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VIGNE

Azote Le retour en grâce

FRÉDÉRIQUE EHRHARD - La vigne - n°286 - mai 2016 - page 36

Conseillers et distributeurs constatent une reprise des apports d'azote. Fini le temps des impasses qui ont conduit à une baisse des rendements.
DANS LE LANGUEDOC-ROUSSILLON,  l'épandage d'azote a repris  depuis  deux ou trois ans. © P. PARROT

DANS LE LANGUEDOC-ROUSSILLON, l'épandage d'azote a repris depuis deux ou trois ans. © P. PARROT

Alsace

Des apports organiques

Après la petite récolte de 2015, la tendance est à la réduction de l'enherbement et au retour de l'azote. « Il y a quelques années, il a fallu réduire les doses et enherber pour préserver les nappes phréatiques. Mais on est allé trop loin, ce qui a entraîné des baisses de vigueur. Maintenant, il faut redresser la barre, sans tomber dans l'excès inverse », relève Frédéric Schwaerzler, de la chambre d'agriculture du Haut-Rhin.

Dans les vignes affaiblies, il conseille de reprendre les apports en sortie d'hiver, avec des amendements organiques s'il faut redresser le taux de matière organique du sol, ou des engrais organiques s'il faut relancer la vie microbienne. « Pour choisir, des analyses sont nécessaires », rappelle-t-il.

Chez Vitisphère Alsace, Philippe Kuntzmann conseille lui aussi d'apporter de la matière organique pour retrouver de la vigueur, avec un complément minéral la première année pour que l'effet soit plus rapide. « En même temps qu'on désherbe, on peut apporter 15 à 20 U d'azote liquide sur le rang, pour être sûr que la vigne en profitera et pas l'enherbement. »

Il préconise d'adapter aussi l'entretien du sol. « Mieux vaut enherber un rang sur deux, en déplaçant le rang enherbé tous les deux ou trois ans. En effet, quand l'enherbement vieillit, il se transforme en paillasson et il finit par gêner le fonctionnement du sol. »

Languedoc

Pour toutes les bourses

« Depuis trois ans, nous observons une remontée des apports d'azote, avec une demande d'engrais organominéraux ou organiques », constate Bernard Taïx, de Magne SA. Dans les vignes affaiblies, il conseille de démarrer avec un organominéral, pour apporter de l'azote qui sera rapidement disponible. C'est la stratégie choisie par Philippe Martin, un de ses clients. « J'ai commencé avec une formule 9-3-12 à 600 kg/ha durant deux ans. Puis j'ai alterné avec une formule organique 4-2-6 à 800 kg/ha qui nourrit le sol », détaille ce vigneron d'Alignan-du-Vent (Hérault). Ces engrais lui reviennent environ à 300 €/ha. « En bio, j'étais descendu à 70 hl/ha en IGP. En trois ans, après être revenu en conventionnel, je suis remonté à 90 hl/ha. Et mes moûts ne manquent plus d'azote. »

De son côté, Luc Jourdan, de la chambre d'agriculture de l'Hérault, note un retour des apports d'azote mais plutôt avec des engrais minéraux. « Les organominéraux, souvent conseillés par les distributeurs, sont nettement plus chers et apportent peu de matière organique stable. Pour entretenir celle-ci, j'estime qu'il est préférable d'apporter régulièrement, à l'automne, 500 kg/ha d'un bon amendement.»

En parallèle de cet entretien de la matière organique, il conseille d'apporter 60 U/ha d'azote dans les vignes en IGP avec un objectif de rendement de 90 à 100 hl/ha. Dans les vignes où l'on vise 45 hl/ha, 20 U d'azote suffisent. Il invite également les viticulteurs à vérifier que les engrais conditionnés disponibles chez leur distributeur correspondent à leurs besoins. À défaut, il est possible de commander une formule sur mesure en vrac.

Vallée du Rhône

Les épandeurs tournent

« On voit plus d'épandeurs tourner dans les vignes en sortie d'hiver », relève François Bérud, de la chambre d'agriculture du Vaucluse. Même constat à la CAPL. « Les impasses ont provoqué des baisses de vigueur et de rendement. C'est terminé. Depuis trois ans, il y a un net retour de l'azote, note Thierry Favier, chef de service agronomie de cette coopérative de distribution. Nous proposons une formule où l'azote, emprisonné dans une résine, est libéré progressivement en fonction de la température et de l'humidité. Cela évite l'effet coup de fouet et réduit les risques de lessivage. »

Avec cet engrais dont la formule NPK est 7-7-22 plus 8 % de magnésie, la fertilisation revient autour de 220 €/ha pour un apport de 400 kg/ha. « C'est plus cher qu'un apport minéral. Mais l'azote ne risque pas d'être gaspillé », souligne Thierry Favier.

Pour redresser la vigueur, ce distributeur conseille aussi de se préoccuper du sol, qui peut être tassé, et d'alterner les apports d'engrais et d'amendements pour entretenir le taux de la matière organique.

Chez Soufflet Vigne, Philippe Raimbault ne note pas de reprise des apports. « Ils restent modestes. C'est toujours dans l'air du temps d'apporter peu d'azote », affirme-t-il. Le taux de matière organique dans les sols a pourtant baissé de 0,5 % en dix ans dans la vallée du Rhône. « Il faudrait le redresser, sinon le potentiel de rendement va s'affaiblir. »

Attention au relargage d'azote

« Mieux vaut de petits apports réguliers qu'un apport massif de compost pour redresser le taux de matière organique du sol. Avec des apports massifs, il y a un risque de relargage de l'azote vers la nappe phréatique », alerte Frédéric Schwaerzler, de la chambre d'agriculture du Haut-Rhin. Il conseille aussi aux vignerons qui veulent réduire l'enherbement d'éviter de le faire à l'approche des vendanges. « Cela provoque un relargage d'azote, qui favorise le botrytis. Il vaut mieux intervenir au printemps, à un moment où l'azote est utile pour la vigne. » Un critère important pour choisir un engrais ou un amendement organique est le rapport C/N. Si ce rapport est faible, la matière organique libère rapidement de l'azote et stimule la vigueur. S'il est élevé, elle améliore d'abord le taux d'humus du sol. « Si on vise les deux objectifs, mieux vaut faire deux apports, un au printemps pour la vigueur et un à l'automne pour améliorer la teneur en matière organique du sol », conseille François Bérud, de la chambre d'agriculture du Vaucluse.

JEAN-YVES CAHUREL, DU CENTRE IFV DE VILLEFRANCHE-SUR-SAÔNE (RHÔNE) « Des apports modérés mais indispensables »

« La vigne a des besoins modérés en azote, de 30 à 60 kg/ha pour un rendement de 6 à 10 t/ha de raisins, et de 60 à 90 kg/ha pour 10 à 20 t/ha de raisins. Pour autant, elle ne peut pas s'en passer ! Lorsque ses besoins ne sont pas couverts, elle perd de la vigueur. Le rendement diminue, les fermentations peinent, les arômes thiolés se développent moins. Les excès sont tout aussi nuisibles. Il y a un juste équilibre à trouver dans chaque parcelle. Lorsque la vigueur chute, mieux vaut reprendre la fertilisation avec un engrais minéral. L'azote est libéré rapidement, ce qui facilite le dosage et le positionnement au plus près des pics de besoin, à la floraison et à la véraison. Si l'enherbement est trop concurrentiel, il vaut mieux réduire sa surface ou sa durée plutôt que d'apporter plus d'engrais pour compenser. Une fois l'équilibre rétabli, on peut revenir à des apports organiques d'entretien. La libération de l'azote, moins rapide, varie en fonction du type de matière organique et du sol. Le pilotage est plus complexe. L'IFV coordonne un programme Casdar destiné à mettre au point un outil d'aide à la décision (OAD), qui prendra en compte la minéralisation. Nous devrions être prêts à le tester au printemps 2017. »

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