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Pressurage pneumatique Trois clés pour l'optimiser

MARION BAZIREAU - La vigne - n°288 - juillet 2016 - page 46

Bien programmer les cycles de montée en pression n'est pas la seule garantie d'un pressurage réussi. Le remplissage du pressoir tout comme l'égouttage sont également déterminants.
AU REMPLISSAGE, le nombre de rotations doit être piloté en fonction de l'écoulement des jus.  ©  P. ROY

AU REMPLISSAGE, le nombre de rotations doit être piloté en fonction de l'écoulement des jus. © P. ROY

Petits vignerons et grosses coopératives se sont retrouvés dans les locaux de l'ICV, à Nîmes (Gard), le 7 juin, pour se perfectionner au pressurage pneumatique des blancs et des rosés. Aux commandes, Édouard Médina, oenologue-consultant et formateur pour l'ICV, épaulé par Jean-Luc Favarel, directeur Recherche & Développement chez Pera. « Bien pressurer les blancs et les rosés, c'est éviter l'apparition de notes tanniques et végétales, prévenir l'extraction de trop de couleur et l'oxydation. Mais c'est aussi s'assurer un bon rendement en jus et un travail rapide, a résumé Édouard Médina. Pour y parvenir, il est primordial de maîtriser le remplissage et l'égouttage. »

1. Remplissez la cage au mieux

Savoir combien de vendange mettre dans leur pressoir, c'est la première préoccupation des vignerons. « Tout dépend du mode de remplissage, leur répond Édouard Médina. Avec un remplissage par la porte, vous pouvez mettre jusqu'à 15 tonnes de vendange égrappée et foulée dans un pressoir de 100 hl. En revanche, lors d'un remplissage axial, vous pouvez aller jusqu'à 17 voire 20 t. »

Dans tous les cas, il faut laisser au moins 10 cm de creux dans le pressoir avant de lancer le pressurage. « Sans ce creux, la vendange n'aura pas assez de place pour bouger pendant les rotations. Cela augmentera le risque de colmatage des drains et compliquera l'assèchement du marc. »

Pour gagner de la place, il est judicieux d'envoyer les jus extraits au niveau des bennes ou du quai dans une cuve à part. « Cela permet d'économiser jusqu'à 20 % d'espace et de mettre 60 tonnes dans un pressoir de 320 hl », estime Édouard Médina. C'est également intéressant du point de vue oenologique, puisque ces jus sont peu qualitatifs.

Lors du remplissage axial, se pose la question des rotations de la cage du pressoir. « C'est un mal nécessaire pour faciliter l'égouttage, mais il faut en faire le moins possible car on risque d'extraire des polyphénols, explique le formateur. En axial, lorsque l'on atteint la moitié du remplissage, tous les drains sont recouverts par la vendange. Du coup, l'air ne peut plus s'échapper et fait monter la pression dans la cage. Pas d'autre choix que de la faire tourner. » Attention à ne pas enclencher trop de rotations. Édouard Médina déconseille d'en faire plus d'une toutes les cinq minutes. Dans l'idéal, il faudrait les piloter selon l'écoulement des jus. Si celui-ci reste faible après une rotation, mieux vaut laisser la cage au repos et fermer les drains pour éviter l'oxydation. En fin de remplissage, la porte du pressoir doit être ouverte pour laisser la pression s'échapper et vérifier le niveau de vendange. Lors d'un remplissage par la porte, il n'y a pas de problème de montée en pression, mais seule la moitié des drains est en contact avec les baies. Pour améliorer l'écoulement des jus, il faut refermer la porte après chaque apport et faire basculer la cage d'un quart de tour.

2. Laissez les jus s'égoutter

« Le grand oublié du pressurage c'est l'égouttage », lance Jean-Luc Favarel. Avant de lancer les montées en pression, il faut prévoir 10 à 40 min d'égouttage. « L'idée est de laisser couler tout le jus qui ne demande qu'à sortir, explique-t-il. C'est essentiel pour obtenir des rosés clairs. » « Par égouttage, on obtient des jus très qualitatifs, ajoute Édouard Médina. Trente minutes ne sont pas de trop sur un pressoir de 320 hl. » L'enzymage en amont du pressoir est un bon moyen de gagner du temps et d'extraire davantage de jus de goutte. « On peut en gagner jusqu'à 10 % », affirme Édouard Médina. Par ailleurs, après un remplissage par la porte, il faut prévoir un temps d'égouttage plus long qu'après un remplissage axial car moins de jus s'est écoulé.

3. Commencez à basse pression

Définir les cycles de pressurage n'est pas évident. « Il ne faut pas monter trop vite ni trop haut en pression, pour ne pas extraire de composés phénoliques, ni colmater les drains », pose Édouard Médina. L'idée est de sortir les jus dans le bon ordre, de l'intérieur de la baie vers la pellicule. « Surveillez le manomètre et l'écoulement du jus dans la maie. Si l'écoulement démarre quand la moitié de la pression de consigne est atteinte, c'est que le choix du palier de pression est bon », suggère le formateur. Il conseille de commencer par un ou deux programmes séquentiels afin d'extraire le plus de jus possible à basse pression. Un programme séquentiel correspond à une montée en pression douce, en escalier, sans rebêchage entre les paliers. « On peut travailler en séquentiel jusqu'à 0,5 bar environ », précise-t-il. Entre chaque séquence, deux tours de cage sont suffisants pour effectuer un rebêchage.

À la fin de cette séquence à basse pression, on doit avoir extrait environ 80 % du jus en rosé, et encore plus en blanc. Les jus suivants, riches en polyphénols, peuvent être envoyés dans une autre cuve. Reste ensuite à assécher le marc, en alternant des montées en pression de plus en plus haute (mais également plus courtes) et des rebêchages. Passé 1 bar, 2 à 4 tours sont généralement nécessaires pour bien décolmater la vendange. Inutile de continuer de presser au-delà de 1,7 voire 1,8 bar.

Une autre recette pour la vendange entière

La vendange entière ne se pressure pas comme le raisin égrappé et foulé. Dans le premier cas, l'égouttage est beaucoup plus court, car seul le jus d'écrasement est disponible. Ensuite, en début de pressurage, « il faut commencer par appliquer une haute pression, au moins 0,8 bar, pour éclater les baies », indique Édouard Medina. Ce n'est qu'après que l'on peut lancer un programme séquentiel à basse pression pour extraire le jus de manière qualitative. Le début change, mais la fin reste la même. Après les programmes séquentiels, il faut alterner montée en pression et rebêchages en augmentant progressivement la pression pour assécher la vendange.

La conductivité, un indicateur à suivre

Simple à réaliser, la mesure de la conductivité des jus dans la maie du pressoir donne une bonne photo de la qualité du pressurage. Ce paramètre est corrélé à la teneur en potassium qui augmente en même temps que les teneurs en polyphénols et la couleur. Lorsque le pressurage est bien conduit, la conductivité doit augmenter doucement en début de pressurage, puis décoller durant la phase dynamique de montée en pression. Suivre la conductivité pendant tout un pressurage permet de corriger les programmes. « La conductivité est également un bon repère pour fractionner les jus », explique Édouard Médina. Généralement, il est conseillé de séparer les jus lorsqu'elle a gagné 20 à 30 %. Sur le sauvignon, cela correspond environ à une pression de 1,4 bar. « Sur chardonnay, il faut fractionner les jus avant d'arriver à cette pression car ils sont alors très riches en polyphénols. » Si vous n'avez pas de conductimètre, vous pouvez utiliser un pHmètre. Il traduit également l'évolution des teneurs en potassium mais demande plus de manipulations et d'étalonnages. En revanche, se fier à la dégustation pour séparer les jus n'est pas la meilleure idée. « Le SO2, la turbidité et les particules herbacées peuvent induire en erreur », prévient Édouard Médina.

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