Stéphanie Gressier, directrice départementale Dordogne à la Safer Aquitaine, l'assure : « Dans l'appellation Pécharmant, les transactions ne se font plus forcément entre membres d'une même famille. Des investisseurs extérieurs interviennent. Le marché s'ouvre. La demande est forte. » Pour preuve, pas moins de sept candidats étaient sur les rangs pour un vignoble en mauvais état qui s'est vendu 35 000 €/ha l'an dernier. Pour des vignes en très bon état, comptez jusqu'à 45 000 €/ha. En 2016, au total, une dizaine d'hectares se sont vendus en Pécharmant.
Dans l'ensemble du vignoble de Dordogne (11 500 ha), 144 ha ont changé de main en 2016, contre 208 ha en 2015. Une baisse sensible. « Le marché s'est un peu endormi, reconnaît Jean-Marc Cornée, conseiller gestion Cerfrance Dordogne. Nous sommes face à une viticulture à deux vitesses. D'un côté, des structures vieillissantes sans objectif, ni réelle vision. De l'autre, des exploitations qui ont des projets ou qui sont reprises par des investisseurs extérieurs qui apportent du sang neuf. »
C'est le cas d'Éric Faucheux, ex-ingénieur chez PSA. En juin 2016, il rachète avec son épouse Château Moulin Garreau après avoir suivi une formation. La propriété est implantée à Lamothe-Montravel. Elle couvre 9 ha en bio, en appellations Montravel et Bergerac. Un bâti et des vignes en très bon état situés sur un beau coteau argilo-calcaire acquis pour 540 000 €. « Dans le Bordelais, pour ce prix, on me proposait des vignes mal entretenues. En Dordogne, j'ai découvert un marché beaucoup plus abordable », explique-t-il. Il se démène pour vendre son vin auprès des cavistes et des restaurateurs mais se dit « confiant ».
À Pomport, Vincent Alexis, lui aussi, a fait un sacré virage. En 2010, il reprend la propriété familiale, Château Barouillet (45 ha en AOC Monbazillac, Pécharmant et Bergerac). Son père écoulait du vrac en conventionnel. Lui se lance dans le bio, la bouteille et l'export. De 10 000 cols, il est passé à 120 000. En 2015, il a déboursé 30 000 €/ha pour acquérir 1,5 ha de vignes bien entretenues en AOC Pécharmant. « Je n'irai pas plus loin, sauf si on me propose de vieilles vignes sur un beau terroir. Pour me développer, je me concentre sur la qualité de mon vin », argumente-t-il.
Pour financer le foncier, les exploitants ont souvent recours à l'emprunt. La cave de Sigoules (85 coopérateurs, 920 ha) a tenté de faire appel à des investisseurs. Une propriété de 30 ha de vignes en AOC Bergerac et de 30 ha de céréales était à vendre. La coop avait trouvé des particuliers et une banque prêts à investir. L'affaire a capoté. « Le vendeur était trop gourmand », confie Philippe Allain, le président de la cave. La cave étudie d'autres dossiers.
En attendant, fin janvier, elle doit passer une convention avec le Crédit Agricole pour qu'il octroie des prêts à taux zéro à ses adhérents désireux d'acheter au moins 3 ha. La banque leur accordera 2 000 €/ha, pour un maximum de 15 ha. La coop prendra en charge les intérêts. La cible ? Ceux s'installent et ceux qui s'agrandissent.
ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT ACHETER DES VIGNES ? Gaëlle Reynou, Domaine de Perreau, 21,5 ha à Saint-Michel-de-Montaigne (Dordogne)
« Oui, ça vaut la peine d'acheter des vignes, vu les prix. En 2010, j'ai emprunté pour acheter 3,5 ha (9 000 €/ha) imbriquées dans les nôtres. J'ai repris l'exploitation familiale en 2013. Je suis toute seule à la tête de 21,5 ha en pleine propriété. Je ne compte pas m'agrandir, sauf si j'ai l'occasion d'acquérir des vignes dédiées au montravel, une niche que je veux développer. Je produis 40 000 cols (montravel blanc et rouge, et bergerac). »
ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT ACHETER DES VIGNES ? Franck Decouroux, Château de Peyrel, 6,5 ha à Pringonrieux (Dorgogne)
« À Bergerac, cela vaut le coup d'acheter car les prix sont abordables. J'ai été trader à Paris, puis j'ai effectué une reconversion. Fin 2011, j'ai acquis Château de Peyrel : 6,5 ha payés 15 000 €/ha. J'ai suivi une formation et me suis installé en 2013. J'ai rénové le chai, acquis le matériel. Je produis 35 000 cols vendus en direct. Aujourd'hui, mon but c'est de mutualiser les coûts en créant un GIE de vente avec un viticulteur de Saint-Émilion. »