Cette année, les fournisseurs mettent sur le marché douze souches censées aider les vignerons à réduire leurs sulfitages ou à faire face à la montée des degrés alcooliques. Les voici.
Gaïa (IOC) est la seule levure non-Saccharomyces sortie cette année. C'est une Metschnikowia fructicola sélectionnée par l'IFV. « Nous la conseillons pour empêcher le développement de la flore indésirable pendant les macérations préfermentaires à froid », décrit Olivier Pillet, chef de produit biotechnologies. Gaïa ne dispose d'aucun pouvoir fermentaire et ne consomme pas d'azote. Elle prépare le terrain aux Saccharomyces cerevisiæ et permet aux fermentations alcooliques de démarrer et de se terminer rapidement. Elle peut aussi compléter ou remplacer l'effet antiseptique du SO2 dès la benne à vendanges. « Le mieux est alors de la disperser sur le raisin avec un arrosoir. »
Ionys WF (Lallemand) a été développée par l'Inra en vue d'obtenir des vins moins alcoolisés. « En laboratoire, nous obtenions une baisse de près d'1 % par rapport aux levures usuelles. Au chai, c'est un peu moins, autour de 0,6 % », explique Didier Théodore, chef de produit levures chez Lallemand. « Mais nous avons eu l'agréable surprise de constater que Ionys WF fait aussi baisser le pH des vins de 0,15 à 0,20 point et remonter l'acidité totale de 0,5 à 1,5 g/l. » Cette souche permet d'obtenir des vins plus frais et équilibrés, à condition de respecter un protocole d'implantation rigoureux pour ne pas stresser la levure.
IOC Be Fruits (IOC) doit révéler les arômes d'ananas, d'agrumes et de fruits rouges dans les vins blancs et rosés. Elle produit surtout très peu de SO2 et d'H2S pour obtenir des profils aromatiques plus nets. « Pour obtenir cette souche, nous avons appliqué à notre levure IOC B 2000 la technique QTL que l'Inra et Lallemand avaient développée pour produire la levure Lalvin ICV Okay », explique Olivier Pillet. IOC Be Fruits produit aussi très peu d'éthanal, améliorant l'efficacité des futurs sulfitages.
Atecrem 15H (Bioenologia) a été développée pour les vins blancs aromatiques, de type sauvignon et moscato. « Mais de manière générale, elle transmet aux vins blancs une intense fragrance de fruits exotiques et produit beaucoup d'acétates et d'esters », précise Bioenologia. Elle est conditionnée sous forme de crème et distribuée par Prédel, comme toutes les levures vendues sous la marque Atecrem. Cette méthode de production doit préserver l'activité enzymatique des levures et leur capacité à révéler les arômes.
Littolevure Thiol (La Littorale) a été sélectionnée pour sa capacité à libérer les précurseurs de thiols variétaux (4MMP et 3MH). En même temps, elle produit beaucoup d'esters, qui donnent au vin des arômes floraux et de fruits frais. « Elle est parfaitement adaptée à l'élaboration de vins blancs et rosés aux arômes frais et explosifs », explique-t-on chez La Littorale.
Safoeno HD S135 (Fermentis) convient aux vins rouges premium. Elle favorise l'extraction et la stabilisation de la couleur, puis enrobe les tanins en produisant beaucoup de glycérol. Selon Fermentis, cette levure apporte en outre beaucoup d'alcool supérieur et d'esters. Elle accentue aussi les notes de fruits rouges et noirs. Elle a des besoins modérés en azote et résiste à des teneurs élevées en alcool (plus de 15 %).
Anchor Alchemy III et Anchor Alchemy IV (nobrands), également dédiées aux vins rouges, ont été développées par l'Australian Wine Research Institute, en forçant le développement d'une souche Anchor existante sur des inhibiteurs de levures. Anchor Alchemy III libère de grandes quantités de 2-phénylétanol (floral) et d'esters d'acétate (fruité et bonbon), tandis qu'Anchor Alchemy IV produit beaucoup d'hexanoate d'éthyle, qui intensifie l'odeur de fruits rouges.
Atecrem Iris (Bioenologia) est une Bayanus issue de raisins et d'iris d'Italie. Elle ne produit pas d'H2S et peu de SO2, évitant l'apparition de goûts réduits. Atecrem Iris convient particulièrement bien aux vins rouges puisqu'elle renforce les notes de fruits des bois.
Atecrem 1H (Bioenologia) est également une Bayanus. Elle tolère jusqu'à 18 % d'alcool, produit peu d'acidité volatile et convient très bien aux moûts riches en sucre, tels que les vins passerillés. Elle amène beaucoup de glycérol et donne du gras aux vins. Bioenologia la préconise également pour la prise de mousse.
Fresharome IMB 12-2021 (Prédel) est dotée du facteur killer K2. Elle synthétise des protéines toxiques pour d'autres souches, ce qui lui permet de s'implanter facilement dans le moût et de très vite démarrer la fermentation alcoolique. Elle peut travailler jusqu'à 16 % vol., entre 10 et 30 °C.
Uvaferm 43 Restart (Lallemand) simplifie le protocole de redémarrage des fermentations arrêtées. « Son procédé de production rend ses cellules plus résistantes au stress causé par une teneur élevée en alcool », indique Anthony Silvano, responsable des développements et applications en oenologie chez Lallemand. Elle est aussi plus fructophile que les autres levures. « Or, quand la fermentation s'arrête à mi-chemin, le moût contient plus de fructose que de glucose », explique Anthony Silvano.
Les raisons de l'accalmie
L'année aura été assez calme côté levures. Des firmes telles que Laffort, Sofralab, Lamothe-Abiet ou AEB n'ont rien proposé de nouveau. Pour beaucoup, c'est tout simplement parce que l'offre est déjà pléthorique et le marché saturé. « Nous proposons quatre souches pour les thiols et cinq pour les rouges. Pour éviter la confusion et ne pas produire trop de levures en toutes petites quantités, nous avons décidé que le lancement d'une souche s'accompagnera désormais de l'arrêt d'une autre », explique Arnaud Delaherche, au support technique pour les produits de fermentation chez AEB. Les entreprises comptent aussi sur la recherche pour relancer leurs sélections. « Nous attendons de mieux connaître le lien entre la présence de certaines molécules et le profil sensoriel des vins », indique Anthony Silvano, responsable des développements et applications en oenologie chez Lallemand. Les sélectionneurs rechercheront alors les souches produisant ces molécules intéressantes.
L'avenir en Afrique
Les levures seraient toutes les mêmes ? Les chercheurs de l'AWRI, en Australie, ne sont pas loin de le penser. Ils viennent de séquencer le génome de 212 S. cerevisiæ, dont 119 souches commerciales. Résultat : la plupart se ressemblent. Et plusieurs souches de différents fournisseurs sont quasi identiques. L'Institut australien conclut que la diversité génétique au sein du groupe Saccharomyces cerevisiæ est limitée. Pour obtenir de nouvelles levures, il faudra réaliser des croisements avec d'autres souches, telles que celles retrouvées dans les fermentations de vin de palme africain.