Le vin voyage toujours plus dans le monde. En 2015, 102 millions d'hectolitres (Mhl) ont quitté leur pays d'origine pour être consommés ailleurs, contre 76 millions dix ans plus tôt. Dans cet immense marché mondial, quatre grands importateurs se hissent en haut du podium. Ce sont, dans l'ordre, l'Allemagne, le Royaume-Uni, les États-Unis et la Chine. À eux seuls, ils captent plus de 50 % des échanges mondiaux. Tous gardent une place de choix pour les vins français, souvent en haut de la gamme, à des prix très valorisants. Mais les concurrents se font de plus en plus pressants, que ce soit en vrac, dominé par la provenance espagnole, ou en bouteilles. Si bien que les parts de marché des vins français s'érodent.
Allemagne
L'Espagne rafle la mise
Outre-Rhin, c'est la stabilité qui prévaut. Les importations de vin stagnent en 2015 à 15,5 Mhl, contre 15,4 en 2014. S'il est le plus gros importateur de vins au monde, notre voisin allemand est également celui qui privilégie les prix bas. Il importe 58 % de ses vins en vrac et capte 23 % des échanges mondiaux de ce segment en volume en 2015. L'Italie et l'Espagne sont ses partenaires privilégiés et le second s'affirme toujours plus. « Ces dernières années, les vins d'Espagne ont connu une belle croissance en Allemagne », confirme Denis Abraham, du bureau de Business France basé à Düsseldorf. En effet, entre 2010 et 2015, l'Espagne a gagné 4 points de parts de marché sur le segment du vrac (de 17 à 31 %), faisant désormais jeu égal avec l'Italie qui, dans le même temps, en perdait 9 (passant de 43 % de parts de marché à 32). Tous produits confondus, l'Espagne a fourni 3,7 Mhl de vrac pour 383 millions d'euros en 2015. C'est 30 % de plus qu'il y a cinq ans. L'Espagne devance la France qui a livré 2,6 Mhl pour 686 millions d'euros.
Le secret : des prix imbattables. Selon Business France, le prix moyen du vrac en provenance d'Espagne s'est élevé à 97 €/hl, contre 299 €/hl pour les vins français. « Et 53 % de ces vins espagnols sont encore plus compétitifs, ne valant que 34 €/hl. Ces derniers servent à élaborer des vins mousseux dont les Allemands sont très friands. »
En effet, les bulles fascinent les consommateurs d'outre-Rhin, et plus particulièrement les consommatrices. « La France a une certaine image à défendre, mais on ne l'attend pas sur les entrées de gamme, assure Denis Abraham. Les crémants séduisent de plus en plus, au même titre que les champagnes de vignerons, mais pour des consommations liées à des événements particuliers. » France-AgriMer observe d'ailleurs une légère reprise des importations de vins mousseux français par l'Allemagne en 2015 (+2 % par rapport à 2014). Une bonne nouvelle dans un marché où la stabilité domine.
En bouteilles, la France reste le deuxième fournisseur et détient 17 % des parts de marché, derrière l'Italie (43 %) et devant l'Espagne (15 %). « Les vins français bénéficient d'une excellente image, rassure Denis Abraham. Les consommateurs allemands y sont très sensibles. Tout le monde l'a bien compris, même les discounters qui donnent des noms à consonance française à leurs produits. Certaines études tendent même à démontrer que la France serait leader sur les ventes en ligne, qui représentent 5 % des ventes de vin en Allemagne. »
Et même si la grande majorité des achats s'effectue en grande surface, Denis Abraham observe avec bonheur une nouvelle génération de cavistes et sommeliers, tout juste entrés dans la vie active, se faire les défenseurs du vin français : « Ce sont des jeunes gens qui ont découvert les vins bon marché chez les discounters, mais ils en sont revenus. Aujourd'hui, pour eux, la France est un incontournable. »
Royaume-Uni
Les vins français champions en valeur
La France a pendant longtemps été le premier fournisseur de ses voisins anglais, lesquels se voient bien obligés d'importer la quasi-totalité des vins qu'ils consomment, soit 13,6 Mhl en 2015.
Mais depuis les années 2008-2009 et la crise financière, Italiens et Australiens ont su s'imposer en volume. Ils ont pris, respectivement, les deux premières places devant la France.
« Ce n'est pas nouveau, rappelle Olivier Prothon, chez Business France, à Londres. Les vins australiens sont leaders sur le circuit off trade (vente pour la consommation à domicile) depuis près de dix ans grâce à leurs marques mettant en avant les cépages. Et les vins italiens sont très tendance. »
Il y a le pinot grigio, un cépage qui produit des blancs faciles à boire et le prosecco, bien sûr. Vendus à un prix raisonnable, ces vins correspondent à une « consommation spontanée » et sans chichi, recherchée par les Britanniques.
Contrairement à l'Australie, l'Italie progresse aussi en valeur, au point de talonner la France si l'on exclut le champagne. En 2015, le Royaume-Uni a importé pour 749 millions d'euros de vins italiens (+11 % par rapport à 2014). En comparaison, la valeur des vins français s'est établie à 757 millions d'euros, hors champagne, et à 1,2 milliard, champagne inclus. Deux chiffres en petite hausse.
Les vins tricolores restent donc champions en valeur. Selon FranceAgriMer, ils ont même vu leurs prix revalorisés en 2015. Olivier Prothon détaille : « Le vin français est leader sur le circuit on trade (vente en restauration) et sur Internet. » Deux secteurs valorisants.
Au Royaume-Uni, un segment est particulièrement dynamique : celui des bulles, avec des importations en hausse de 70 % en volume entre 2010 et 2015. Là encore, les parts de marché de la France reculent, de 48 à 20 %, dans un marché qui est passé de 400 000 hl à 1,3 Mhl. Dans le même temps, l'Italie est passée de 13 % à 59 % des effervescents importés.
« Le prosecco a décloisonné le marché des vins mousseux, très figé, analyse Olivier Prothon. Il plaît par son côté universel : riches et moins riches peuvent en boire. Et surtout, il a été géré par des opérateurs italiens réactifs et inventifs. »
Mais, compte tenu du prix élevé du champagne, la France représente toujours 60 % de la valeur des importations d'effervescents.
États-Unis
Le carton des vins italiens
Premier pays consommateur de vins au monde, avec 31 millions d'hl en 2015, les États-Unis importent chaque année près de 11 millions d'hl dont un bon quart d'Italie. « Les vins italiens se sont imposés, note Caroline Blot, de FranceAgriMer. Les restaurateurs italiens ont appris aux Américains comment boire le vin en toutes occasions. Or, ils sont très friands de ce genre d'information. »
Résultat, l'Italie est le premier fournisseur des États-Unis, apportant 28 % des volumes importés pour 31 % de la valeur. De plus, ses expéditions sont en hausse constante, tant en volume qu'en valeur.
Mais la France reste une référence, notamment pour accompagner les événements exceptionnels : ses hauts de gamme sont leaders. C'est pourquoi elle se hisse à la deuxième place pour la valeur des importations, derrière l'Italie, bien qu'elle ne soit que le quatrième fournisseur des États-Unis en volume (11,6 % du marché), derrière le Chili (12 %), l'Australie (15 %) et l'Italie.
Comme l'Italie, la France a le vent en poupe. En 2015, ses expéditions vers les USA ont progressé de 10 % en volume par rapport à 2014 (1,3 Mhl) et de 22 % en valeur (1,4 milliard d'euros).
Outre-Atlantique aussi, les bulles connaissent un bel essor porté par l'Italie. En 2000, les États-Unis importaient 400 000 hl d'effervescents, dont près de la moitié de France. Quinze ans plus tard, ils font entrer près d'un million d'hectolitres dont 51 % d'Italie, contre 28 % de France. Le Prosecco et ses consorts ont conquis le public grâce à un prix très compétitif de 4,85 €/l en moyenne, contre 21 €/l pour les pétillants français (champagne et mousseux) et 30 €/l pour le seul champagne.
Dernier point : l'Australie, le Canada et le Chili font mouche sur le marché du vrac qui a explosé à partir de 2005, passant de moins de 500 000 hl importés à près de 2,8 millions en 2015. « Avec la crise de 2008, les États-Unis ont voulu importer des vins moins chers. Mais ce phénomène se stabilise depuis 2012 », remarque toutefois Caroline Blot.
Chine
La France toujours leader
En Chine, les choses évoluent très vite. La sévère crise des années 2013-2014 est déjà passée. « En 2015, les importations de vins français en Chine ont progressé de 31 % en volume et de 27 % en valeur par rapport à 2014, observe Hélène Hovasse, du bureau de Business France à Shanghai. Ce mouvement se confirme sur les premiers mois de l'année 2016, ce qui est très encourageant. »
Pour la Chine, 2015 a été marquée par une reprise des importations toutes origines confondues, avec 5,5 Mhl contre 3,8 millions en 2014. La France capte 31 % de ce flux. Elle est suivie de près par le Chili qui, avec 28 %, réduit son écart. « Le Chili, tout comme l'Australie, bénéficie d'accords de libre-échange. Cela explique leur progression », souligne Hélène Hovasse.
Alors qu'historiquement ces pays vendaient surtout des vins en vrac à la Chine, ils attaquent la France sur le marché de la bouteille. « Les Australiens placent des vins chers, parfois plus chers que les vins français. Quand le coeur de gamme se situe entre 80 et 150 yuans (entre 11 et 20 euros environ), leurs vins peuvent atteindre 250 yuans et plus (34 euros). »
En Chine, les consommateurs sont très attachés aux marques. Ils les jugent rassurantes. Un terrain que maîtrisent les Australiens et où la France, avec ses multiples appellations, peut sembler désavantagée. Mais Hélène Hovasse se veut rassurante : « Les noms "France" et "Bordeaux" ont valeur de marque. »
En 2015, la France a ainsi exporté 1,7 Mhl en Chine pour 814 millions d'euros. Derrière elle, le Chili atteint 1,5 Mhl, pour seulement 211 millions d'euros. La France reste donc largement leader en valeur, même sans « effet champagne », les Chinois étant encore frileux face aux bulles.
Frileux ? De moins en moins. « En 2015, les importations de champagne ont augmenté de 27 % en volume et de 54 % en valeur selon nos chiffres, analyse Hélène Hovasse. Les grandes marques s'imposent, mais il est plus compliqué de réussir pour des noms moins connus, avec moins de moyens marketing. »
Dans cet immense pays, les ventes se partagent entre les supermarchés (où les grandes enseignes françaises sont bien implantées et offrent au vignoble une jolie vitrine) et l'hôtellerie-restauration. Mais un nouveau circuit fait irruption : Internet. « Il permet à une population plus large que les seuls habitants des grandes villes d'accéder au vin », fait remarquer Hélène Hovasse. D'où l'intérêt d'avoir un site internet en mandarin pour permettre aux Chinois de se renseigner directement !