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VENDRE - Paroles de pros

CHRISTINE MORLET, CONFÉRENCIÈRE « Ne cédez rien sans contrepartie »

PROPOS RECUEILLIS PAR AUDE LUTUN - La vigne - n°286 - mai 2016 - page 59

Cette spécialiste de la négociation incite les vendeurs à ne pas baisser leurs prix sans contrepartie.
CHRISTINE MORLET, CONFÉRENCIÈRE

CHRISTINE MORLET, CONFÉRENCIÈRE

Durant une négociation commerciale, il ne faut pas s'enfermer dans les discussions sur les prix et les volumes. Le vendeur doit exiger des contreparties en échange des rabais voulus par l'acheteur. Pour Christine Morlet, c'est ainsi qu'on débloque des situations pour parvenir à un échange gagnant-gagnant. Mais il faut savoir jusqu'où on peut céder.

Négocier est un art difficile. Quelles sont vos préconisations ?

C. M. : Il faut respecter trois étapes durant la négociation. La première est celle « de l'ego », dans le bon sens du terme. Durant cette phase, il faut réfléchir précisément à ce que l'on veut obtenir. Il faut aussi se renseigner sur son acheteur, pour mieux le connaître. La deuxième est celle du « no-ego ». C'est celle de la discussion. Il faut chercher à savoir ce que souhaite son interlocuteur pour obtenir ce que l'on veut de lui, et non l'inverse. Enfin, la troisième est celle de la négociation proprement dite où l'on est dans une phase de propositions et contre-propositions. Car, dans les affaires, il ne faut jamais accorder de concession sans contrepartie !

Ce n'est pas toujours simple à appliquer...

C. M. : Si je décide de vendre un produit à 100 € et que je me fixe comme limite de ne pas descendre en dessous de 80 €, je dois penser à ce que je vais demander à mon acheteur en contrepartie d'un rabais dans la frange 80-100 €. C'est là qu'il faut se montrer créatif. Si votre acheteur est introduit dans le milieu de la presse gastronomique, demandez-lui d'être mis en contact avec un journaliste. S'il tient un blog, qu'il rédige un article sur votre vin. S'il dispose de places dans une loge d'un stade de rugby, qu'il vous permette d'y accéder après un match pour rencontrer des acheteurs ou prescripteurs potentiels. Et à un particulier, demandez-lui de recommander votre domaine à trois amis. C'est la différence entre le marchandage, où le prix est la seule variable de discussion, et la négociation, où l'on dispose de nombreuses variables d'échange.

Les vendeurs, n'osent-ils pas assez ?

C. M. : Oui, surtout ceux qui ont une formation technique et scientifique. C'est souvent une fausse croyance du vendeur de penser qu'il n'a pas ou peu de pouvoir. Si un acheteur vient chez vous ou vous contacte, c'est qu'il a un intérêt pour vous et pour vos produits. Il en est de même s'il accepte de vous recevoir. Il y a un vrai problème de capacité à négocier en France au contraire des Anglo-Saxons qui n'ont aucune difficulté à demander et à parler d'argent. Notre culture judéo-chrétienne nous freine dans nos relations commerciales. Le vendeur doit arrêter de se faire des films catastrophe et travailler sur sa confiance. L'échec des négociations repose toujours sur trois causes : le vendeur ne sait pas ce qu'il veut, il a peur du « non » et il se voit perdant.

Dans vos cours, vous parlez de phrases magiques qui aident à obtenir des contreparties...

C. M. : Il y a une phrase qui a un vrai impact dans une négociation, c'est « à supposer que je vous accorde ce rabais, que feriez-vous pour moi ? ». Si vous ne voulez pas accorder de rabais, une autre phrase a une belle efficacité : « En dehors d'une remise, est-ce qu'il y a quelque chose que je pourrais faire pour vous ? » On est souvent agréablement surpris des réponses ! Une autre phrase ouvre le champ des possibles : « Sous quelles conditions seriez-vous prêt à faire ce que je vous demande ? » Peu de personnes osent poser une question aussi franche car elles ont peur du refus. Mais, dans ce cas de figure, on explique clairement ce que l'on veut et que l'on est ouvert à des contreparties.

Vous insistez beaucoup sur la préparation. Est-elle souvent négligée ?

C. M. : Oui, et pourtant, il est important de savoir où l'on veut aller et à qui on a à faire. Pour obtenir une contrepartie, il faut connaître son interlocuteur. Quelles études a-t-il fait ? Quels sont ses centres d'intérêt ? A-t-il des enfants ?, etc. La qualité du lien avec l'acheteur est essentielle. Il faut aussi être sympathique et poli. Les « papouilles » de début d'entretien, où l'on prend des nouvelles et où l'on s'intéresse sincèrement à l'autre, sont essentielles dans la qualité de la relation et donc de la négociation.

SES 3 CONSEILS

Respecter trois règles de la négociation : savoir ce que l'on veut, connaître son acheteur, ne rien accorder sans contrepartie.

Ne pas se focaliser uniquement sur le prix. Il existe d'autres objets d'échanges, comme un contact, un accès à une nouvelle clientèle, une visibilité sur un site internet...

Préparer sa rencontre. Il est important de savoir à qui l'on a affaire, la qualité du lien avec l'acheteur étant essentielle.

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