de polyphénols possible. Pour Bernard Hudelot, propriétaire du château Villars Fontaine domaine de Montmain, en Côte-d'Or, « il suffit d'arrêter de produire des vins réputés faciles à boire dans l'immédiat et et se remettre à faire des vins de garde. Les pépins renferment 75 % des polyphénols, il faut donc régulièrement les remettre en suspension ».

Les macérations pelliculaires sont à privilégier pour les vins blancs et les macérations post-fermentaires pour les vins rouges. Pour ces derniers, on peut ainsi doubler les teneurs en catéchine et multiplier par dix celles en acide gallique, en jouant sur les températures et les durées de fermentation ainsi que sur la quantité de pépins. Alberto Bertelli a également expliqué que, dans le cas des vins blancs, les vendanges mécaniques divisaient par trois les teneurs en tyrosol - un phénol qui aurait des vertus cardioprotectrices - par rapport aux vendanges manuelles. « C'est une molécule qui s'oxyde très facilement. » Enfin, il faut éviter la thermovinification, qui détruit les polyphénols.

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