Limiter le stress hydrique par des travaux en vert ? A priori l'idée paraît bonne. Effectivement, si on réduit la surface foliaire, on réduit, en théorie, l'évapotranspiration et donc les pertes en eau de la vigne. Mais, en pratique, les essais s'avèrent décevants.
Deux hauteurs de rognage
De 2011 à 2013, la chambre d'agriculture du Var a ainsi testé trois modalités sur une parcelle de grenache noir plantée à 2,5 m sur 1 m, sujette à un stress hydrique sévère. Dans la première, elle a réduit la surface foliaire à la nouaison en effeuillant drastiquement la face nord. Dans la deuxième, elle a réalisé un rognage très sévère à la nouaison. « On est passé d'environ 1,20 m de hauteur de feuillage à 60 cm », précise Clémence Boutfol, en charge des expérimentations à la chambre. Dans la troisième, elle a renouvelé ce rognage à la véraison. Durant les trois années, la contrainte hydrique a démarré dès la floraison, puis s'est amplifiée pour devenir très forte au moment de la récolte.
Les résultats ? « Nos opérations n'ont pas réduit le stress hydrique. Les écarts étaient minimes et non significatifs par rapport aux témoins. Au niveau de la maturité, l'effeuillage n'a pas eu d'impact, au contraire du rognage. Nous avons récolté les plus hauts degrés dans les témoins et les vignes effeuillées. Au même moment, il y avait entre 0,5 et 1 degré de moins dans les modalités rognées où, de plus, le rendement au pressurage était plus faible. À noter que les rendements étaient globalement moindres dans la parcelle, celle-ci ayant énormément souffert de la sécheresse », rapporte Clémence Boutfol.
Jean-Christophe Payan, de l'IFV, le confirme : « Le rognage et l'écimage n'ont qu'un effet très modéré sur la contrainte hydrique. Ils ne remplacent pas l'irrigation. » Vivian Zufferey, chercheur à l'Agroscope en Suisse, ne dit pas autre chose : « Nous ne préconisons pas de cisailler les vignes en cas de sécheresse. De toute façon, la vigne s'arrête elle-même de pousser. Il ne faut pas la stresser davantage en réduisant le futur potentiel photosynthétique. »
Mieux vaut soigner le palissage et l'ébourgeonnage
On ne peut pas espérer davantage d'un éclaircissage. « En limitant le nombre de raisins, on peut réduire la contrainte hydrique. Mais pour que l'effet soit notable, il faut faire tomber beaucoup de grappes. Là encore, cela ne compense pas l'absence d'irrigation », indique Jean-Christophe Payan.
De son côté, Éric Lebon, ingénieur à l'Inra de Montpellier, insiste sur la nécessité de soigner le palissage et l'ébourgeonnage.
« Les feuilles les plus efficientes pour la photosynthèse sont celles qui sont le plus exposées. Ce sont celles qui utilisent le mieux l'eau disponible pour la croissance des rameaux ou pour la maturation du raisin. Les feuilles à l'ombre ne contribuent en moyenne qu'à 5 % de la photosynthèse alors qu'elles participent à hauteur de 20 % à la transpiration de la souche », explique-t-il. En clair, ces dernières consomment beaucoup d'eau pour produire peu de sucres et autres produits issus de la photosynthèse.
En situation de stress hydrique, « il faut éviter les entassements de végétation, et donc bien répartir, d'une part, la végétation sur l'ensemble du plan de palissage et, d'autre part, la charge en bourgeons dans l'espace. »
L'effeuillage à trous pour retarder la maturité des raisins
L'effeuillage à trous consiste à supprimer la moitié des feuilles au-dessus de la zone des grappes au moment de la véraison. Ce procédé peut être utile en cas de sécheresse mais il permet surtout de lutter contre l'excès de maturité. « Cette technique est conçue pour réduire la teneur en sucres du raisin en abaissant le potentiel photosynthétique des ceps sans pénaliser le microclimat des baies car il détermine leurs caractéristiques polyphénoliques, aromatiques et sanitaires », explique Alain Carbonneau, professeur retraité de viticulture à SupAgro de Montpellier. Les premiers tests semblent encourageants. « Reste à expérimenter la mécanisation de cette opération car il est impensable de la pratiquer à la main. »
Une ombre bienvenue
Comme l'homme, la vigne apprécie un peu d'ombre lorsqu'il fait trop chaud et sec. Les chambres d'agriculture de l'Hérault et du Vaucluse l'ont constaté. En 2009 et 2010, elles ont fait des essais d'ombrage pour lutter contre la chaleur et la sécheresse. La chambre du Vaucluse a installé des filets enveloppants sur une vigne de grenache conduite en lyre. Celle de l'Hérault a posé une ombrière à 3 m au-dessus d'une parcelle de syrah conduite en agroforesterie. Conclusions ? « Les ceps situés à l'ombre ont consommé moins d'eau et renfermaient plus de chlorophylle. Preuve qu'ils ont subi une contrainte hydrique moindre. Au moment de la maturité, nous n'avons noté qu'une seule différence : les raisins des ceps à l'ombre étaient moins colorés. Logique, car c'est la lumière qui favorise l'accumulation des anthocyanes », explique William Trambouze, responsable des essais viticoles à la chambre de l'Hérault. L'an passé, Jean-Christophe Payan, de l'IFV, a testé un filet enveloppant dans une parcelle de grenache de la vallée du Rhône en situation de forte contrainte hydrique. Comme ses confrères, il a noté « un effet positif sur la contrainte hydrique mais négatif sur la coloration des raisins ». Des résultats surprenants car, selon d'autres observations, les feuilles à l'ombre dépensent davantage d'eau que celles à la lumière pour réaliser le même niveau de photosynthèse.
Une méthode radicale en Alsace
Les jeunes vignes souffrent beaucoup du stress hydrique. En cas de sécheresse sévère, Frédéric Schwaerzler, de la CA d'Alsace, recommande de couper le bas arcure des vignes de moins de 7 ans pour laisser se dessécher les trois ou quatre rameaux à l'extrémité de la baguette. « On réduit à la fois la surface foliaire et le nombre de grappes. Cela préserve la pérennité du cep et permet aux autres grappes de se développer correctement sans flétrissement. » Pour que cela soit efficace, il faut souvent intervenir à la fermeture de la grappe. Une décision difficile car comment être sûr qu'il ne pleuvra pas quelques jours plus tard ? On se sera alors privé inutilement d'une partie de la récolte.