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VIN

BIB Bien choisir ses matières sèches

MARION BAZIREAU - La vigne - n°292 - décembre 2016 - page 48

Il est facile de se perdre dans l'offre en matières sèches pour Bib (poche, robinet, carton) car les fournisseurs sont nombreux et les normes de qualité encore insuffisamment établies. Quatre experts livrent ici leurs conseils.
DES POCHES ÉTANCHES À L'OXYGÈNE protègent le vin mais il suffit d'une aération au remplissage pour raccourcir sa durée de vie de plusieurs mois. ©  C.WATIER

DES POCHES ÉTANCHES À L'OXYGÈNE protègent le vin mais il suffit d'une aération au remplissage pour raccourcir sa durée de vie de plusieurs mois. © C.WATIER

À première vue, l'offre de matériaux pour la fabrication de Bib est restreinte. En France, on ne compte qu'un seul fabricant de poches : Smurfit Kappa. Cependant, les choses se compliquent quand on regarde les catalogues des distributeurs. « Ils peuvent se procurer des poches, cartons et robinets en Israël, en Espagne, en Chine ou en Europe de l'Est, au risque de faire passer le prix avant la qualité », regrette Frédérique Vimont, responsable R & D chez Vitop.

Cela ne poserait pas de difficulté particulière si le vigneron avait les moyens de comparer la qualité des matières sèches. Il pourrait alors choisir sans se tromper une poche solide et dotée d'une bonne étanchéité à l'oxygène, ainsi que des cartons résistants pour se prémunir des fuites.

« Le problème, c'est que les tests ne sont pas encore standardisés. Par exemple, pour mesurer la perméabilité des poches à l'oxygène, c'est-à-dire l'OTR (taux de transfert d'oxygène ou Oxygen Transfert Rate), certains fabricants utilisent une méthode gaz/gaz, d'autres une méthode gaz/liquide. Forcément, ils obtiennent des valeurs différentes. Même chose pour les robinets. » En effet, pour les Bib de 3 l et 5 l, la méthode gaz/liquide donne des valeurs d'OTR deux fois plus faibles pour un même film que la méthode gaz/gaz, le vin faisant barrage au passage de l'oxygène. Voici donc les conseils à suivre pour y voir clair dans ce marché encore opaque.

Poches

Métal imperméable, plastique résistant

Le plus souvent, les poches de Bib sont composées de deux films. Le premier, au contact du vin, est en polyéthylène. Le second fait barrière à l'oxygène. Il est soit en Evoh, une association de copolymères d'éthylène et d'alcool vinylique, soit en PETmet, un polyester métallisé.

Philippe Sapin, gérant de Technibag, une entreprise qui conçoit des machines de remplissage de Bib, explique les avantages et inconvénients de chacun de ces matériaux. « Généralement les films métallisés sont plus imperméables à l'oxygène. Ils laissent entrer entre 0,5 et 0,7 cm3 d'O2 par m2 et par jour, avec une méthode gaz/gaz contre 1,2 à 1,5 cm3/jour pour l'Evoh. Plus l'OTR d'une poche est faible, plus la durée de vie du vin sera longue pour un niveau de sulfitage et une prise d'oxygène équivalents au conditionnement », rappelle-t-il.

Mais l'aluminium a un gros défaut : il est peu flexible. Lorsqu'il frotte le carton du Bib, il se fissure et laisse passer davantage d'oxygène. C'est ce que l'on appelle le flex cracking, qui peut aller jusqu'à la fuite de vin. « Pour empêcher cela, il faut absolument choisir un carton dont le volume est supérieur de 0,5 litre à celui de la poche », prévient-il. Et éviter les longs transports.

L'Evoh est moins sensible aux frottements. Il convient bien à l'exportation, à condition que le pays de destination ne soit pas trop humide (lire encadré à gauche). « Il est aussi plus écologique et coûte souvent moins cher, complète Audrey Denux, coordinatrice des approvisionnements pour Viniforce, centrale de référencement de matériel et de fournitures de chai pour seize distributeurs français. Transparent, il permet en outre un contrôle visuel du remplissage de la poche. » C'est le type de poche le plus vendu.

Smurfit Kappa distribue deux poches en Evoh. La première comprend trois films et fait 60 µm d'épaisseur. L'entreprise propose également une poche renforcée de 90 µm. Chez Viniforce, Audrey Denux explique que les poches renforcées conviennent bien aux vignerons qui constatent souvent des fuites lors du remplissage. « Elles sont aussi utiles aux vignerons qui expédient leur vin au loin. »

Quel que soit votre choix, demandez toujours à votre distributeur l'OTR de sa poche, la méthode utilisée pour le déterminer, le nombre de films qui la composent (attention aux monofilms) et leur épaisseur.

Robinet

Attention aux copies

Trois gros fabricants se partagent le marché du robinet pour Bib : Vitop (groupe Smurfit Kappa), Worldwide Dispensers et Scholle. En France, Vitop devance largement ses concurrents. « Quel que soit le robinet que le vigneron choisit, il doit s'assurer qu'il est inviolable, étanche et qu'il laisse passer peu d'oxygène », énonce Sophie Vialis

« Chez Vitop, nous ne proposons qu'un seul type de robinet pour le vin, complète Frédérique Vimont. Il résiste aux fortes chaleurs, et donc aux livraisons estivales. Il est également pourvu d'un système antigouttes. »

Fabricant de tireuses pour Bib, Philippe Sapin conseille en outre aux vignerons de vérifier la compatibilité du robinet avec leur machine ou celle de leur prestataire. « La question est d'actualité depuis cinq ans. Le brevet du Vitop est tombé dans le domaine public et beaucoup de copies arrivent sur le marché. Rien que cette année, on décompte trois nouveaux modèles proches du Vitop. C'est très bien, ça tire les prix vers le bas - le robinet pouvant représenter jusqu'à la moitié du prix d'un Bib - mais attention aux mauvaises surprises : on a vu des robinets impossibles à sortir du goulot avec les tireuses du marché. » Dernier conseil : demander au fabricant le certificat d'alimentarité des robinets.

Carton

Tout est dans la cannelure

Le carton doit être plus ou moins résistant en fonction du mode et du lieu de stockage des Bib. « Pas besoin de prendre du haut de gamme si le Bib voyage peu et s'il est stocké dans un endroit sec, confirme Audrey Denux. En fait, plus la zone est humide, plus le carton est susceptible de gonfler, et plus il doit être solide. » Même raisonnement si les cartons doivent supporter de lourdes charges, à force de gerbage. Il faut alors jouer à la fois sur le grammage du papier et sur le type des cannelures.

Un carton est généralement composé de deux papiers extérieurs recouvrant un papier ondulé, la cannelure. Celle-ci peut être plus ou moins dense et épaisse. Les cannelures sont classées par lettre, de E pour une microcannelure de 3,2 mm de pas (distance entre deux sommets consécutifs) et de 1,1 mm de hauteur, jusqu'à A pour une grande cannelure de 8,6 mm de pas et de 4,1 mm de hauteur, cette dernière étant la plus solide.

« Sur un Bib de 10 l, la double cannelure EB est de rigueur, préconise Audrey Denux. Pour le 5 l, la tendance est plutôt à de la simple cannelure mais avec un papier résistant, du kraft plutôt que du papier recyclé. Pour le 3 l, une simple cannelure E suffit. »

Ne reste plus qu'à choisir un type d'impression, puis à préparer soigneusement le tirage. « Des matières sèches de qualité permettent de rallonger la vie du vin de quelques semaines. Mais il suffit d'une prise d'oxygène incontrôlée au remplissage pour la raccourcir de plusieurs mois », prévient Frédérique Vimont.

Zones humides Avantage à l'aluminium

Les poches en plastique conviennent parfaitement aux Bib vendus dans les pays au climat frais ou tempéré. Dans ces conditions, l'Evoh est même la matière la plus performante. Les choses se corsent pour les destinations chaudes ou humides. Entre 2012 et 2015, Julien Ducruet, professeur à la Haute École de viticulture et d'oenologie de Changins (Suisse) a évalué la perméabilité des poches dans plusieurs conditions de température et d'hygrométrie. Dans tous les cas, l'augmentation de la température va de pair avec une plus grande pénétration d'oxygène dans le Bib. Ainsi, la quantité d'oxygène qui pénètre dans l'Evoh passe de 0,43 à 21,72 mg par litre de vin et par mois lorsque la température grimpe de 6 à 40 °C pour une humidité relative de 70 %. Mêmes conséquences pour les poches en aluminium. Mais celles-ci ne souffrent pas des montées en hygrométrie, contrairement à l'Evoh, dont la perméabilité fait plus que doubler quand l'humidité relative passe de 10 à 70 %, pour une température de 40 °C. L'augmentation de l'humidité va également de pair avec le gonflement de la poche, qui peut venir s'abîmer contre le carton.

Maîtrisez le tirage

Le remplissage des Bib a encore plus de conséquences que les matières sèches sur la qualité des vins. Pour ne pas ruiner vos efforts, il faut bien le préparer. Chez Inter Rhône, Sophie Vialis compte trois semaines. « C'est le délai nécessaire pour vérifier la stabilité microbiologique du vin et sa teneur en SO2. Celle-ci doit être analysée une première fois trois semaines avant la mise en Bib, réajustée si nécessaire et analysée une dernière fois une semaine avant. » Les doses recommandées varient d'un vin à l'autre. Dans un Bib, le SO2 libre doit être compris entre 30 et 45 mg/l (contre 25 à 40 mg/l dans une bouteille). Visez le haut de cette fourchette si vous exportez ou si vos vins partent dans des circuits commerciaux longs. Le jour J, serrez les raccords, vérifiez les joints, nettoyez bien la chaîne et avinez le circuit. Pensez également à inerter : sans cela, vous apporterez autour de 8 mg/l d'O2 au vin lesquels consommeront 20 à 32 mg/l de SO2 libre. Puis réglez la table de remplissage de façon à trouver l'inclinaison qui laisse le plus petit cône d'air. Un cône de 8 cm renferme 9 mg/l d'oxygène, alors que 5 cm ne laissent passer que 2,5 mg/l, une valeur jugée correcte par les experts. En 2012, Inter Rhône a montré que la teneur en SO2 libre d'un vin blanc recevant 4,5 mg/l d'oxygène au remplissage chute de 82 % au bout de sept semaines par rapport à un témoin bien protégé. Enfin, réservez vos Bib de début et de fin de tirage, plus fragiles, aux circuits courts ou à la vente au caveau.

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