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VIGNE

Ceps Sicavac La Rolls des plants de vigne

CHRISTELLE STEF - La vigne - n°291 - novembre 2016 - page 56

Les vignerons du Centre lancent la société commerciale Ceps Sicavac, une marque de plants haut de gamme assortie d'un cahier des charges drastique. Quatre pépiniéristes se lancent dans l'aventure.
PIERRE MORIN, viticulteur à Bué, et président de Ceps Sicavac, tenant le cahier des charges particulièrement exigeant de Ceps Sicavac. © C. FAIMALI/GFA

PIERRE MORIN, viticulteur à Bué, et président de Ceps Sicavac, tenant le cahier des charges particulièrement exigeant de Ceps Sicavac. © C. FAIMALI/GFA

De la haute couture. C'est ainsi que Christophe Hébinger qualifie les plants de sauvignon qui seront produits selon le cahier des charges de Ceps Sicavac. Ceps Sicavac ? C'est une SAS détenue par chacune des sept ODG du Centre-Loire, l'interprofession des vins du Centre-Loire et la Sicavac. L'objectif : produire les plants les plus sains et les plus robustes possibles. « Ils devraient mieux résister aux aléas climatiques et donner des plantations plus régulières », explique François Dal, conseiller viticole à la Sicavac. « On ne garantit pas que ces plants resteront indemnes de maladie du bois. Mais s'ils sont mieux armés au départ, ils résisteront mieux », ajoute Pierre Morin, viticulteur à Bué, dans le Cher, et président de Ceps Sicavac.

Pour parvenir à leurs fins, les professionnels ont élaboré un cahier des charges de six pages qui prend en compte toutes les étapes de production d'un plant, à commencer par les greffons. Les pépiniéristes doivent ainsi se fournir obligatoirement chez Ceps Sicavac « car nous sommes sûrs de la rigueur que nous apportons pour les produire », indique François Dal.

Ceps Sicavac leur propose deux sélections massales et quatre clones de sauvignon : les 108, 376, 159 et 906. La sélection « Typicité » est composée de 194 lignées. « On obtient des arômes typiques du sauvignon, avec de la vivacité, et une productivité de moyenne à forte », détaille François Dal. Quant à la sélection « Excellence », elle se compose de 134 lignées. « Elle est davantage destinée aux vins de garde, avec une maturité plus aboutie et des rendements plus faibles. » Pour obtenir ces greffons, Ceps Sicavac a planté 4 ha de vignes mères dans les coteaux du Giennois dont trois en sélection massale.

Cet hiver, la structure mettra ses premiers greffons à la disposition des pépiniéristes partenaires. Mais la quantité sera limitée. « Notre potentiel se situera autour de 100 000 à 150 000 yeux », précise Pierre Morin.

Autre exigence du cahier des charges : les porte-greffes doivent impérativement être produits par le pépiniériste partenaire et palissés. Ils ne doivent pas recevoir d'herbicides, tout comme les plants en pépinière. Et seule la fertilisation organique est permise. L'aspersion, elle, est exclue après le débourrement « pour ne pas augmenter la pression phytosanitaire ». L'irrigation au goutte à goutte est la seule autorisée. La densité de plantation est plafonnée à 250 000 greffes par hectare « pour que les plants aient suffisamment de place pour bien se développer », justifie François Dal.

Les pépiniéristes ont également l'obligation de laisser le sol reposer six ans contre quatre ans avant de réinstaller une pépinière au même endroit. Enfin, ils doivent proposer au moins deux types de greffe différents.

Chaque étape clé de l'élaboration des plants (récolte des porte-greffe, greffage, plantation en pépinière, arrachage, tri...) sera contrôlée par un technicien de la SAS. « Cette personne passera cinq ou six fois chez chaque pépiniériste », explique François Dal. De leur côté, les viticulteurs doivent commander les plants au moins un an à l'avance.

Aujourd'hui, quatre pépiniéristes ont signé un contrat pour vendre des plants Ceps Sicavac : Hébinger en Alsace, Gibault dans le Maine-et-Loire, Mercier en Vendée et Sauger dans le Loir-et-Cher. Deux d'entre eux vont démarrer la production dès cet hiver, les autres l'année prochaine.

« On a présenté le projet à 220 pépiniéristes. Une douzaine s'est montrée intéressée. Mais seulement quatre ont adhéré. Le palissage obligatoire des porte-greffes en a bloqué beaucoup », reconnaît François Dal.

Christophe Hébinger a vite souscrit à cette démarche. « Nous répondons déjà à des cahiers des charges complexes et nous travaillons de petits lots », explique-t-il. Et, sur les 5 ha de vignes mères de porte-greffes qu'il possède, 3,5 ha sont palissés. Le pépiniériste alsacien devra embaucher un peu plus de personnel et planifier ses opérations à l'avance pour que le technicien de Ceps Sicavac puisse venir le contrôler au moment opportun.

Même chose pour les pépinières Gibault. « Nous avions déjà commencé à palisser nos porte-greffes sur table et nous allons continuer dans ce sens. Mais cela demande davantage de travail et de main-d'oeuvre car il faut remettre régulièrement les bois sur la table de palissage et enlever les entre-coeurs. Cela engendre des surcoûts qu'il faudra absorber. »

En revanche, chez Sauger et Mercier, la production ne démarrera qu'en 2018. Philippe Sauger a dû investir dans des vignes mères de porte-greffes palissées. « J'en ai planté 1,5 ha en 2015 et 3 ha en 2016. J'en replanterai 1,5 ha en 2017. Je pourrai ainsi fournir du 41 B, 3309, SO4, Fercal, 5BB et RSB 1 », détaille-t-il. Mais l'installation de telles vignes est coûteuse. « Il faut compter entre 10 000 et 12 000 €/ha. » Sans oublier que leur conduite demande davantage de personnel.

Chez Mercier, certaines méthodes de production ont aussi dû être revues. Le pépiniériste vendéen possédait des vignes palissées mais elles étaient traitées avec des herbicides. Il a donc installé une bâche tissée sur le rang et prévoit de travailler les interrangs avec un cultivateur.

Une chose est sûre : les plants seront plus chers, d'autant que les greffons sont vendus avec un surcoût « pour financer le technicien chargé du contrôle », justifie François Dal. Selon les pépiniéristes, il faudra débourser entre 2,30 et 2,50 € pour un plant traditionnel. « C'est le prix de la qualité. Si ces plants vivent ne serait-ce qu'un an de plus, ce surcoût sera largement rentabilisé », justifie Pierre Morin.

Un projet qui a démarré en 2010

Tout est parti d'un constat. « Les maladies du bois n'ont cessé de progresser dans notre vignoble, surtout pour le sauvignon. Des jeunes vignes sont atteintes de plus en plus tôt. On s'est alors penchés sur le plant de vigne », explique Pierre Morin, le président de Ceps Sicavac. En 2010, les vignerons créent une commission spécifique au sein de la Fédération des unions viticoles du Centre. Puis, ils se lancent dans un tour de France des pépinières et des instituts techniques. Ils ont ainsi visité une dizaine d'entreprises. « On a découvert le métier de pépiniériste. On a pioché à droite et à gauche les pratiques qui nous paraissaient les plus qualitatives. On n'a rien inventé », rapporte Pierre Morin. Dans le même temps, les vignerons voulaient sécuriser leurs sélections massales de sauvignon. Ainsi est né Ceps Sicavac.

Une demande qui est déjà là

Les vignerons ont répondu présent. Le 15 septembre, Ceps Sicavac a convié les professionnels du Centre-Val de Loire à la présentation de son projet. Une centaine de viticulteurs se sont déplacés. Ils ont pu rencontrer les quatre pépiniéristes partenaires et visiter les vignes mères de greffons. « J'ai déjà des commandes. Je suis surpris de la vitesse à laquelle les vignerons se manifestent », indique Christophe Hébinger, des pépinières éponymes en Alsace, l'un des partenaires du projet. Son confrère du Maine-et-Loire, Grégory Gibault, confirme : « J'ai déjà des coups de fil. » Cette année, la disponibilité en greffons reste limitée mais elle va aller crescendo. « Notre priorité est de fournir d'abord les viticulteurs de la région. Mais nous n'excluons pas d'en proposer aux autres régions lorsque nous aurons plus de disponibilités. Certains se sont déjà montrés intéressés. Nous pourrions donc faire des émules », précise Pierre Morin, le président de Ceps Sicavac.

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