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VIGNE

Cymoxanil Son efficacité mise en doute

CHRISTELLE STEF - La vigne - n°286 - mai 2016 - page 38

L'AFPP vient de classer le cymoxanil dans les produits faisant l'objet d'une résistance généralisée. Les distributeurs le recommandent uniquement en préventif.
LES DISTRIBUTEURS recommandent le cymoxanil quand le risque de développement de mildiou sur les grappes est faible. © GUTNER

LES DISTRIBUTEURS recommandent le cymoxanil quand le risque de développement de mildiou sur les grappes est faible. © GUTNER

Le cymoxanil a-t-il encore un intérêt ? Depuis plusieurs années, la note nationale de lutte contre les maladies de la vigne indique qu'une « dérive de la sensibilité du mildiou au cymoxanil existe dans les vignobles français ». Cette note souligne que son efficacité dans les antimildious à base de cymoxanil + contact doit être démontrée.

Début 2016, un pas supplémentaire a été franchi. Le groupe chargé des maladies de la vigne de l'Association française de protection des plantes (AFPP) a classé le cymoxanil parmi les substances faisant l'objet d'une résistance généralisée. « De ce point de vue, il est dans le même groupe que les CAA, par exemple », rapporte Jacques Grosman, expert national en viticulture au ministère de l'Agriculture (DGAL). Dans le même groupe certes, mais ne subissant pas les mêmes restrictions. En effet, la note nationale 2016 de gestion de la résistance des maladies de la vigne recommande un seul traitement à base de CAA (diméthomorphe, iprovalicarbe, benthiavalicarbe, mandipropamid et valifénalate) dans un cadre strictement préventif. Mais elle ne fixe pas de limite au nombre d'applications de cymoxanil + contact. Allez savoir pourquoi !

« Le suivi de la sensibilité des populations de mildiou au cymoxanil, que DuPont réalise chaque année dans les principales régions viticoles de France, nous a permis de déceler des souches résistantes à cette molécule en proportion plus ou moins importante selon les parcelles. Nous supposons que ces dérives de sensibilité sont liées à des surutilisations de la matière active. Même si celles-ci s'observent sur l'ensemble du territoire, cette situation n'est pas généralisée. Afin de limiter ou retarder les risques de résistance, les viticulteurs doivent alterner le cymoxanil avec d'autres fongicides ayant un mode d'action différent », affirme Patrick Bergougnoux, chef de marché vigne chez DuPont, la société à l'origine du cymoxanil.

De son côté, Phyteurop, qui commercialise plusieurs cymoxanil + contact, nie toute dérive de sensibilité du mildiou au cymoxanil. « Nous n'avons rien vu de tel dans nos monitorings », assure Laurent Naudet, chef de produit fongicides des cultures industrielles.

« Dans les conditions pratiquées sur le terrain, nous n'avons pas observé de dérive d'efficacité avec les préparations à base de curzate », confirme Marie-Laure Panon, du comité Champagne.

Le cymoxanil est doté d'un mode d'action principalement curatif. Il stoppe une contamination de mildiou dans un délai correspondant à 20-25 % du cycle d'incubation du champignon. Si le cycle est de 10 jours, la curativité sera donc de 48 h. En théorie, on peut intervenir avec succès jusqu'à 48 h après une contamination. Si le cycle est de cinq jours, la curativité ne sera que de 24 h. Cette propriété tient-elle toujours ? Selon les firmes, oui, mais distributeurs et prescripteurs se montrent prudents. « Dans le cadre d'une dérive de sensibilité du mildiou au cymoxanil, on peut se poser la question de son intérêt en curatif. Mais nous ne disposons d'aucune information précise. Dans le doute, mieux vaut utiliser les produits à base de cymoxanil + molécule de contact en préventif avant les épisodes contaminants. Certes, on perd un peu de l'intérêt du produit, mais on évite les échecs », indique Hervé Steva, de la société CJH.

« À titre personnel, je ne crois plus du tout en la curativité du cymoxanil. Nous avons mené des tests en ce sens en 2011. À l'époque déjà, les résultats étaient assez éloquents », explique le responsable technique d'un distributeur, qui souhaite rester anonyme. Il y a cinq ans, il a contaminé artificiellement deux parcelles de merlot puis les a traitées 12, 24, 48 et 96 heures plus tard, avec différents produits : un cymoxanil + métirame et différents CAA.

« Avec le cymoxanil appliqué 12 heures après la contamination, nous n'avons obtenu que 12 % d'efficacité. Dès qu'on dépassait 12 heures, l'efficacité était nulle. À l'inverse, avec Forum Top et Pergado, on a observé 50 % de sporulation en moins lorsqu'ils ont été appliqués 12 heures après la contamination. »

Pour autant, ce distributeur propose toujours le cymoxanil dans sa gamme. « C'est une matière active peu onéreuse qui a toujours les faveurs du public », explique-t-il. Mais il recommande à son équipe de ne pas communiquer sur sa curativité, de limiter les applications à une ou deux maximum par saison, uniquement en préventif et quand le risque de développement du mildiou sur les grappes est faible.

Le cymoxanil a encore toute sa place dans les programmes pour Romain Dandois, de la CAPL (Coopérative agricole du Pays de Loire) : « Dans notre région, nous n'avons pas vraiment constaté de dérive d'efficacité, parce que le cymoxanil n'est jamais formulé seul et qu'on ne le recommande pas en curatif. Pour rattraper des contaminations de mildiou, nous préconisons plutôt un CAA qui est plus efficace », précise-t-il.

Xavier Besson, chez LVVD (Loire Vini Viti Distribution), ne dit pas autre chose. « On pousse les viticulteurs à intervenir en préventif. Nous ne communiquons sur la curativité que si le viticulteur s'est fait surprendre par une contamination. Mais, dans ce cas, ce n'est pas forcément le cymoxanil le plus efficace. Il y a deux ans, un viticulteur s'est retrouvé dans cette situation. Il a traité le lendemain d'une contamination avec du cymoxanil. On a vraiment vu le cheminement du tracteur. Dans cette parcelle, les premiers ceps traités ne présentaient pas de symptômes. Mais plus on entrait dans la vigne, plus on avançait dans le temps et plus il y avait de taches. »

Charles Crosnier, de PCEB, est du même avis. « Des dérives de sensibilité, on en a connu des plus graves avec les anilides, les CAA... Le cymoxanil n'est pas une matière active à oublier. C'est une munition de plus dans la cartouchière pour lutter contre le mildiou et alterner les modes d'action. »

Un classement pénalisant

Mauvaise pioche pour le cymoxanil. Il a récemment été classé H361 fd (susceptible de nuire à la fertilité, susceptible de nuire au foetus). Or, « les viticulteurs nous demandent de plus en plus des produits non classés, qui ne sont pas CMR, avec un délai de rentrée court. Ils ont pris un virage. Ils ne cherchent plus forcément le produit le plus efficace, mais celui dont l'efficacité est convenable avec un bon profil écotoxicologique », constate Xavier Besson, de LVVD, coopérative de distribution dans le Val de Loire. Sans compter que ce nouveau classement complique la gestion des mélanges. « On s'interroge sur l'avenir de la molécule. Dans notre région où la pression du mildiou n'est pas très forte et où les viticulteurs appliquent au maximum cinq à six antimildious dans l'année, on peut s'en passer », indique Eddy Dieffenbacher, d'Alsace Appro.

Une matière active en recul

« Le marché du cymoxanil est très volatil et plutôt orienté à la baisse », souligne Laurent Naudet, chef de produit fongicides de cultures industrielles chez Phyteurop. Selon DuPont, il est passé de 800 000 ha développés en 2013 à 550 000 ha en 2015. « C'est lié à une baisse générale des pénétrants au profit des systémiques », explique Patrick Bergougnoux, chef de marché vigne. Le cymoxanil est également entraîné par le recul du marché des antimildious pour la vigne, qui est passé de 6 millions d'hectares traités en 2013 à 5,2 millions en 2015 du fait d'une baisse de la pression de la maladie.

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