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À LA VIGNE - JUIN

Mildiou Une agressivité hors norme

CHRISTELLE STEF - La vigne - n°288 - juillet 2016 - page 6

Dans les vignobles septentrionaux, la pression du parasite est telle que certaines parcelles accusent déjà de sévères pertes de récolte.
Vrille atteinte de mildiou et déformée en crosse, dans le Val de Loire. © N. MÉCHINEAU/CA44

Vrille atteinte de mildiou et déformée en crosse, dans le Val de Loire. © N. MÉCHINEAU/CA44

Une année de m... Le mot de Cambronne est utilisé par certains professionnels pour qualifier 2016. Le gel, la grêle et désormais le mildiou, rien ne leur est épargné. Avec 270 mm de pluie tombés en mai et juin à Strasbourg, le parasite est d'une virulence sans précédent en Alsace. « Depuis le 9 mai, une bonne trentaine de cycles se sont succédé. Du jamais vu dans notre vignoble », note Marie-Noëlle Lauer, de la chambre d'agriculture d'Alsace, le 30 juin. Résultat : aucune parcelle n'est indemne de symptômes. « Cela va de 2 à 3 % de grappes touchées jusqu'à 100 % dans les cas extrêmes », révèle la technicienne.

Dans les vignobles du Centre, la situation est également critique. « Dans certaines parcelles, les symptômes sont très marqués et il y aura des pertes de récolte significatives », déplore François Dal, de la Sicavac, à Sancerre, le 1er juillet. Les viticulteurs n'ont pas ménagé leurs efforts, mais ils ont eu peu de créneaux pour intervenir. « Depuis un mois, ils traitent une fois par semaine dans des conditions parfois dangereuses dans les parcelles en pente car les sols sont détrempés. Mais la pression est telle que même à 8 jours, les produits décrochent, y compris les systémiques à base de fosétyl-Al. Les viticulteurs sont épuisés. »

Les traitements ont-ils été enclenchés trop tard ? Non selon François Dal. Mais le technicien reconnaît que ceux qui ont appliqué une pleine dose dès le premier traitement, voire qui l'ont renforcé avec du folpel, s'en sortent mieux que ceux qui ont suivi le conseil d'intervenir avec 60 à 70 % de la dose.

Virulence phénoménale aussi dans le reste du Val de Loire, en Champagne et en Bourgogne. « Les programmes uniquement avec des produits de contact décrochent », indique Benoît Bazerolle, de la chambre d'agriculture de Côte-d'Or, le 30 juin. Dans les situations les plus dégradées, le mildiou est présent sur feuilles, grappes, rameaux et vrilles : des symptômes plutôt rares. « Les rameaux, comme les grappes, se déforment en crosse et cassent », rapporte le conseiller.

Dans le Bordelais, la pression est également élevée. Et, des symptômes de rot gris commencent à apparaître conséquences des pluies de la mi-juin. Défauts de pulvérisation, relevage ou épamprage trop tardifs, enherbement mal maîtrisé : tout cela se paie avec des symptômes. À Cognac, la pression est là mais « on ne nous a pas signalé de gros cartons sur les grappes », rapporte une technicienne de la chambre d'agriculture de Charente-Maritime, le 30 juin. Dans le Midi, la situation semble plus calme et le parasite maîtrisé.

Hélico : une dérogation en Alsace

En raison de la pression exceptionnelle du mildiou, les Alsaciens ont obtenu une dérogation pour traiter en hélicoptère les vignes présentant de fortes pentes (supérieures ou égales à 90 %, 42°). L'arrêté l'officialisant est paru au JO le 24 juin. La dérogation est valable jusqu'au 15 juillet 2016. Et elle n'autorise les traitements qu'avec les antimildious Profiler et Bouillie Bordelaise RSR Disperss.

Jean-Marie Bechtold, vigneron à Kirchheim, dans le Bas-Rhin, 12 ha de vigne en bio « Je n'avais jamais vu une telle pression »

« La moitié de mes vignes a subi une sévère attaque de mildiou. J'ai même un hectare de muscat ottonel et de pinot entièrement ravagé par le champignon. Là, je ne vais pas récolter grand-chose. Ce qui est curieux, c'est que les zones les plus attaquées ne sont pas forcément les plus sensibles à la maladie habituellement. J'ai par exemple une parcelle de gewurztraminer et de riesling où il y a jusqu'à 200 taches par pied dans le haut et seulement 10 à 15 taches dix à quinze mètres plus bas. J'en suis à mon 38e millésime et je n'avais jamais connu une telle pression de mildiou, ni une telle pluviométrie. Depuis début mai, il y a eu très peu de jours sans pluie et quantité d'orages avec des cumuls de pluie élevés. Du coup, à certains endroits, l'eau stagne encore dans les rangs, même après une semaine de sec. Pour lutter contre le mildiou, on a fait ce que l'on a pu. On a démarré les traitements mi-mai avec 200 g de cuivre métal, la dose habituelle. Depuis, on en a réalisé six, en six semaines. Quelques jours après le premier traitement, on a vu les premières taches comme les autres viticulteurs. Puis avec les précipitations, les cycles se sont enchaînés. Les fenêtres pour intervenir étant limitées et les sols gorgés d'eau, nous avons essayé de concilier protection de la vigne et des sols. On est intervenu toutes les semaines en augmentant les doses à 400-500 g de cuivre. Actuellement, j'en suis à 2,4 kg de cuivre métal, contre moins de 1 kg habituellement. Pour avoir un effet choc plus important, j'ai privilégié les hydroxydes, alors que généralement j'utilise de la bouillie bordelaise. Mais je reste optimiste. Les choses peuvent encore s'arranger si la météo devient plus clémente. »

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