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VIN

Bouchons Nouvelle polémique sur le liège

MARION BAZIREAU - La vigne - n°285 - avril 2016 - page 52

Le laboratoire Excell affirme que 12 % des lots de bouchons contiennent des teneurs inquiétantes de MDMP, une molécule qui serait responsable de goûts moisis-terreux. Cette annonce est loin de plaire à la filière.
GÉRAUD-PIERRE AUSSENDOU, oenologue chez Bouchard père & fils, hume ses bouchons pour détecter d'éventuels défauts.  © J.-C. GRELIER/GFA

GÉRAUD-PIERRE AUSSENDOU, oenologue chez Bouchard père & fils, hume ses bouchons pour détecter d'éventuels défauts. © J.-C. GRELIER/GFA

En vingt ans, les bouchonniers sont venus à bout du trichloroanisole (TCA). Désormais, les goûts de bouchon affectent moins de 2 % des vins. Néanmoins, selon Pascal Chatonnet, directeur du laboratoire Excell, à Mérignac (Gironde), une autre menace plane : la MDMP (2-méthoxy-3,5-diméthylpyrazine), une molécule découverte par une équipe australienne en 2004. Selon l'oenologue, elle communiquerait aux vins un arôme complexe évoquant à la fois le « liège humide », la « noisette fraîche », à faible dose, et une odeur franchement « moisie » ou « terreuse » lorsque sa concentration dans le vin dépasse 2,5 ng/l. En outre, elle affecterait très négativement les vins, même à des teneurs bien inférieures à son seuil de perception. Le 7 mars, Pascal Chatonnet a diffusé un communiqué alertant la filière de ces deux dangers. Des affirmations qui ne font pas l'unanimité.

Mauvais goûts

Faux problème ?

De la famille des métoxypyrazines, la MDMP est produite par une bactérie du sol, Rhizobium excellencis. Selon Pascal Chatonnet, « des teneurs inquiétantes de MDMP affectent une large quantité des lots de bouchons mis sur le marché ». En 2011, il a retrouvé la molécule dans 86 % des lots de bouchons qu'il a étudiés. Il estime que le bouchon peut donner de mauvais goûts lorsque le vin en renferme plus de 15 ng/l, ce qui était le cas pour 12 % des lots testés. Il explique également que la bactérie a la faculté de polluer les ateliers. Elle a, par exemple, été repérée dans des tubeuses de liège. « Les bouchonniers ont mis dans la tête des vignerons qu'il n'y avait plus de goûts de bouchon. C'est vrai pour le TCA, mais l'arbre ne doit pas cacher la forêt. La MDMP est un vrai problème », soutient l'expert. Il a donc décidé de sonner l'alarme et encourage les vignerons à faire analyser leurs vins et leurs bouchons.

Cogérante du laboratoire Sovivins, à Martillac (Gironde), Sylvie Biau est beaucoup plus modérée. « Il y a eu trop peu d'études sur la MDMP pour en tirer des conclusions. Il est impossible de donner la proportion de MDMP contenue dans un bouchon pouvant migrer dans un vin, ni même d'affirmer avec certitude que la MDMP est responsable de goûts de moisi. » L'oenologue tient à rassurer les vignerons. « On a entendu parler de la MDMP en 2004, puis en 2011 avec la sortie de l'étude de Pascal Chatonnet, puis il n'en a plus été question jusqu'à aujourd'hui. Attention à ne pas créer de faux problèmes. »

Même son de cloche à Mâcon. « Ce n'est pas parce qu'une équipe, à un moment donné et dans une situation précise, a associé les goûts de moisi à la MDMP qu'elle détient la vérité », souligne Michel Dumoulin, du laboratoire Exact, qui souhaiterait qu'une étude de plus grande ampleur soit menée. En attendant, Exact effectue environ cinquante dosages de MDMP par an, à la demande de ses clients. « Il nous arrive de trouver de la MDMP et d'autres pyrazines, mais toujours à des teneurs faibles, situées bien en dessous des seuils théoriques de perception. »

Effet masque

Début de consensus

Il est admis que des dégustateurs formés perçoivent le goût de bouchon si un vin contient plus de 4 ng/l de TCA, voire plus de 2 ng/l pour les plus chevronnés. En 2012, des chercheurs de l'ISVV ont montré que cette molécule était préjudiciable même à une plus faible quantité. Ils ont pour cela fait sentir trois solutions d'heptanoate d'éthyle, à l'odeur fruitée, à 137 dégustateurs professionnels. Dans l'un des flacons, ils ont rajouté du TCA en dessous de son seuil de perception. La plupart des dégustateurs ont noté une baisse de la note fruitée à partir de 0,5 ng/l de TCA. L'année suivante, une étude japonaise a permis de mieux comprendre ce phénomène : elle a montré que le TCA perturbe les cellules réceptrices olfactives.

Jusqu'à présent, la MDMP n'a pas fait l'objet d'études équivalentes, mais Pascal Chatonnet affirme que, « exactement comme le TCA, cette molécule entraîne une modification profonde et toujours négative de la flaveur des vins », même en dessous de son seuil de perception. « Comme il est impossible d'identifier un défaut évident, c'est le vin que l'on rejette. » Il estime ainsi que le seuil de masquage de la MDMP est inférieur à 1,5 ng/l. « Nous n'avons encore rien publié, mais nous avons réalisé des tests triangulaires au laboratoire, avec une douzaine de dégustateurs, qui le prouvent. »

Sur ce point, les confrères de Pascal Chatonnet sont moins virulents. Michel Dumoulin admet, par exemple, qu'« un composé extérieur au vin peut entraîner une perte de fraîcheur et un aplatissement du profil aromatique du vin, même s'il est présent en dessous de son seuil de perception ».

D'après Sylvie Biau, c'est également vrai pour les précurseurs du TCA, les TCP et autres halophénols, qui sont pourtant sans odeur. Cela pourrait donc être le cas avec la MDMP. Concernant un éventuel seuil de masquage, tout dépend de la structure du vin. « Un vin charpenté sera moins rapidement affecté qu'un vin léger. » Quoi qu'il en soit, en l'état actuel des connaissances, pour Michel Dumoulin et Sylvie Biau, il n'est pas question de recommander des analyses systématiques.

De la MDMP aussi dans les alternatifs

Pascal Chatonnet, directeur du laboratoire Excell, explique que la MDMP peut aussi contaminer les alternatifs à la barrique, comme les copeaux et les staves. Il l'a remarqué dans un domaine languedocien où un même lot de vin avait été envoyé dans trois cuves en Inox après les fermentations. Deux d'entre elles contenaient 3 g/l de copeaux de bois faiblement chauffés. L'oenologue a décelé une altération du goût dans ces deux vins boisés et les a fait analyser. Ils contenaient 15 et 11 ng/l de MDMP, alors que le vin non boisé n'en renfermait pas. Heureusement, la MDMP craint la chaleur. Il est peu probable d'en retrouver dans les barriques ou dans des alternatifs davantage chauffés, que ce soit par convection ou par radiation.

Le Point de vue de

JEAN-MARIE ARACIL, CHARGÉ DE MISSION À LA FÉDÉRATION FRANÇAISE DES SYNDICATS DU LIÈGE

« C'est une accusation sans preuve »

« Pascal Chatonnet pointe du doigt la filière des bouchonniers sans preuves solides. Dans les années 2000, après les travaux de l'AWRI, en Australie, les bouchonniers ont réalisé des centaines d'analyses de bouchons. Les seules fois où nous avons retrouvé de la MDMP, c'était en faible quantité et dans du liège de très mauvaise qualité considéré comme inapte à la production de bouchons. Il provenait des parties basses de l'arbre, en contact avec le sol, que notre charte des bonnes pratiques interdit d'utiliser. J'ai également eu l'occasion de déguster des solutions de MDMP à plusieurs reprises. Je n'ai jamais retrouvé les goûts de moisi qu'apportent les TCA. À une très forte concentration, j'ai décelé un goût terreux, voire de papier mouillé. Pascal Chatonnet explique aux vignerons que, s'ils sont insatisfaits de leur vin, c'est à cause du bouchon et qu'ils doivent les faire analyser. En 2011, il a affirmé que 80 % des lots de bouchons en liège contenaient de la MDMP : cela signifierait que la majorité des vins bouchés à cette époque présentaient des défauts ? Ça se saurait ! Et il ne faut pas croire que dès qu'un vin présente un défaut, celui-ci vient d'une minitrace d'une molécule dans le liège. Pascal Chatonnet communique de manière alarmiste. Qu'on nous prouve qu'il y a un problème et nous le prendrons à bras-le-corps, comme nous l'avons fait par le passé avec le TCA.

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