LA RÉGION VITICOLE BULGARE DU SAKAR, aux confins de la Grèce et de la Turquie, possède un climat propice à des vins aromatiques et charpentés. © CASTRA RUBRA
LE CHAI CONTEMPORAIN, réalisé par l'architecte bulgare, Todor Obreshkov, appartient à la famille Agopiam, propriétaire de Castra Rubra. AXELLE DE RUSSÉ
L'INTÉRIEUR DU CHAI comprend des équipement de vinification moderne. Ici, la ligne de mise en cartons suit l'embouteillage automatisé. AXELLE DE RUSSÉ
LE DOMAINE BRATANOV est une aventure familiale dirigée par Stoitcho Bratanov (à droite) et ses deux fils. Ils sont installés à Harmanli. Sept personnes y travaillent pour une production de 100 000 l. AXELLE DE RUSSÉ
Dans le village de Kolarovo, à 270 km au sud-est de la capitale Sofia, Castra Rubra est un des plus grands producteurs du pays. Il vinifie 15 000 hl par an, cultive 200 hectares de vignobles en propre et 600 ha en location, avec, en rouge, du merlot, du cabernet, de la syrah, du sangiovese et, en blanc, du sauvignon, du chardonnay et un peu de viognier. Un marché tourné à 70 % vers l'exportation en Chine, au Japon, au Canada et aux États-Unis notamment.
Les propriétaires, la famille Agopiam, ont investi dans le vin au milieu des années 2000. « On nous l'a conseillé », raconte le fils, Edi Agopiam, chef de culture. Pour réussir leur projet, ils ont fait appel au célèbre oenologue français Michel Rolland. « J'ai participé à la création du vignoble et à la réalisation de la cave. La recherche du site avait été faite avant mon arrivée. Je crois qu'aujourd'hui Castra Rubra est l'un des meilleurs vins bulgares. C'était l'objectif. Il est atteint », détaille-t-il.
Les vins sont puissants et aromatiques, selon le style de la région. La famille a vinifié sa première récolte en 2007. Conçu par un architecte bulgare, Todor Obreshkov, le chai est un bâtiment contemporain, en pierres apparentes. À l'intérieur, l'équipement se veut très moderne : des cuves bulgares Rodina Hashove, un pressoir vertical Bucher JLB et 3 000 barriques pour l'élevage.
Les petits montent en gamme
Non loin de là, Malkata Zvezda, la petite étoile en bulgare, est beaucoup plus modeste et affiche un tout autre état d'esprit. Ce domaine produit 800 hl de vin par an, surtout du rouge, destiné en grande partie à la consommation nationale, mais également allemande et chinoise. Leurs bouteilles aux noms évocateurs : Enigma, Essence, Experience et Harmony pour le haut de gamme, sont vendues une dizaine d'euros.
Au total, la maison possède 15 hectares de vignes et achète le reste à l'extérieur « sur des parcelles que nous contrôlons », précise Svilene Gueorgiev, le jeune oenologue de 24 ans. Fils de l'un des quatre propriétaires, il vient de finir ses études d'agronomie. Dans sa petite cave, il élève ses vins dans des barriques en chêne français, caucasien ou bulgare, pendant six mois pour les blancs et jusqu'à deux ans pour les rouges. Svilene Gueorgiev travaille avec Dimitar Dimov, un oenologue plus âgé, originaire de Bourgas, au bord de la mer Noire. Différence de génération, différence de région aussi. « Ici, les vins sont plus structurés, plus ronds et plus chaleureux que dans le nord de la Bulgarie, raconte Dimitar Dimov. Les gens vendangent très tard, c'est pour cela que les vins sont aussi puissants. » En 2015, elles se sont terminées fin octobre.
Cette particularité, Maria Stoeva la revendique également, même si le domaine des Bratanov, où elle exerce, vendange un peu plus tôt que ses collègues. Formée en France, à Dijon, la jeune oenologue parle de son terroir avec affection. « La région se distingue par son climat favorable à la vigne : continental avec des influences de la Méditerranée et du fleuve Maritsa. Nous avons des hivers doux et humides, puis des étés chauds et secs, avec beaucoup de vents et de grandes amplitudes de température entre le jour et la nuit. Pendant la maturation des raisins, nous bénéficions d'un bon ensoleillement. Cela donne des vins puissants, riches et concentrés, très aromatiques avec une bonne maturité phénolique. Les vins atteignent souvent 13,5° minimum. En 2015, nous avons vendangé à un taux de sucre entre 23 et 25° Brix [13,5 et 14,8° d'alcool probable, NDLR]. »
Le domaine Bratanov, où elle travaille depuis 2015, est une aventure familiale de passionnés, dirigée par Stoitcho Bratanov et ses deux fils. Ils sont installés à Harmanli, dans les bâtiments d'une ancienne coopérative agricole. Sept personnes y oeuvrent pour une production de 1 000 hl, sut 24 hectares de vignes et 24 à venir. Ici, beaucoup de tâches sont effectuées à la main, comme la mise en bouteille.
Cépages locaux
Originaire d'un petit village des alentours, Stoitcho Bratanov confie : « Ma mère me racontait souvent comment mon grand-père faisait du vin pour le vendre dans le restaurant qu'il possédait. Elle m'a transmis cette passion. » Après la rupture soviétique, Stoitcho décide de réaliser son rêve et achète des terres pour y planter son vignoble.
Avec des vins travaillés, il vise l'exportation : la République tchèque, la Pologne, la Grande-Bretagne, la Russie et, pourquoi pas, les États-Unis. Il produit des rouges, la plupart élevés en barrique un ou deux ans : du merlot, de la syrah et du cabernet franc « avec un goût plus mûr et plus puissant que d'habitude pour ces cépages », précise Maria Stoeva. En blanc, l'équipe travaille notamment deux cépages, dont un local, le tamianka, un cousin du muscat à petits grains, tendre, doux et floral qui fait la réputation de la maison.
Un peu d'assemblage mais surtout des monocépages. « Nous voulons montrer l'expression du terroir au maximum, en utilisant la flore indigène. Dans la même optique, nous avons décidé de ne pas irriguer et de laisser le naturel jouer. » Les affaires marchent plutôt bien pour ce petit domaine familial et les investissements se poursuivent dans le vignoble et en cave, même si la concurrence avec des géants comme Castra Rubra n'est pas toujours évidente.
Cinq régions viticoles
La Bulgarie compte cinq régions viticoles, réparties autour de deux zones : dans la vallée du Danube au nord et dans la Thrace, au sud, où se trouve le Sakar. Après la chute du communisme, des producteurs privés se sont lancés avec l'ambition d'offrir une production plus confidentielle et plus soignée que celle des usines à vins qui ont longtemps dominé la viticulture du pays. En 2013, une année particulièrement bonne, la production s'est élevée à 1,7 million d'hectolitres, soit 36 % de plus qu'en 2012. Mais il faut rester prudent. En 2014, les Bulgares n'ont récolté que 830 000 hl, après une saison difficile marquée par des gelées au printemps et d'abondantes pluies en été et en automne. L'an dernier, la production est remontée à 1,25 million d'hectolitres. En Bulgarie, il faut aussi savoir relativiser les statistiques : beaucoup de ventes ne sont pas déclarées. Sur le marché intérieur, une bouteille coûte en moyenne 2,50 €, un bon vin 6 € et jusqu'à une vingtaine d'euros pour les plus chers. À l'exportation, l'entrée de gamme commence à 2 euros.