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DOSSIER - Réchauffement climatique : tous chamboulés !

La chasse aux hauts degrés

La vigne - n°287 - juin 2016 - page 25

Dans le Sud de la France, les vignerons sont sur le pont. Confrontés au réchauffement climatique, ils font tout pour en atténuer les effets.
MESURE DE LA TENEUR EN SUCRE d'un chenin blanc. Avec le réchauffement climatique, le contrôle de la maturité doit être plus fréquent pour éviter l'envolée des degrés d'alcool potentiel des raisins. © C. WATIER

MESURE DE LA TENEUR EN SUCRE d'un chenin blanc. Avec le réchauffement climatique, le contrôle de la maturité doit être plus fréquent pour éviter l'envolée des degrés d'alcool potentiel des raisins. © C. WATIER

Jean-Pierre Venture a décidé de faire la chasse aux degrés. À Aniane, dans l'Hérault, où se trouve son exploitation de 15 ha, les grenaches montent facilement à 14-14,5 degrés d'alcool potentiel. « En quinze ans, ils ont pris 1 à 1,5 degré supplémentaire », estime-t-il. Depuis dix ans, il expérimente toute une batterie de mesures pour contenir l'ardeur de ce cépage à produire du sucre. Pragmatique, il les teste sur différentes parcelles.

En 2007, il a planté 35 ares avec du grenache 135, un clone moyennement producteur de sucre, greffé sur 41 B, un porte-greffe à cycle long. À une date de récolte comparable, les raisins produisent 1° de moins que le clone 136 greffé sur 110 R.

Par ailleurs, il a relevé la hauteur de formation des souches de 40 cm à 60 cm du sol. « La sève met ainsi plus longtemps pour arriver jusqu'aux grappes et la maturité est plus tardive », explique-t-il. Il réalise également un écimage sévère sur un demi-hectare de grenache. « Nous réduisons la surface foliaire d'un tiers environ, relate-t-il. Nous récoltons alors des grappes à 13,5° qui donnent des vins plus souples et plus friands. »

À la période des vendanges, il surveille de près les grappes pour éviter la surmaturité. Grâce à ces mesures et à l'assemblage avec d'autres cépages, ses vins ne dépassent pas 14-14,5° degrés d'alcool acquis.

À Châteauneuf-du-Pape, le grenache, cépage emblématique de l'appellation, se montre tout aussi généreux. « Il peut atteindre jusqu'à 16, voire 16,5° d'alcool potentiel, indique Jean Abeille, du Château Mont-Redon (100 ha). Or, nous visons 14,5° d'alcool acquis dans nos vins. C'est à ce niveau que se situe l'équilibre entre le gras et la longueur en bouche. »

Le domaine a généralisé la dégustation des baies à l'ensemble de son vignoble depuis cinq ans, en complément des analyses classiques. « Cela nous évite de cueillir les grappes en surmaturité », remarque le vigneron. Il s'est aussi équipé d'un système de refroidissement de la vendange à 14-15 °C, avant l'encuvage, pour maîtriser le bon déroulement des fermentations et éviter les phénomènes d'oxydation. Il modifie progressivement son encépagement pour intégrer davantage de syrah et de mourvèdre, au détriment du grenache.

En Provence, terre de rosés, les vignerons se sont aussi mis à la page. « Pour nous, l'acidité, c'est le nerf de la guerre !, argumente Jérôme Oberti, le directeur des vignobles des châteaux varois Sainte-Roseline et des Demoiselles. Nous visons une acidité comprise entre 3 et 3,40 g/l de H2SO4. Ceci nous a conduits à revoir le calendrier de récolte. Sur certains millésimes, le cinsault, cépage tardif, peut voir dégringoler son acidité en une semaine. Aussi, le récoltons-nous le plus tôt possible, et même quasiment en même temps que le grenache sur les parcelles les plus ensoleillés. »

Pour compléter les résultats des analyses de maturité, il prélève une centaine de baies par parcelle dont il déguste les jus après les avoir pressées. « Nous détectons ainsi les goûts verts, ce que ne font pas les analyses », précise-t-il. À partir des vendanges, il met tout en oeuvre pour conserver les raisins au frais. La récolte a lieu de nuit afin que les moûts ne dépassent pas 12,5 °C. « Toutes nos cuves sont thermorégulées », ajoute encore Jérôme Oberti.

De son côté, le domaine de la Madrague, à la Croix-Valmer, dans le Var, s'est équipé d'un échangeur tubulaire avant le pressoir. Il baisse la température du raisin de 4 °C. La vendange arrive ainsi au pressoir à 8 °C. Au vignoble, Yann Cherici, le directeur, fait évoluer les pratiques : « L'hiver 2016 a été plus doux qu'à l'accoutumée. Nous avons donc retardé la taille d'un mois, pour commencer en janvier au lieu de décembre, et retarder au maximum le cycle végétatif de la vigne. »

Au Château Sainte-Roseline, les changements ont porté sur l'effeuillage. « Il y a encore cinq ans, on effeuillait la zone fructifère sur le vermentino, décrit Jérôme Oberti. On s'est aperçu que cela mettait la plante en situation de stress hydrique. Depuis, on effeuille beaucoup moins. »

Nicolas de Lorgeril, propriétaire de plusieurs domaines en Languedoc-Roussillon « Toutes nos exploitations se situent en altitude »

Nicolas de Lorgeril est à la tête de plusieurs domaines en Languedoc-Roussillon. « Toutes nos propriétés se trouvent en altitude. Ainsi, les vignes du Château de Pennautier, notre domaine historique dans l'appellation Cabardès, se situe à plus de 400 mètres d'altitude, le Mas des Montagne, en AOC Côtes du Roussillon, à plus de 450 mètres, le Château de Ciffre, à Faugères, à 300 mètres... Sur ces hauteurs, les raisins mûrissent plus lentement. À Pennautier, par exemple, nous vendangeons trois semaines après le reste du Languedoc. Nous avons fait le choix de ces zones pour conserver de la fraîcheur dans nos vins. »

Cet article fait partie du dossier Réchauffement climatique : tous chamboulés !

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