Sur le modèle du Lallemand Tour, Sofralab a lancé le Diwine Tour, une série de matinées techniques consacrées à l'impact du cuivre dans les moûts. L'occasion de faire le point sur ce sujet méconnu.
Quelle quantité de cuivre les moûts contiennent-ils ?
En 2015, Sofralab a épluché 401 analyses de moûts de toutes les couleurs et de toutes les régions françaises. Dans 77 % d'entre eux, les laborantins ont trouvé plus de 0,5 mg/l de cuivre. 59 % en contenaient entre 0,5 et 2 mg/l, 9 % entre 2 et 4 mg/l. Et 9 % des moûts en présentaient même davantage. La palme revient à un jus de taille de Champagne qui en renfermait 44 mg/l ! Or, pour se développer, les levures et bactéries n'ont besoin que de 0,1 mg/l environ de cuivre. « À partir de 0,5 mg/l, le cuivre peut engendrer des problèmes fermentaires », prévient Christophe Morge, directeur de la recherche chez Sofralab.
D'où vient le cuivre ?
En partie du sol. La vigne y pompe entre 60 et 120 grammes par hectare et par an. Mais l'absorption racinaire n'apporte au maximum que 2 mg/l dans les moûts. Le cuivre provient surtout des traitements phytosanitaires. D'après le Bnic, un apport de 1 kg/ha de cuivre métal se traduit en moyenne par 1 mg/l de cuivre dans les moûts. Il y a vingt ans, Efimia Hatzidimitriou, chercheuse à la faculté d'oenologie de Bordeaux, a montré que quatre traitements cupriques à 3 kg/ha apportent 14,5 mg/l de cuivre dans les moûts.
Le matériel de cave peut également causer des contaminations. Les corps de pompes et les vannes en bronze ou en laiton sont ainsi à bannir.
Vins bio et conventionnels sont-ils égaux ?
Sofralab n'a pas constaté de différences entre les moûts bio et conventionnels. « Il y a moins de traitements au cuivre en conventionnel, mais les produits utilisés contenant des agents de collage, ils sont moins lessivables par la pluie », avance Christophe Morge.
Pourquoi les vins sont-ils peu contaminés ?
Entre 10 et 20 % du cuivre disparaît lors du débourbage. Le collage en élimine également. Surtout, selon Hervé Alexandre, responsable du DNO à l'université de Dijon, « 69 à 98 % du cuivre disparaît pendant la fermentation alcoolique ». Il est réduit sous formes de sulfures par les levures et éliminé avec les lies. Sauf exception, un vin fini contient moins de 0,2 mg/l de cuivre, bien loin du niveau de 1 mg/l maximum fixé par la réglementation. « Mais tout cela n'est pas immédiat », prévient Hervé Alexandre. Avant son élimination, le cuivre a le temps de causer des dégâts.
Quel est son impact sur les fermentations ?
Des teneurs de 1 à 2 mg/l ont suffi à retarder les fermentations de 24 heures à 5 jours, en fonction des souches de levures. C'est le résultat des essais conduits par Sofralab sur des moûts de viognier et de sauvignon. La firme a également testé la résistance de toutes ses levures. Pour certaines, la présence de 12 mg/l de cuivre a été létale. À l'université de Pékin, le chercheur Xiangyu Sun confirme l'allongement de la durée de fermentation, mais pour des teneurs en cuivre supérieures à 9 mg/l. Il semblerait que le cuivre freine aussi le développement des bactéries lactiques, retardant ainsi les malos.
Y a-t-il d'autres risques ?
Plusieurs. Hervé Alexandre explique que les goûts métalliques apparaissent à partir de 5 mg/l. « Mais, à plus faible dose, ce métal lourd modifie le caractère aromatique des vins et favorise l'oxydation prématurée. » Il a en effet une forte affinité pour les composés soufrés. Il n'épargne pas les thiols libérés par la levure au cours de la fermentation. Quelques milligrammes suffisent à les faire précipiter. Il y a vingt ans, Efimia Hatzidimitriou a montré qu'un seul traitement au cuivre des vignes pouvait nuire à l'expression aromatique du sauvignon.
« En outre, le cuivre et le fer, même à de faibles teneurs, contribuent à l'oxydation des acides phénols en quinones, responsables du brunissement des moûts et d'une perte supplémentaire de thiols », détaille le professeur.
Christophe Morge noircit encore le tableau. « D'autres arômes, comme les terpènes, peuvent précipiter en même temps que les quinones lors des casses brunes. » Le cuivre favorise également la formation d'éthanal dans les vins. Sur vin rouge, il participe à la décoloration des anthocyanes et à l'apparition de pigments jaunes.
Comment limiter les dégâts ?
D'après le Bnic, il faut arrêter les traitements cupriques à partir de juillet. Si, à ce stade, on doit traiter, il faut protéger uniquement le feuillage, épargner les grappes et ne pas dépasser les 1 000 g/ha de cuivre métal.
À la cave, le vigneron doit préférer l'Inox à tout matériel en cuivre, bronze ou laiton.
Le jus d'écoulement au chargement du pressoir est celui qui contient le plus de cuivre et de polyphénols oxydables. L'éliminer peut être judicieux. En revanche, les jus de presse, macérations et stabulations sur bourbes ne sont pas problématiques.
Existe-t-il des traitements curatifs ?
Il existe des produits oenologiques curatifs au cas où la teneur en cuivre des moûts reste élevée malgré toutes les précautions prises. La PVI/PVP, autorisée par l'Europe en 2015, est prometteuse pour s'assurer de bonnes fermentations et protéger les molécules aromatiques. Sofralab l'a associée à d'autres ingrédients, en fonction du but visé, dans sa gamme Diwine. Depuis fin 2010, on peut recourir au chitosane et à la chitine-glucane, qui adsorbent le cuivre et le fer. Des préparations sont ainsi proposées par l'ICV et l'IOC. Le mieux est de tester leur efficacité en laboratoire. Mais ne comptez pas sur le ferrocyanure de potassium ou le phytate de calcium, interdits sur les moûts et d'usage compliqué.