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VIGNE

Vendanges manuelles Le blanc leur va si bien

AUDE LUTUN - La vigne - n°288 - juillet 2016 - page 32

Pour éviter l'échauffement des raisins après la cueillette, mieux vaut les récolter dans des caisses blanches. Et si on ne peut pas rapidement les apporter au chai, il faut les entreposer à l'ombre.
LE CIVC préconise l'usage de caisses claires pour éviter que les raisins se réchauffent. © A. LUTUN

LE CIVC préconise l'usage de caisses claires pour éviter que les raisins se réchauffent. © A. LUTUN

Cela fait trois ans que le CIVC (Comité interprofessionnel des vins de Champagne) travaille sur la gestion des vendanges par temps chaud. L'interprofession champenoise a passé en revue tous les paramètres qui permettent de rentrer des raisins à une température inférieure à 18-20 °C. C'est le seuil au-delà duquel il devient impératif de refroidir les moûts durant la fermentation.

L'un des axes de réflexion a porté sur la couleur des caisses à vendange. Le CIVC a réalisé une expérience avec des caisses rouges, gris foncé, jaunes et blanches. Il les a placées en plein soleil, entre midi et 18 heures, après les avoir remplies avec 50 l d'eau. Au bout de six heures, les caisses blanches étaient les plus fraîches et les gris foncé les plus chaudes. Entre les deux, on relevait 1,6 °C d'écart. Les caisses blanches ont capté le moins de chaleur, suivies des caisses jaunes, des rouges et enfin des gris foncé. Un résultat assez logique si l'on se rappelle que les couleurs sombres captent tout le rayonnement solaire alors que les claires en réfléchissent l'essentiel.

Un problème de vieillissement

Pour limiter l'échauffement des raisins, mieux vaut donc les transporter dans des caisses claires. Or, en Champagne, les caisses gris foncé sont les plus utilisées. « Au début, cette couleur était la plus simple à produire en plasturgie, souligne François Berthoumieux, chef de projet au CIVC. C'est donc celle qui domine historiquement. Ensuite, quand l'industrie a commencé à colorer le plastique, on s'est naturellement tourné vers des couleurs foncées qui masquent les taches et vieillissent mieux que les couleurs claires. »

À l'inverse, les entreprises de l'agroalimentaire ont choisi la couleur blanche pour valider visuellement que le nettoyage des caisses a été bien effectué.

Depuis décembre 2015, l'interprofession diffuse les résultats de cette expérience auprès des producteurs. Elle leur suggère d'opter pour des caisses blanches au fur et à mesure du remplacement de leurs caisses usagées. Mais elle rencontre des réticences. « Je ne suis pas certain que les caisses blanches soient acceptées par les professionnels car les tanins de nos cépages noirs vont rapidement les colorer en noir et en rouge, commente Luc Truchon, directeur technique de la CSGV, une coopérative d'approvisionnement basée à Épernay. Je n'ai eu qu'une demande en ce sens pour le moment. »

« Toutes nos caisses sont gris clair, ce qui semble être un bon compromis, témoigne le président d'une coopérative de la Marne. Les clients professionnels passent souvent chez nos adhérents lors des vendanges. Cela peut être gênant d'avoir des caisses blanches tachées par les tanins. Pour les photos qu'ils posteront ensuite sur Facebook, ce n'est pas l'idéal ! Le gris clair permet d'avoir des caisses plus présentables et se rapproche des performances thermiques des caisses blanches. »

Michel Valade, responsable du pôle oenologie au CIVC, confirme que le gris clair est un bon choix, aux propriétés proches du blanc.

Le CIVC a mené une autre expérience qui a consisté à laisser des caisses en plein soleil en bout de vignes et d'autres à l'ombre. L'objectif était de mesurer la différence de température selon que la caisse était ou non exposée au soleil. « Nous avons mesuré la température de surface des caisses et non celles des raisins », précise François Berthoumieux. Le jour de l'essai, il faisait 25 °C et une légère brise soufflait. Malgré ces conditions apparemment clémentes, deux à trois heures après avoir été déposées dans les vignes, les caisses au soleil étaient montées à 40 °C alors que celles placées à l'ombre n'affichaient que 20 °C. « Nous observons une accumulation ponctuelle de chaleur pour le plastique exposé au soleil, indique François Berthoumieux. Ce phénomène est nuisible si on laisse les caisses en bout de route pendant trois à quatre heures, mais pas 30 min. »

Le CIVC conseille aux viticulteurs d'apporter rapidement leur récolte au pressoir, en privilégiant le recours aux camionnettes ou aux petites bennes plutôt qu'aux grosses remorques. « Le temps de rotation importe peu lors des années classiques, poursuit François Berthoumieux. Mais il a une vraie influence sur la température des raisins arrivant au pressoir pendant les années chaudes. » Il faut également veiller à ne pas laisser sous le soleil un camion bâché chargé de caisses de vendange.

Vendanger à la fraîche

De même pour une camionnette fermée. Le transport des caisses à l'air libre n'a pas d'impact sur leur réchauffement car la ventilation générée par le mouvement compense l'exposition au soleil. Enfin, le CIVC rappelle qu'en complément du choix de la couleur de la caisse et de l'augmentation des rotations, l'avancée des horaires de cueillette est l'une des mesures les plus efficaces pour rentrer des raisins frais.

« La couleur des caisses de vendange, c'est un petit point de bon sens, mais cela ne résout pas tout, résume Michel Valade. Depuis une dizaine d'années, les professionnels sont parfois confrontés à des températures élevées pendant les vendanges et aux problèmes microbiologiques qui en découlent lors de la vinification. Les efforts doivent porter sur l'amont, en rentrant des vendanges les plus fraîches possibles, plutôt que sur l'équipement pour refroidir les moûts. » Ceux-ci sont en effet coûteux et consommateurs d'énergie. Ils ne s'inscrivent pas dans la politique de réduction des émissions de carbone entreprise par la filière Champagne depuis quinze ans.

Guillaume Roffiaen, directeur de l'oenologie et de la qualité de l'Union de coopératives Nicolas Feuillatte, invite ses adhérents à ne négliger aucun point en amont. « En 2015, 10 % des moûts sont rentrés au-dessus de 20 °C, ce qu'il faut éviter absolument. C'est compliqué et coûteux de refroidir les moûts en cave », souligne-t-il. Lui aussi recommande de vendanger dès l'aube.

Renouveler le parc : un coût élevé

Sachant qu'il faut compter en moyenne 30 caisses par hectare et que le vignoble couvre 33 000 ha en Champagne, le parc de caisses est estimé à environ un million d'unités. Le coût d'une caisse étant compris entre 35 et 50 euros hors taxes, le montant total du renouvellement oscillerait entre 35 et 50 millions d'euros...

Le Point de vue de

JEAN-PIERRE VAZART, VITICULTEUR À CHOUILLY (MARNE)

« Je vais privilégier les caisses claires »

 © O. GARCIA

© O. GARCIA

«Les résultats des essais sont logiques, mais on n'y avait jamais vraiment pensé. Maintenant que nous avons cette information, nous allons en tenir compte. Sur mon exploitation, j'ai des caisses de toutes les couleurs. Certaines années, j'en achète des jaunes, d'autres années des grises, etc. Je privilégierai désormais les caisses de couleur claire lors du renouvellement de celles qui sont usagées. Le blanc est certes salissant, mais c'est un indicateur de propreté de la caisse après le lavage... »

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