Retour

imprimer l'article Imprimer

Magazine - Histoire

Période : XVe siècle Lieu : Ardèche Les Saladin : Viticulteurs depuis 1422

FLORENCE BAL - La vigne - n°285 - avril 2016 - page 87

En Ardèche, la famille Saladin détient la preuve qu'en 1422, Raymond Saladin a acheté une vigne qu'elle cultive toujours. Elle a aussi un journal très instructif rédigé par un aïeul négociant en vins à la fin du XIXe siècle, sur la conduite de la vigne.
Paul et Louis Saladin (en haut) possèdent de précieux témoignages sur la vie de leur famille et de ses vignes, dont ce cahier de leur aïeul Adrien (ci-dessus) qui décrit le travail de vigneron au XIXe siècle. F. BAL

Paul et Louis Saladin (en haut) possèdent de précieux témoignages sur la vie de leur famille et de ses vignes, dont ce cahier de leur aïeul Adrien (ci-dessus) qui décrit le travail de vigneron au XIXe siècle. F. BAL

 F. BAL

F. BAL

Paul et Louis Saladin possèdent de précieux témoignages de leur aïeul Adrien (ci-dessus) qui décrit le travail de vigneron au XIXe siècle. F. BAL

Paul et Louis Saladin possèdent de précieux témoignages de leur aïeul Adrien (ci-dessus) qui décrit le travail de vigneron au XIXe siècle. F. BAL

C'est la plus ancienne trace de l'histoire du domaine Saladin. Écrite en latin, elle est encadrée et affichée, tel un précieux trophée, dans le caveau d'accueil de cette propriété de 18 hectares de vignes, à Saint-Marcel-d'Ardèche, dans les côtes du Rhône méridionales.

« Ce document témoigne qu'en 1422, Raymond Saladin a acheté un plantier de vignes au lieu-dit Chaveyron, affirme fièrement la famille Saladin. C'est la copie d'un texte conservé aux archives départementales de l'Ardèche. » Aux yeux de la famille, il prouve qu'elle est présente depuis presque six siècles dans la commune et qu'elle y a toujours cultivé la vigne.

À côté de ce document, trône aussi la photo d'Adrien Saladin qui fut négociant en vins et en huiles d'olive au XIXe siècle et qui, en 1860, a repris l'affaire créée vingt ans plus tôt par son père, Joseph. C'est Adrien qui a rédigé l'autre trésor du domaine : le Recueil de la famille. Ce cahier recense naissances, décès, mariages, contrats, notes diverses sur les membres de la famille, sur la culture de la vigne, les traitements du vin ou le commerce, quatre siècles après le fameux acte de vente.

Adrien Saladin l'a vraisemblablement rédigé vers la fin de sa vie. Il y a réuni les informations qu'il avait rassemblées sur ses ancêtres et raconté son expérience personnelle. Les deux frères s'amusent aujourd'hui d'apprendre que Mathieu Saladin, né en 1749, « était un homme des plus instruits de l'époque » ou que Joseph Saladin, né en 1774, était un « homme robuste et un vrai travailleur », digne de cette lignée de vignerons paysans.

En revanche, l'auteur n'explique pas pourquoi son père a fondé un négoce de vins. Rien non plus sur les volumes commercialisés.

Dans son recueil, Adrien Saladin raconte l'arrivée de l'oïdium en 1854. Le soufre est « son remède ». « On l'apporte trois fois par an au moyen d'un instrument en forme de cornet construit en fer-blanc d'environ 50 cm de long, en le secouant sur les bourgeons fin avril, puis sur les grappes naissantes à la sortie de la fleur, et enfin lorsque le raisin est comme une graine de chapelet, juste avant qu'il change de couleur », décrit-il. La dose est de 100 kg de soufre par hectare pour les trois opérations. Après le phylloxéra, dans les années 1875, Adrien Saladin note : « La mortalité des vignes est un grand désastre agricole. »

Il mentionne également certains traitements surprenants des vins. On pratique la coloration des rouges à l'extrait de cochenille: « Il faut la faire bouillir à petit feu pendant deux heures, la passer au tamis, avant de la faire tomber dans les tonneaux. » Adrien Saladin parle aussi d'un collage à la colle de Flandres. Il s'agit probablement d'un substitut de gélatine. Quant au collage au sang de boeuf, il s'opère en mettant « dans un foudre un litre de sang de boeuf pour 10 hl. Fouetter rudement le vin, le laisser reposer 2 ou 4 jours et le tirer ensuite ».

« Notre grand-père, Paul, le fils d'Adrien, a tenu le négoce jusqu'à la Première Guerre mondiale, témoignent Louis Saladin, 85 ans, et son frère Paul, 87 ans. Apparemment, tous deux vivaient bien de leur métier. Ils avaient une bonne clientèle, ici, en Ardèche. Notre grand-père montait avec une charrette pour livrer Vallon-Pont-d'Arc et le massif du Tanargue. Son père et lui vendaient également beaucoup à Paris, en expédiant leurs vins par le chemin de fer, et vers Vesoul, en Haute-Saône, où ils avaient de la famille. »

À son retour de la Grande Guerre, Henri, le fils de Paul, arrête le négoce. Il devient paysan sur une quinzaine d'hectares dont un hectare de vigne. Gazé lors du conflit, il a fait un très grave malaise lors des premiers traitements avec des pesticides dans les années 1960. Depuis, la chimie de synthèse est proscrite du domaine que développent ses fils Louis et Paul. À partir de 1975, ces derniers vendent en vrac la majeure partie de leurs vins au négociant Marcel Guigal.

En 2003, Élisabeth et Marie-Laurence Saladin, filles de Louis, reprennent le domaine. Elles développent la vente directe et créent la cuvée Chaveyron 1422, leur vin haut de gamme à base de syrah et viognier, un assemblage de plusieurs parcelles dont le fameux lieu-dit Chaveyron. « D'une surface de 55 ares, il existe toujours, témoignent-elles. Il est actuellement au repos pour huit ans et sera replanté dans deux ans avec de la syrah. » Presque six siècles après son achat par leurs aïeux.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :