Quels sont les besoins de ma vigne en azote ? Des apports sont-ils nécessaires ? Si oui, à quelle hauteur ? Telles sont les questions que se posent bon nombre de viticulteurs chaque année. Mais aucun outil ne les aidant à y répondre, ils ne peuvent compter que sur leur expérience. C'est à partir de ce constat qu'est né le projet « N-pérennes ». L'objectif : mettre au point un outil de conseil en fertilisation azotée, adapté à la vigne et l'arboriculture. Une mission confiée à l'IFV et à différents partenaires*.
Les porteurs du projet se sont fondés sur un outil existant en grandes cultures : Azofert. Mais ce qui est vrai avec le blé ou la betterave, ne l'est pas en viticulture. Ainsi, les besoins en azote ne sont pas comparables. Pour la vigne, « ils sont essentiellement déterminés par les rendements. Pour une parcelle en AOC rouge à 50 hl/ha, les besoins sont de l'ordre de 40 kg d'azote par hectare et par an. Pour une vigne en blanc à 80 hl/ha, il faut compter environ 15 kg de N/ha en plus, soit 55 kg », explique Jean-Yves Cahurel, de l'IFV pôle Bourgogne-Beaujolais. L'IFV et ses partenaires ont donc dû revoir de nombreux paramètres.
Après plusieurs mois de travail, ils ont présenté le 18 octobre à près d'une cinquantaine de personnes un prototype baptisé N-pérennes. L'utilisateur se connecte via une interface de saisie en ligne. Il arrive sur des onglets qu'il doit renseigner : type de sol, mode d'entretien du sol, devenir des bois de taille, objectif de rendement...
Parmi tous ces paramètres, le type de sol est l'un des plus déterminants. « La minéralisation de l'azote est plus rapide dans les sols sableux. Dans les sols argileux et calcaires, elle est plus lente car la matière organique forme des complexes avec l'argile et les carbonates », précise Jean-Yves Cahurel. Autre critère important : les données climatiques qui déterminent la vitesse de minéralisation de l'azote. Celle-ci est « optimale quand il fait 30 °C et que l'humidité du sol est à la capacité au champ », précise l'expert. Une fois qu'il a rempli tous les champs, l'utilisateur lance l'analyse. L'outil lui indique s'il doit apporter de l'azote et combien.
Pour évaluer la fiabilité du modèle, les concepteurs ont confronté ses préconisations à des résultats d'essais. Pour l'heure, celles-ci ne sont correctes que dans 51 % des cas. « L'outil doit encore évoluer », admet Jean-Yves Cahurel. Une fois opérationnel, il sera destiné aux conseillers et aux viticulteurs avertis. Restera juste à lui trouver un nom « plus vendeur ».
* Inra, LDAR, Montpellier SupAgro, Acta, chambres d'agriculture, Comité Champagne, Bnic et CEHM.
Favorisez une bonne mise en réserve
Jean-Pascal Goutouly, de l'Inra de Bordeaux, a jeté un pavé dans la mare. « Dans certains cas, quand la sécheresse des sols devient récurrente en arrière-saison, il serait utile de pulvériser de l'azote foliaire pour renforcer les réserves », a-t-il expliqué. En effet, comme toutes les plantes pérennes, la vigne démarre son cycle végétatif en puisant dans ses réserves carbonées et azotées localisées dans le tronc et les racines. Ce n'est qu'à partir du stade 3 à 5 feuilles étalées, qu'elle commence à absorber l'azote du sol. Favoriser une bonne mise en réserve est donc primordial, d'où l'importance de maintenir un feuillage fonctionnel le plus longtemps possible. « Laisser trop de mildiou mosaïque ou prétailler avant la chute des feuilles peut compromettre la mise en réserve, ce qui risque, à la longue, d'engendrer un stress nutritionnel lors de la reprise, au printemps. »
Deux outils pour détecter les carences
Spad et Multiplex sont deux appareils de mesure du statut azoté des vignes. Aurélie Métay, maître de conférences en agronomie à SupAgro, et Angélique Christophe, chercheuse à l'Inra de Montpellier (UMR Lepse), ont testé ces deux appareils en conditions contrôlées pour savoir s'ils sont à même de déceler précocement une carence. À cette fin, elles ont cultivé des plants de syrah dans des pots avec différentes quantités d'azote : 0 ; 1,2 g ; 2,4 g ou 12 g par cep. « Dès la floraison, le Spad a permis de détecter les situations de carence extrêmes. À la fermeture de la grappe, il a correctement discriminé les différents traitements. Avec le Multiplex, les résultats sont moins parlants », a expliqué Aurélie Métay. Le Spad semble donc intéressant, mais il nécessite d'être calibré.