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VIN

Vinifier des blancs en fût Tout un art

CHRISTELLE STEF - La vigne - n°288 - juillet 2016 - page 40

Bien conduite, la vinification des blancs en barrique permet d'obtenir des vins offrant plus de matière qu'en cuve. Voici les conseils d'experts bordelais et bourguignons pour parvenir au meilleur résultat.
VINIFIER des blancs en barrique permet d'obtenir de vins aromatiques plus fins. ©  P. ROY

VINIFIER des blancs en barrique permet d'obtenir de vins aromatiques plus fins. © P. ROY

1. Récoltez des raisins au top

« Lorsqu'on vinifie en fût, il faut des raisins de qualité. Les moûts ne doivent pas présenter d'amertume, ni de notes végétales ou d'oxydation », prévient Éric Pilatte, oenologue en Saône-et-Loire. « On recherche des maturités abouties et un bon état sanitaire », confirme Nicolas Piffre, de l'OEnocentre de Saint-Savin, en Gironde. Si le moût présente des défauts, il faut envisager un collage lors du débourbage.

2. Débourbez moins serré qu'en cuve

« Aujourd'hui, pour les vinifications en cuve, la tendance est aux débourbages très serrés suivis d'une bonne maîtrise de la fermentation pour favoriser les arômes fermentaires. En barrique, ce n'est pas ce que l'on cherche. Généralement, nos clients travaillent entre 150 et 200 NTU », observe Benoît Verdier, directeur des développements oenologiques de la tonnellerie Seguin-Moreau.

« On recherche de la finesse aromatique avec un certain gras. Il faut donc viser des turbidités ni trop faibles, ni trop élevées. Nous recommandons un débourbage autour de 150 NTU », ajoute Nicolas Piffre.

En Bourgogne, Jan Castaing, du laboratoire Moreau Œnologie, confirme qu'il ne faut pas trop dépouiller les moûts. « Un milieu trop maigre engendre des problèmes fermentaires. De plus, le bois risque de prendre le dessus », affirme-t-il. Son confrère Éric Grandjean, du Centre oenologique de Bourgogne, précise que « généralement les viticulteurs travaillent entre 100 et 200 NTU pour les chardonnays ».

Vincent Renouf, responsable R & D pour Chêne & Cie, explique qu'en fin de pompage, il vaut mieux pousser à l'azote les derniers jus clairs lorsqu'on vinifie des vins destinés à un élevage court et à l'air, quand l'élevage doit être long. Le vin poussé à l'azote gardera plus de fraîcheur aromatique. À l'inverse, « le vin poussé à l'air résistera mieux aux expositions à l'air plus tardives ».

3. Entonnez tôt pour un boisé fondu

Faut-il entonner avant ou après le démarrage de la fermentation ? Les pratiques divergent. Selon Éric Grandjean, traditionnellement, les Bourguignons entonnent avant. « Cela évite un transfert », indique l'oenologue.

Dans le Bordelais, les oenologues recommandent plutôt de démarrer la fermentation en cuve afin d'entonner un jus homogène. Ils conseillent d'effectuer l'entonnage au moment où il convient d'aérer le moût, lorsque la densité a chuté de 15 à 30 points. « Le vin est alors protégé par le CO2 », détaille ainsi Vincent Renouf.

Pour Jan Castaing, tout est affaire de style. « Si l'on souhaite un boisé fin et bien fondu, mieux vaut entonner avant le départ en fermentation. Dans ce cas, on peut levurer juste après le débourbage en veillant à ce que les levures soient bien en suspension dans le moût lors du remplissage des fûts. On peut aussi préparer un levain à part et le répartir dans les fûts après le remplissage. Pour un boisé plus marqué, il faut entonner lorsque la fermentation est aux deux tiers ou lorsqu'elle vient de s'achever. »

4. Ouillez très souvent après la FA

Lors de l'entonnage, il faut veiller à garder un espace sous la bonde, pour éviter les débordements ultérieurs. En Bourgogne, où les fûts traditionnels font 228 l, les vinificateurs les remplissent à hauteur de 200 l. « Au fur et à mesure du déroulement de la fermentation alcoolique, on réduit le creux, puis on remplit complètement le fût en fin de FA. Enfin, au début de l'élevage, on ouille tous les quinze jours », indique Éric Pilatte. « L'ennemi du vin, c'est l'oxygène. Après la FA, le fût ne doit jamais être en vidange », insiste Nicolas Piffre, qui conseille d'ouiller une fois par semaine, voire plus, en début d'élevage car « la barrique pompe du vin ».

5. Refroidissez les moûts si besoin

Même en l'absence de thermorégulation, les fermentations en fût, d'après Christophe Coupez, de l'Œnocentre de Pauillac (Gironde), se déroulent généralement sans heurts. Cependant, en cas de nécessité, on peut contrôler la température dans les barriques grâce à des serpentins. Mais la pratique est assez coûteuse. Autre solution : placer les fûts dans un chai thermorégulé.

En Bourgogne, les viticulteurs refroidissent les moûts. « Ils entonnent à une température de 14 à 15 °C pour que les fermentations ne se déroulent pas trop rapidement et en dessous de 22 à 23 °C », explique Éric Grandjean.

6. Sulfitez avec modération

« Je suis contre le non-sulfitage des moûts », indique, d'emblée, Éric Pilatte. L'oenologue bourguignon recommande donc un ajout de 3 à 5 g/hl de SO2 à la sortie du pressoir, afin d'éviter un enclenchement de la malo avant la fin de la FA. Puis il préconise de réajuster le niveau de SO2 après la fin de la malo, pour obtenir entre 20 et 30 mg/l de SO2 libre. « Contrôlez le SO2 une fois par mois et réajustez le niveau de manière raisonnée et raisonnable, si nécessaire. Durant l'élevage, il ne faut pas descendre en dessous de 20 mg/l de SO2 libre. Toutefois, l'objectif est de ne pas dépasser 100 mg/l de SO2 total au moment de la mise », explique Éric Pilatte.

Dans le Bordelais, Nicolas Piffre recommande un premier sulfitage entre 2 et 3 g/hl juste avant la macération pelliculaire, puis à nouveau 2 à 3 g/hl après le pressurage. Huit à dix jours après la fin de la fermentation alcoolique, il préconise à nouveau 3 g/hl, cette fois pour empêcher la malo - comme il est d'usage à Bordeaux - pour préserver les arômes du sauvignon. Huit jours après ce nouvel ajout, il recommande de vérifier la teneur en SO2 libre et de réajuster si besoin. Puis, tout au long de l'élevage, il conseille de faire un contrôle une fois par mois.

7. Bâtonnez selon la nervosité du vin

Le bâtonnage remet les lies en suspension. Il protège le vin de l'oxydation et apporte du gras tout en réduisant la sensation d'acidité. Mais, en Bourgogne, la tendance est de lever le pied sur cette pratique. « Avec le réchauffement climatique, les moûts sont moins acides et présentent naturellement plus de rondeur et de sucrosité. On a donc moins recours au bâtonnage », relate Jan Castaing.

À Bordeaux, où les vins sont plus nerveux parce qu'ils ne font généralement pas la malo, les pratiques n'ont pas changé. « Après la fermentation alcoolique, on recommande un bâtonnage une fois par jour pendant un mois, puis deux à trois fois par semaine jusqu'en décembre. Ensuite, le pilotage se fait à la dégustation », explique Nicolas Piffre.

Le bâtonnage peut se faire à la dodine ou par rotation des fûts sur des racks prévus à cet effet. « Le bâtonnage manuel est plus protecteur et plus efficace d'un point de vue organoleptique », considère Vincent Renouf.

En Bourgogne, les vins restent en fût généralement pendant un an. Dans le Bordelais la durée tourne plutôt autour de six à neuf mois. « Le pilotage de la durée se fait grâce à la dégustation », explique Nicolas Piffre

8. Testez la stabilité tartrique et protéique

« Non, l'élevage sur lies ne suffit pas à stabiliser les vins », prévient Éric Pilatte. En fin d'élevage, il recommande de vérifier la stabilité protéique et tartrique des vins et d'agir en conséquence. Nicolas Piffre partage cet avis.

Une bonde pour la fermentation et l'élevage

Depuis deux ans, la tonnellerie Seguin-Moreau distribue une bonde bimatière spécialement conçue pour les fermentations en barrique, baptisée la Lux Bung. Son corps est en verre, sa base, amovible, est en silicone. Cette dernière se retire durant les fermentations. Dès lors, on a affaire à une bonde en verre classique qui ferme les barriques de manière non hermétique, ce qui permet le dégazage. « La Lux Bung évite de laisser le fût ouvert ou que la bonde posée à côté du trou tombe par terre », explique Benoît Verdier, le directeur des développements oenologiques. Lors de l'élevage, il suffit de remettre en place la partie en silicone pour fermer les fûts de manière hermétique. Le prix est de 15 € départ Cognac. Seguin-Moreau précise qu'il est possible de la personnaliser avec le logo du domaine.

Le Point de vue de

BRUNO LORENZON, VITICULTEUR À MERCUREY (SAÔNE-ET-LOIRE), 8 HA DE VIGNES

« La qualité des raisins doit être irréprochable »

« Je travaille en bio et vinifie 100 % de mes blancs en barrique. Je sélectionne les bois et la chauffe en fonction du profil de vin que je souhaite, à savoir un chardonnay frais, pur et fruité. À cette fin, la qualité des raisins doit être irréprochable. Nous les ramassons donc à la main. Et pour éviter la trituration et l'oxydation, nous les mettons en cagette de 6 kg que nous transportons à la cuverie dans des camions réfrigérés. Nous ne mettons aucun intrant. Après le pressurage, nous pratiquons un débourbage statique à froid, puis nous entonnons rapidement les moûts. La fermentation alcoolique se déclenche de manière spontanée. Nous recherchons une fermentation longue qui dure généralement trois mois. La malo s'enclenche à la suite. Les vins restent en fût pendant dix à quatorze mois. Nous raisonnons les bâtonnages en fonction du millésime. Les vins sont ensuite "affinés" en cuve pendant trois à six mois. Cela permet de gommer les aspérités de l'élevage et d'éviter l'oxydation prématurée. »

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