En France, les chutes de hauteur dans les exploitations agricoles sont la première cause d'accidents mortels relevés par la Mutuelle sociale agricole (MSA). Sont nommées chutes de hauteur par cet organisme toutes « chutes causées par une différence de niveau »*. Cela va donc de la simple chute en marchant dans les vignes, aux chutes depuis un engin agricole ou du haut des cuves d'un chai. En 2014, 4 500 chutes de hauteur ont ainsi été recensées dont 489 dans des exploitations viticoles, soit une cinquantaine de plus qu'en 2013.
Face à ce constat, la MSA a fait de ce fléau son nouveau cheval de bataille. Ainsi, en concertation avec les ministères de l'Agriculture et du Travail, elle a établi un plan de santé au travail pour la période 2016-2020. Dans ce cadre, elle organise des réunions de sensibilisation auprès des agriculteurs, des formations collectives ou individuelles et participe à des salons professionnels.
Une campagne de communication a également été mise en oeuvre en collaboration avec d'autres régimes de protection sociale, notamment au travers du site internet www.chutesdehauteur.com, lancé fin 2015.
En viticulture, les chutes les plus fréquentes et les plus graves surviennent au cours des vendanges et des vinifications au chai. « Pendant les vinifications, il y a sans cesse des tuyaux qui traînent par terre, ce qui augmente le risque de chute », souligne Angéline Maupin, conseillère en prévention à la MSA Champagne-Ardenne. « En général, les plus gros accidents arrivent au moment de la monté ou de la descente des cuves ou sur les pressoirs », explique Martial Weber, de la MSA Gironde. Parfois, « ces accidents peuvent être mortels », déplore Angéline Maupin.
Pourtant, des solutions existent. Les passerelles et garde-corps en haut des cuves apportent ainsi plus de sécurité. « D'où la nécessité de bien penser en amont la conception de son chai en fonction de ses habitudes de travail », insiste Raynald Fraisy, conseiller en prévention à la MSA Picardie. Pour prévenir les risques de chute dans les cuves, notamment lors de déplacements sur les plateformes, « il suffit de couvrir le chapeau des cuves d'une grille. Ce qui n'empêche pas la vendange de passer », précise Martial Weber.
En ce qui concerne les pressoirs, « nous préconisons l'installation de garde-corps sur les plateformes en caillebotis », explique Angéline Maupin. En Champagne, les vignerons y sont réticents car cela gêne la réception des caisses de vendanges en haut du pressoir. « Or, il existe des barrières de type "écluse" ou "guillotine" qui s'ouvrent pour recevoir la vendange, puis se referment pour prévenir les chutes », souligne Angéline Maupin. Néanmois, à 3 000 € environ la barrière écluse en Inox, seuls les grands domaines semblent en mesure de s'en équiper. Sans compter qu'il y a le plus souvent deux points de chargement sur les pressoirs et donc deux barrières à prévoir. « Le problème, c'est que les frais liés aux aménagements supplémentaires sur les machines sont à la charge des vignerons », constate Martial Weber.
Pour les petits domaines, des astuces simples existent et à un prix raisonnable. À défaut de pouvoir installer des garde-corps partout, on peut déjà prévenir les chutes d'échelle. Pour cela, « il suffit de prévoir des crochets en haut des échelles et des systèmes antidérapants à leur base pour les stabiliser sur les cuves ou le pressoir », explique Angéline Maupin. Et de rajouter, « les constructeurs de pressoirs ont bien conscience du risque lié aux chutes ». En effet, ces derniers proposent de plus en plus à leurs clients du matériel de sécurité comme les plateformes et les barrières garde-corps et n'hésitent pas à les informer sur l'existence d'aides à l'investissement. Une manière détournée de vendre des aménagements optionnels, finalement nécessaires pour garantir la sécurité du personnel viticole au regard de la loi. Certes, des aides existent, mais à 3 000 € l'apport proposée par la MSA, il est normal que nombre de petites exploitations employant du personnel ne soient pas, à ce jour, en adéquation avec les règles de sécurité prônées par la MSA et l'Inspection du travail.
*www.msa.fr/lfr/sst/chute-de-hauteur
Quand une cave s'emploie à sécuriser ses salariés
Les Caves de Rauzan cherche à réduire les risques dans ses chais, notamment les chutes. Un travail que cette coopérative de près de 400 adhérents dans l'Entre-deux-Mers mène en étroite collaboration avec la MSA Gironde. « Il y a une quinzaine d'années, notre maître de chai a chuté d'environ 3 m dans le chai à barriques dans lequel se superposent six niveaux de fûts. Il s'en est sorti, mais ça aurait pu être plus grave. Depuis, nous avons équipé le chai de rails de sécurité et le personnel est tenu de porter des harnais », explique Angélique Guerin, responsable qualité et sécurité. En parallèle de l'aménagement du chai, la coopérative propose régulièrement des formations à son personnel et forme l'ensemble des saisonniers aux risques liés aux chutes de hauteur dès leur arrivée sur leur lieu de travail. Par ailleurs, en tant que membre de la Fédération des coopératives viticoles d'Aquitaine (FCVA), les Caves de Rauzan bénéficie une fois par an de la formation Sécuri'cave proposée par la fédération en collaboration avec la MSA Gironde. « Nous remettons continuellement notre chai aux normes pour assurer la sécurité des salariés. Mais, le plus important, c'est la sensibilisation du personnel aux risques de chutes de hauteur dans le chai », explique Denis Barot, président des Caves de Rauzau.
Aide financière simplifiée agricole, pensez-y !
Les investissements pour prévenir les chutes de hauteur dans les exploitations agricoles peuvent être pris en charge à 50 % par la MSA via l'aide financière simplifiée agricole (Afsa) plafonnée à 3 000 €. Pour prétendre à cette aide, les exploitations doivent être à jour dans la rédaction de leur document unique d'évaluation des risques et employer entre 0,5 et 10 équivalents temps plein. Si une exploitation entre dans les critères d'éligibilité de l'Afsa, un conseiller prévention de la MSA peut alors, à la demande du vigneron, se rendre sur l'exploitation pour évaluer les risques et les aménagements à prévoir. Il apporte ensuite son expertise pour valider le dossier de demande d'aides financières et les achats de matériel prévus. Chaque MSA régionale tient compte des spécificités agricoles locales. Le matériel éligible pour une demande d'Afsa peut donc varier d'une région à une autre. La validation des dossiers reste bien sûr conditionnée par la taille de l'enveloppe annuelle attribuée à chaque MSA.