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VIN

Macrowine Les maîtres des moûts

MARION BAZIREAU - La vigne - n°288 - juillet 2016 - page 42

Du 27 au 30 juin, à Nyon (Suisse), l'école de Changins a déroulé le tapis rouge à 200 chercheurs en oenologie venus du monde entier pour partager leurs travaux. Beaucoup visent à améliorer le déroulé des fermentations.
LES CHERCHEURSEN OENOLOGIE ont tenu leur sommet biennal à l'école de Changins.  © S. KHARRAJI

LES CHERCHEURSEN OENOLOGIE ont tenu leur sommet biennal à l'école de Changins. © S. KHARRAJI

Ajuster la turbidité, offrir les meilleures conditions aux bactéries lactiques, se passer de la bentonite ou bien désinfecter ses barriques au mieux... Beaucoup d'enseignements peuvent être tirés de l'édition 2016 de Macrowine pour la conduite des vinifications.

Vinification en blanc

Ne clarifiez pas trop

Pourquoi la fermentation de certains moûts blancs, pourtant riches en azote, peine-t-elle à s'achever ? Peut-être parce que les levures manquent de stérols. Cela arrive lorsque le moût a été trop clarifié, en dessous de 50 NTU. « Nous avons remarqué que lorsque le moût manque de stérols, les levures sont moins nombreuses, ce qui ralentit la fermentation. De plus, elles produisent de l'acide acétique », explique Thomas Ochando, de l'Inra de Montpellier. Son équipe a pris un même moût de champagne contenant 180 g/l de sucre et 360 mg/l d'azote assimilable. Elle a fait varier ses teneurs en stérols de 1 à 8 mg/l. « À 1 mg/l, 50 millions de levures ont mis 300 h à achever la fermentation. À 8 mg/l, 120 millions de levures ont mis moitié moins de temps. » En cas de carence, c'est-à-dire en dessous de 3 mg/l de stérols, oxygéner le moût à la fin de la phase de croissance permet aux levures de synthétiser de l'ergostérol et de redémarrer leur activité.

Collage des vins blancs

Une enzyme prometteuse

La bentonite élimine les glucanases, les chitinases et les thaumatines, autant de protéines instables à la chaleur. Mais elle est compliquée à mettre en oeuvre, produit des lies et faire perdre environ 3 % du volume de la cuve traitée. « Chaque année, la bentonite coûte 1 milliard de dollars à l'industrie du vin », commente Liz Waters, manager R & D de Wine Australia. La scientifique cherche des alternatives. « À ce jour, il n'y en a qu'une qui soit peu chère, facile à mettre en oeuvre et efficace. C'est une enzyme extraite d'Aspergillus niger. » Cette enzyme donne les meilleurs résultats lorsqu'on en apporte 15 mg/l au moût avant la fermentation et que l'on chauffe la cuve à 70 °C pendant une minute. D'après Liz Waters, ce traitement coûte moins cher que la bentonite et ne modifie pas le profil sensoriel des vins. Il est en cours d'approbation par l'OIV et déjà sur de nombreux marchés.

Polyphénols

Ils freinent la fermentation

Pour comprendre le devenir des polyphénols durant la fermentation, l'Inra de Montpellier a observé celle d'une solution modèle de vin contenant des tanins de pépins et de pellicule de merlot. Grâce à la fluorescence, les chercheurs se sont rendu compte que beaucoup de ces composés passent dans les levures mortes et qu'ils pénètrent aussi, dans une moindre mesure, dans les levures vivantes. En inoculant des moûts avec différentes souches de levures et 2 g/l de polyphénols, ils ont en outre remarqué que les tanins réduisent les populations de levures, ainsi que la vitesse maximale de fermentation. « Par exemple, 200 heures après le début de la fermentation, un des moûts dans lequel nous avions ajouté des tanins contenait 90 millions de levures, alors que le même moût sans tanins ajoutés en renfermait 120 millions », détaille Julie Mékoué Nguela.

Teneurs en glutathion

Choisir la bonne souche

Des chercheurs de l'université de Florence, en Italie, ont suivi l'évolution de la teneur en glutathion des moûts pendant la fermentation spontanée de plusieurs sangiovese du millésime 2015. Ces moûts provenaient du même domaine et présentaient des caractéristiques analytiques similaires, parmi lesquels une faible teneur en azote assimilable, autour de 100 mg/l. Les Italiens ont remarqué que la concentration en glutathion diminue pendant la phase de croissance des levures, avant de remonter jusqu'à la fin de la fermentation. Au final, ils ont retrouvé entre 19 et 23 mg/l de glutathion dans les vins, dont 60 % sous forme active, c'est-à-dire antioxydante. Par la suite, ils ont également remarqué que la concentration d'un vin en glutathion dépend davantage de la souche de levure que du cépage et du millésime. « Plutôt que d'attendre l'autorisation de supplémenter les moûts en glutathion, il serait préférable de sélectionner des souches de levure capables d'en relarguer beaucoup », concluent-ils.

FML

Gare aux levures inhibitrices

Certaines souches de levures facilitent la fermentation malolactique, d'autres l'inhibent. L'université de Bourgogne, l'IUVV et Lallemand cherchent à savoir pourquoi. Pour cela, ils ont ensemencé un moût de chardonnay avec quinze levures connues pour leur action sur la malo. À la fin de la fermentation, ils ont analysé tous les composés présents dans le vin. Dans les moûts fermentés par les levures stimulant la FML, les chercheurs ont retrouvé plusieurs composés phénoliques, des carbohydrates, des acides aminés et des peptides absents des vins issus des levures inhibitrices. « Nous avons, par exemple, découvert de l'acide gluconique », explique Youzhong Liu, de l'université de Bourgogne. « Nous l'avons ajoutée à un vin avant la FML et constaté que celle-ci s'est achevée plus vite. » Les levures inhibitrices de la malo se distinguent, quant à elles, par la production de peptides soufrés. À terme, ces recherches aideront les firmes à améliorer leurs sélections.

Désinfection des barriques L'ozone gazeux champion

Quel est le plus efficace pour déloger les bretts des barriques ? Le SO2, l'ozone gazeux, l'eau ozonée, les ultrasons, la vapeur, l'acide péracétique, le percarbonate de soude ou même les micro-ondes ? C'est l'ozone gazeux, d'après l'Institut de viticulture et d'oenologie de la DLR Rheinpfalz, en Allemagne. Pour parvenir à ce résultat, Engela Kritzinger a contaminé puis désinfecté, selon ces différents procédés, plusieurs cubes de chêne français moyennement chauffés. « Nous avons utilisé la cytométrie de flux pour pouvoir détecter toutes les souches de levure, et ne pas passer à côté des souches viables mais non cultivables », précise la chercheuse. 200 mg/m3 d'ozone gazeux pendant 30 minutes ont éliminé 99,99 % des Brettanomyces. Le percarbonate de soude arrive deuxième. Versé dans l'eau, ce produit se décompose en formant de la soude et de l'eau oxygénée. Juste derrière se classe le remplissage de la barrique à l'eau sulfitée à 200 mg/l pendant 24 heures. La vapeur donne aussi de bons résultats. Vous pouvez en revanche faire une croix sur l'eau chaude, l'éthanol et le micro-ondes.

Filtration Pas d'impact négatif

Des vins de cabernet-sauvignon et des syrahs ont été filtrés en série. D'abord une filtration tangentielle, puis un passage au travers de modules lenticulaires, de filtres à cartouches de membranes en nylon de 0,65 µm, et pour finir de 0,45 µm. Ils sont ressortis indemnes de ce parcours, très dur en apparence. Avec des particules plus petites, et sans micro-organismes, mais avec la même couleur, les mêmes tanins, la même concentration en polysaccharides, la même astringence et la même viscosité, explique l'AWRI, qui a conduit ces essais. Les vins ont ensuite été soumis à la dégustation. Leurs arômes de « basse-cour » ont laissé la place à des notes plus fruitées. L'AWRI en conclut que la filtration stérile des vins rouges, si elle est bien conduite, n'endommage par leur qualité.

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