« Pendant des années, on nous a expliqué qu'il fallait produire peu pour produire du bon. Aujourd'hui, on s'aperçoit que les vignes peu productives ne donnent pas les meilleurs blancs ni les meilleurs rosés », constate Julien Henry, qui ne craint pas de défier les dogmes.
Ce jeune viticulteur est en train de reprendre le domaine familial de l'Isle Saint-Pierre, en Camargue, après avoir été architecte. L'an dernier, il a récolté 126 hl/ha en moyenne. Ses rendements sont allés de 60 à 70 hl/ha sur les parcelles destinées aux rouges vendus en bouteille, jusqu'à plus de 200 hl/ha avec un cépage comme le vermentino.
L'Isle Saint-Pierre produit 24 000 hl par an dont 8 000 à 9 000 hl de vin de France. Il vend 20 % de sa production en conditionné sous vingt références : quatre en IGP Méditerranée, les seize autres en vin de France, à des prix supérieurs à l'IGP. « Sur le marché français, pour des vins de consommation courante, l'indication géographique n'a pas beaucoup d'intérêt. À l'export, elle n'est pas nécessaire car l'origine France est porteuse. En fait, ce qui est gênant avec les vins de France, c'est qu'il faut se passer de la mention "domaine" sur les étiquettes. On s'en sort en mettant en avant la marque Isle Saint-Pierre », explique le vigneron.
En vrac, Julien Henri a vendu sa récolte 2015 au prix moyen de 80 €/hl. « Finalement, il y a peu de différence entre le prix des IGP et celui des sans IG. L'an dernier, nous avons vendu nos chardonnays Vin de France quasiment au prix des IGP », constate-t-il.
Avant lui, son père Patrick Henry avait déjà pris la voie d'un vignoble productif, misant sur des hauts rendements et des faibles coûts de production pour assurer un bon revenu. Dans ce but, il a converti son vignoble à la taille mécanique. Aujourd'hui, les 200 ha du domaine sont taillés mécaniquement.
« Nous avons fait le pari de la mécanisation. C'est coûteux au départ à cause de l'investissement en matériel. Le coût d'implantation du vignoble est 10 à 15 % supérieur à un mode de conduite traditionnel. Mais on s'y retrouve au bout de quatre à cinq ans car nos frais de main-d'oeuvre sont réduits. On est 3,5 équivalents temps plein à l'année pour travailler nos 200 ha de vigne », explique le jeune homme.
« Avec la taille mécanique, on peut réguler le rendement comme avec la taille manuelle. L'avantage, c'est que la production est beaucoup plus homogène et régulière. En outre, on observe moins de maladies de bois », assure-t-il.
Julien Henri évalue ses coûts de production entre 4 500 et 4 800 €/ha. Son chiffre d'affaires se situe entre 9000 et 9 500 €/ha. « Nous sommes dans un équilibre fragile car nous avons beaucoup investi dans le foncier, les plantations et le matériel. Grâce aux vins de France, on peut se battre sur un marché mondial. Sinon, on ne pourrait pas être compétitif. »