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VIN

Levures inactivées Des utilisateurs conquis

MARION BAZIREAU - La vigne - n°289 - septembre 2016 - page 36

Riches en glutathion, les LSI apportent de la fraîcheur et préservent le potentiel aromatique des vins thiolés.

La prochaine autorisation du traitement des moûts et des vins au glutathion ne freine pas les firmes oenologiques. Elles continuent d'étoffer leurs catalogues de nouvelles levures inactivées riches en glutathion. Ces additifs sont en majorité destinés aux vins blancs et rosés pour préserver leur fraîcheur et leurs arômes thiolés, tout en apportant des nutriments azotés aux levures. Certains sont même vendus pour apporter du gras.

Nous avons dénombré quinze* de ces préparations sur le marché français (voir encadré). Plusieurs d'entre elles en sont déjà à leur deuxième version. C'est le cas de l'Optimum White qui remplace l'Opti-White, ou de Glutarom Extra qui succède au Glutarom. « Nous avons optimisé les conditions de culture de nos levures pour qu'elles libèrent davantage de glutathion », explique ainsi Marion Bastien, de Lallemand.

Ces levures inactivées sont-elles vraiment efficaces ? Pour le savoir, La Vigne a contacté plusieurs de leurs utilisateurs. Ils incorporent ces préparations entre le débourbage et la fermentation et en sont tous contents. Ils obtiennent des vins plus frais, plus gras, plus aromatiques. Certains peuvent réduire leur sulfitage ou fermenter dans des conditions difficiles. Comme ces préparations ont un coût, entre 0,3 et 0,90 €/hl, ils ont tendance à les réserver à leurs meilleures cuvées. Voici leur témoignage.

*Booster blanc et rouge, Noblesse et Punchy de l'ICV, Fresharom de Laffort, Phylia Cys de Sofralab, Optimum White de Lallemand, l'Actiproferm GSH de Biotech Œnologie, le Springarom de Fermentis, l'Aroma Protect et l'Optithiols de Lamothe-Abiet, le Glutarom Extra de l'IOC, l'Oxyprotect de Prédel, l'Actiproferm GSH de Biotech Œnologie, ou l'Actimax GSH d'Agrovin.

Bientôt dépassées ?

Les ventes de levures sèches inactivées riches en glutathion pourraient bientôt s'essouffler. En effet, le 10 juillet 2015, l'OIV a adopté le traitement des vins et des moûts au glutathion. Cette pratique sera autorisée en Europe lorsque la Commission donnera son feu vert. Avant cela, l'OIV doit préciser la monographie du glutathion, et l'EFSA doit l'évaluer en tant qu'additif alimentaire. En ce qui concerne, les LSI, la réglementation européenne restreint leur utilisation à la nutrition des levures de fermentation. Elles peuvent aussi être ajoutées au vin pendant l'élevage pour diminuer ses teneurs en ochratoxine A ou pour le clarifier. Ainsi, les fiches techniques des produits oenologiques doivent mentionner la fonction de nutriment des LSI. Les effets « secondaires » sur la stabilité des arômes ne peuvent apparaître qu'en complément. Sachez enfin que les levures inactivées ne sont pas autorisées en bio.

Recettes secrètes

Les firmes n'aiment pas dévoiler leurs recettes. On sait néanmoins que les LSI sont issues des mêmes Saccharomyces que celles utilisées pour les LSA. « Nous sélectionnons les souches qui produisent naturellement le plus de glutathion, explique Nathalie Sieczkowski, de Lallemand. Nous multiplions ces levures dans un environnement très favorable à la production de glutathion. Nous obtenons ainsi une crème que nous inactivons via une montée en température, et que nous séchons selon un procédé qui respecte le glutathion réduit. »

Le Point de vue de

FLORIAN MASSON, MAÎTRE DE CHAI À LA CAVE RICHEMER (HÉRAULT)

« Je choisis la LSI en fonction de la qualité de mes cuvées »

 © AGLYPHOTO66

© AGLYPHOTO66

Nous produisons 100 000 hl chaque année dont 60 000 hl de blanc. Nous réservons les LSI aux vins bien valorisés. Je travaille beaucoup avec la Phylia Cys de Sofralab, sur les sauvignons blancs, les muscats et les grenaches rosés. Elle nous coûte environ 28 €/kg et nous permet d'obtenir des vins plus aromatiques, qui restent frais plus longtemps. Je remarque également une petite augmentation du gras qui contrebalance l'acidité du sauvignon. Parfois, je choisis l'Optimum White de Lallemand sur les meilleurs sauvignons, en sortie de stabulation sur bourbes. Je protège également ces moûts avec de la neige carbonique. C'est le produit le plus cher, autour de 30 €/kg, mais c'est aussi un de ceux qui contient le plus de glutathion. Sur le viognier, cépage un peu moins thiolé, j'ajoute Neo Crispy de Martin Vialatte, à 20 €/kg, ou Glutarom d'IOC. Et sur les cépages neutres, je ne mets aucun de ces produits. Cela n'apporte rien. Il vaut mieux les vinifier de façon à obtenir des arômes fermentaires ou les boiser. Quelle que soit la marque, 20 g/hl de LSI suffisent toujours.

Le Point de vue de

PIERRE DUBRION, DIRECTEUR DES SITES DE PRODUCTION PAUL MAS, CHÂTEAU TERAMAS ASTRUC, À MALRAS (AUDE)

« Fresharom nous aide à moins sulfiter nos vins »

Depuis trois millésimes, j'utilise Fresharom sur tous nos sauvignons et viogniers. J'en incorpore entre 15 et 20 g/hl au premier tiers de la fermentation, comme le recommande Laffort. Un kilo nous coûte 20 €. Le glutathion nous aide à réduire nos doses de SO2, avec l'inertage et le froid. Nous avons comparé des vinifications avec et sans Fresharom. Avec ce produit, les vins étaient plus aromatiques, plus fruités, au goût de nos acheteurs. Et ils sont restés frais plus longtemps. En revanche, nous n'avons pas remarqué de gain en volume ou en gras, ni de différence de couleur à l'oeil.

Ce n'est que de l'empirisme, mais j'ai l'impression que Fresharom est plus riche en glutathion que les autres produits que nous avons testés. Du coup, nous ne travaillons plus qu'avec ça.

Le Point de vue de

BENOÎT GISSON, OENOLOGUE-CONSEIL POUR VIVADOUR EN GASCOGNE (GERS)

« Springarom fait la différence sur les moûts carencés en azote »

Je conseille plusieurs caves de Gascogne où je travaille avec Springarom de Fermentis sur les moûts à fort potentiel de thiols : des sauvignons, colombards et gros manseng. Mais je n'en ajoute que si les moûts renferment moins de 200 mg/l d'azote assimilable. S'ils sont riches en azote, ils le sont aussi en glutathion ; pas la peine d'en rajouter. J'ai comparé et j'ai noté une réelle différence avec ces produits, tant au niveau de la cinétique de fermentation que de la conservation des vins. En revanche, je n'ai pas remarqué de gain en gras.

Les LSI sont incorporées au moût au moment de la stabulation sur bourbes, avant le démarrage de la fermentation, de 20 à 30 g/hl. En fonction de la dose, Springarom coûte entre 0,70 et 0,90 €/hl.

Il est difficile de comparer les LSI entre elles car leur concentration en glutathion est floue et délicate à doser. Il faut également rappeler que les LSI ne sont intéressantes que pour les vins à dominante thiols. Pour avoir un profil amylique, on va jouer sur la LSA, la nutrition azotée et la température de fermentation.

Le Point de vue de

CYRIL ESTEL, MAÎTRE DE CHAI DES COTEAUX DE RIEUTORT, À MURVIEL-LÈS-BÉZIERS (HÉRAULT)

« Les levures inactivées aident nos LSA à achever les fermentations »

Nous mettons tout en oeuvre pour obtenir des sauvignons ronds et très thiolés. Résultat : les LSA évoluent dans un milieu difficile. C'est pour les aider que nous avons commencé à utiliser des levures inactivées. Et nous avons vu que celles-ci renforçaient la fraîcheur de nos vins. En revanche, je ne suis pas certain qu'elles amplifient le gras. J'en ai aussi longtemps ajouté aux grenaches rosés. Mais une année, je n'en ai pas mis et je n'ai pas vu de changement. Du coup, je n'en mets plus. Comme ce sont des produits chers, je m'en passe aussi pour le chardonnay, le viognier et le grenache blanc. Sur ces cépages, j'utilise d'autres activateurs et du DAP.

En 2015, nous avons fait un test sur un sauvignon vendangé le même jour. Nous l'avons mis à débourber dans trois cuves, puis ensemencé avec trois couples de LSA/LSI :

- Iper-R et Fermoplus Energy Glu, de Spindal ;

- Zymaflore X5 et Fresharom, de Laffort ;

- Uvarome Thiols + Actiproferm GSH, de Devèze Biotech Œno-logie.

Les deux premières cuves ont très bien fermenté mais, avec les produits Devèze, la fermentation a été plus lente et les arômes plus lourds. Cela doit être dû à la LSA, plutôt qu'à la LSI. Mais comme c'est plus simple pour nous d'acheter ces produits chez le même fournisseur, nous ne prenons plus de produits Devèze.

Le Point de vue de

BERTRAND PAOLETTI, MAÎTRE DE CHAI À LA CAVE DE ROMANE, À BRINAY (CHER)

« Optimum White nous permet d'obtenir des vins plus gras »

Je suis maître de chai pour une cave qui vinifie la récolte de quinze domaines à Quincy, l'équivalent de 120 ha. Nous travaillons avec Optimum White depuis huit ans. La levure nous coûte 1 €/hl. Certains domaines voulaient obtenir des sauvignons plus ronds, plus gras. Nous l'ajoutions alors en fin de fermentation alcoolique. Au fur et à mesure des années, nous l'avons incorporé plus tôt, en sortie de débourbage, juste après l'ensemencement en LSA. Les vins ont gagné en qualité, avec des arômes plus nets, un fruité plus intense. Nous ajoutons Optimum White dans certaines cuves seulement, puis réalisons des assemblages pour obtenir des vins très fins. Aujourd'hui, il nous arrive toujours d'utiliser tardivement ce produit pour des vins que nous n'avons pas le temps d'élever sur lies. La richesse en bouche apparaît environ un mois et demi après l'ajout. Optimum White est aussi un bon produit lorsque les lies des fins de fermentation réduisent. On soutire alors la cuve et on l'ajoute. Il nous arrive aussi d'en ajouter aux moûts très sucrés, en préventif, lorsque la densité approche des 1030, pour s'assurer de bonnes fins de fermentation.

Le Point de vue de

ÉRIC LOMBARD, MAÎTRE DE CHAI AU CELLIER DE LA SAINTE BAUME, À SAINT-MAXIMIN (VAR)

« Booster Blanc rééquilibre nos rosés »

Nous vinifions autour de 25 000 hl chaque année, dont 95 % en rosé. Nous utilisons Booster Blanc de l'ICV depuis six ans, sur syrah, grenache, merlot et rolle blanc (vermentino). Nous en ajoutons 15 g/hl au début de la macération à froid sur les bourbes, qui dure entre une semaine et dix jours, puis à nouveau 15 g/hl au début de la fermentation. Ce produit augmente le fruité et apporte un peu de gras. Cela convient très bien à notre secteur, car les raisins arrivent tard à maturité et sont parfois un peu acides. Booster les rééquilibre.

Sur les conseils de notre oenologue, nous testons Punchy depuis 2014. Ce produit apporte encore plus de fruité, de notes de fruits exotiques et d'agrumes. Mais ces deux produits sont chers. Alors, nous ne les utilisons que sur nos vins haut de gamme.

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