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AIDE À L'INVESTISSEMENT... La course aux points est lancée

FRÉDÉRIQUE EHRHARD - La vigne - n°289 - septembre 2016 - page 8

Premier arrivé, premier servi : c'est fini ! Le mode d'attribution de l'aide aux investissements dans les chais change. Les dossiers seront désormais notés, avec une très forte priorité donnée à l'environnement.

Cette année, les vignerons n'auront pas à faire la queue devant les locaux de FranceAgriMer pour être sûrs de déposer leur demande d'aide à l'investissement les premiers ! En effet, les dossiers ne seront plus traités par ordre d'arrivée. Ils seront notés sur vingt en prenant en compte plusieurs critères dont le principal est environnemental (voir encadré). FranceAgriMer les retiendra par ordre décroissant de note jusqu'à épuisement de l'enveloppe fixée à 165 millions d'euros. Par ailleurs, le taux d'aide, qui était de 35 à 40 % jusque-là, a été réduit à 30 % pour pouvoir satisfaire plus de demandeurs. Et le montant des investissements prévus par dossier doit se situer entre 10 000 et 5 millions d'euros.

Ce système n'emballe pas les vignerons. « Ils jugent les dossiers plus compliqués à monter alors qu'ils ont toujours autant de mal à savoir s'ils seront retenus », constate Pierre Saysset, des Vignerons indépendants de la vallée du Rhône. « Certains vignerons hésitent à faire une demande car ils craignent de ne pas avoir assez de points pour être retenus. Je les encourage malgré tout à le faire car tout dépendra de la note des autres demandeurs », souligne Marguerite de Toffoli, des Vignerons indépendants d'Aquitaine.

Les caves et vignerons doivent s'accommoder de bien d'autres changements. Désormais, leur dossier doit être complet dès le départ. « L'instruction se fera en une seule étape. Avant, le dossier pouvait être complété après notification de l'attribution de l'aide. Là, tout doit être fait avant », note Marguerite de Toffoli.

FranceAgriMer veillera aussi à ce que les coûts restent raisonnables. « Pour les équipements dont le prix dépasse les tarifs pratiqués couramment, nous demandons aux caves de fournir au moins deux devis », précise Anne Haller, déléguée de la filière vins. Si le demandeur ne choisit pas le moins cher, il doit motiver son choix. Et FranceAgriMer se réserve la possibilité de ne financer qu'une partie de l'investissement s'il juge son coût excessif.

Pour maximiser ses chances, il est tentant de se lancer dans la chasse aux points. Cependant, la plupart des matériels qui en apportent coûtent plus cher, comme les cuves en Inox. Pour être primées, celles-ci doivent présenter « un niveau de finition élevé : recuit brillant, électropolissage, poli-miroir », indique FranceAgriMer dans sa liste des investissements relevant du critère environnemental. Plus faciles à détartrer, ces cuves permettent en effet des économies d'eau. « Mais l'électropoli coûte 15 à 20 % plus cher », rappelle Pierre Saysset. « Avant de prendre une décision, il faut mettre les surcoûts en regard des avantages attendus en matière de qualité des vins ou de productivité du travail », conseille Antony Cararon, du CER France Gironde.

« On peut aussi sortir du dossier les équipements n'apportant pas de points ou qui sont peu aidés, comme les bâtiments. D'autant plus que pour une construction, le plafond de 400 €/m² pris en compte reste bien en dessous du coût réel, plus proche de 700 à 800 €/m², souligne Richard Jarry, du cabinet Albatros Ingénierie. C'est une autre façon d'améliorer sa note environnementale et d'augmenter ses chances de sélection. »

Malgré les difficultés, l'engouement pour l'aide à l'investissement semble intact. Les syndicats et cabinets privés qui aident les opérateurs à monter leurs dossiers ne voient pas leur activité baisser. « En 2016, 1 350 dossiers n'avaient pas été retenus. Beaucoup devraient être représentés en 2017. En tout, nous nous attendons à en recevoir 5 000 », estime Anne Haller.

« Dans les vignobles qui n'ont pas été touchés par les aléas climatiques, la dynamique d'investissement reste soutenue », observe Olivier Antoine-Geny, d'AOC Conseils, qui accompagne des caves. « Et la fin de l'OCM, en 2018, les incite à profiter du dispositif d'aide tant qu'il existe encore », constate de son côté Richard Jarry.

Quatre étapes

Dès maintenant : pré-inscription sur le portail de FranceAgriMer afin d'obtenir un identifiant pour la télédéclaration.

Fin octobre 2016 : ouverture du service de télédéclaration des demandes.

15 décembre 2016 à minuit : date limite de dépôt des dossiers et de réception des pièces jointes, scannées ou envoyées par la poste.

Fin février 2017 : notification des aides.

Faites les bons calculs

Les dossiers seront notés sur 20 points, dont douze qui dépendent de leur note environnementale. Pour calculer cette note, FranceAgriMer extrait des dossiers les équipements figurant dans une liste arrêtée cet été. On y trouve pêle-mêle : l'isolation des bâtiments, les puits canadiens, les chais enterrés ou semi-enterrés, les filtres tangentiels, les pressoirs programmables, etc. Tous permettent des économies d'eau ou d'énergie, ou la réduction des déchets. Pour chaque dossier, FranceAgriMer calculera le coût des équipements appartenant à cette liste et le comparera au montant total des investissements prévus.

- « Pour un dossier de 10 000 € (le plancher, NDLR), il faut prévoir 40 % de ses investissement dans la liste pour obtenir 12 points, soit 4 000 €. S'il n'y a que 2 000 €, le vigneron obtient 6 points », explique Anne Haller de FranceAgriMer.

Pour un dossier de 5 M€ (le plafond, NDLR), 20 % dans la liste, soit 1 M€, suffisent pour obtenir 12 points. Entre ces deux extrêmes, une équation permet de calculer le nombrede points.

- Les groupes de froid ne donnent pas de point alors qu'ils font partie des investissements fréquents. « Mais si le dossier est retenu, ils bénéficient quand même d'aides », précise Anne Haller. Un conseil : si votre matériel fait partie de la liste des primés, « n'hésitez pas à joindre sa fiche technique pour bien le montrer », conseille Marguerite de Toffoli.

- Les huit autres points sont décernés plus simplement.

Les caves particulières ayant installé un jeune depuis moins de 5 ans et les coops ayant aidé un adhérent à s'installer depuis moins de deux ans obtiennent trois points.

Les équipements permettant de construire une filière de moûts concentrés sont gratifiés de deux points, de même que ceux correspondant aux nouvelles pratiques oenologiques (osmoseur, électrodialyseur...) et certaines lignes d'embouteillage. Les caves investissant pour sortir d'un village ont un bonus d'un point. Notés séparément, les investissements dans une alternative à l'enrichissement ou à la chaptalisation valent 8 points.

Le Point de vue de

VALÉRIE ARNATHAU, CHÂTEAU GUILLEMOT, À SAINT-CHRISTOPHE-DES-BARDES (GIRONDE), 400 HL SUR 9 HA EN SAINT-ÉMILION.

« Je vais représenter mon dossier de 2016 »

 © P. ROY

© P. ROY

« En 2016, mon dossier n'a pas été retenu. Je vais le représenter car je veux construire un bâtiment de 200 m² accolé à mon chai pour y stocker mes bouteilles. L'investissement est de 160 000 €, j'ai donc besoin de l'aide. Je vais reprendre mon dossier avec l'appui du CER France Gironde et de mon architecte pour voir comment optimiser les points sans faire grimper les coûts. Je dois aussi demander aux artisans d'actualiser et de détailler leurs devis. Les délais sont courts. Je vais tout préparer avant de démarrer les vendanges fin septembre. C'est compliqué car je dois respecter les contraintes architecturales liées au classement de Saint-Émilion à l' Unesco. Mais je ne veux pas reporter encore le projet d'une année. La fin de l'OCM approche et rien ne dit que les aides à l'investissement seront reconduites dans la suivante. La banque est prête à m'accom-pagner, c'est le moment. »

Le Point de vue de

CHRISTIAN ROCHE, DOMAINE L'ANCIENNE CURE, À COLOMBIER (DORDOGNE). 1800 HL SUR 50 HA EN BERGERAC ET MONBAZILLAC.

« Je me lance, je dois investir »

 © É. DROUINAUD

© É. DROUINAUD

« C'est ma première demande d'aide aux investissements. Le dossier a l'air compliqué : pour le monter, j'ai fait appel aux Vignerons indépendants d'Aquitaine. Je veux mettre toutes les chances de mon côté car je prévois d'investir 100 000 € dans un concentrateur. Sans aide, ce serait difficile ! J'ai besoin de cet équipement pour m'adapter à la réglementation, qui interdit désormais l'enrichissement des liquoreux. Concentrer ne sera pas nécessaire tous les ans. Mais je veux sécuriser ma production. J'ai déjà un premier devis, et j'attends le deuxième. Ma demande d'aide porte sur ce seul investissement.

Je bénéficierai donc de huit points. Avec l'installation de mon fils, je devrais avoir trois points supplémentaires. Je ne sais pas si cela suffira, mais je me lance. J'ai déjà fait le plus dur, convaincre mon banquier de financer cet équipement ! »

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