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DOSSIER - Marché foncier : le tour des vignobles

CORSE La famille d'abord

ÉMILIE-ANNE JODIER - La vigne - n°293 - janvier 2017 - page 33

Avec de rares occasions d'achat et des exploitations restant dans le giron familial, s'installer sur l'île de Beauté n'est pas aisé.
Très prisées, les vignes en appellation Patrimonio sont le plus souvent transmises dans le cadre familial. © C. WATIER

Très prisées, les vignes en appellation Patrimonio sont le plus souvent transmises dans le cadre familial. © C. WATIER

« Vous faites une enquête sur le foncier viticole en Corse ? C'est une plaisanterie ? », s'amuse une voix au bout du fil dans un centre de gestion. Le ton est donné. Sur l'île où l'on recense 5 800 ha en production, la Safer n'a enregistré que 20 transactions pour 70 hectares en 2015.

« Cela me paraît déjà énorme, s'étonne Pierre Acquaviva, président du Giac et vigneron au domaine Alzipratu (Haute-Corse). Pour moi, il n'y a quasiment pas de transaction. Nous avons très peu de repères, notamment sur les prix. À Calvi, je n'ai pas entendu parler d'achats conséquents de terres depuis au moins quinze ans... »

« Ce qui se vend, ce sont les petites parcelles plantées de moins de 1 ha, souvent en milieu montagneux, reconnaît Jean Mondange, de la Safer Corse. Il s'agit de légers agrandissements. »

Pourtant, le vignoble est dans une bonne dynamique commerciale. « La viticulture insulaire se trouve dans une phase ambitieuse, confirme Christian Orsucci, le président de la Safer Corse et de la coopérative de l'Union des vignerons de l'île de Beauté. Nos vins sont de plus en plus appréciés. Quelques jeunes souhaiteraient s'installer, mais il est difficile de trouver des terres. »

Avec 330 000 hl en 2016, la production peine à se développer dans ce vignoble morcelé et souvent escarpé. « Les vins ont beaucoup progressé et les vignerons sont fiers de ce qu'ils font, note Sophie Mamelli, notaire du réseau Jurisvin en Haute-Corse, en pleine zone du patrimonio. Les viticulteurs voient avec plaisir les jeunes revenir après leurs études et les biens sont transmis dans le cadre familial. Nous avons très peu d'exemple de cessions à des tiers. »

Les prix varient beaucoup : de 12 000 € pour des vignes hors AOP à 55 000 €/ha en appellation Patrimonio, selon la Safer, en 2015. Le prix des vignes en AOC a atteint 21 500 €/ha en moyenne pour les AOP, en hausse de 20 % par rapport à 2014. N'oublions pas que la Corse subit une pression foncière très forte due au tourisme, même si les terroirs viticoles, situés dans les terres, sont moins concernés.

Au-delà du prix, le véritable problème est d'ordre culturel. « Lors des successions, nous nous apercevons que les gens n'ont pas de titres de propriété, note Sophie Mamelli. Cela retarde considérablement les démarches, mais les mentalités sont en train d'évoluer. » Un autre phénomène plombe les velléités de cession : « Les terres sont souvent en indivision, observe la notaire. Il y a toujours un copropriétaire pour refuser que les vignes quittent le giron familial. Comme la règle de l'unanimité s'applique pour toute décision, tout devient vite compliqué. »

Malgré tout, 2015 a été marqué par quelques échanges, principalement en zone AOP, dans la région de Patrimonio. Dans ce cas, pas de grand montage financier. « Les gens empruntent, souvent auprès de leur famille, et celle-ci se saigne aux quatre veines pour assurer l'agrandissement », déclare Christian Orsucci. « Il y a très peu de GFA viticoles, confirme Sophie Mamelli. La plupart des cessions se font en nom propre. »

En 2016, les choses semblent avoir été encore plus calmes. Mais le président de la Safer regarde vers l'avenir. « Dans les années qui viennent, on devrait retrouver sur le marché des vignes issues de liquidation d'exploitations viticoles », espère-t-il. Des domaines laissés en déshérence depuis de longues années dont les surfaces pourraient intéresser de jeunes vignerons motivés. « Nous avons besoin de vignerons qui viennent d'ailleurs et qui sortent des sentiers battus. » Histoire de venir grossir les rangs de la famille... viticole.

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT ACHETER DES VIGNES ? Nadine Boccheciampe, 7 ha à Oletta (Haute-Corse)

« S'il y a des vignes qui se vendent, cela vaut le coup d'en acheter. Mais il y en a très peu à vendre ici. Les vignes restent au sein des familles. C'est ce qui s'est passé pour nous. Mon père a repris les vignes de ses oncles. Puis j'ai repris celles de mon père, avec mon frère. Nous exploitons 7 ha. Nous vendons tout en bouteilles. Depuis que j'ai repris l'exploitation, je n'ai pas acheté de vignes. Mais j'ai récupéré des parcelles que mon père louaient. C'est ainsi que je me suis agrandie en passant de 4 à 7 ha. Aujourd'hui, je compte en rester là. »

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT ACHETER DES VIGNES ? Yves Leccia, 15 ha à Poggio-d'Oletta (Haute-Corse)

« Dans notre appellation, on a plus intérêt à acheter du foncier et à planter qu'à acheter des vignes. Il y a encore du terrain et il est à un prix raisonnable : entre 10 000 et 20 000 € pour de la garrigue contre 50 000 € pour une vigne en Patrimonio. Par contre, il y a peu de vignes en vente. Les vignerons déjà installés préfèrent s'agrandir en plantant de nouvelles parcelles plutôt qu'en achetant des vignes. Ainsi, je me suis installé en 2005 sur 7 ha venant de la famille. Depuis, je me suis agrandi en achetant des friches et en les plantant. »

L'essentiel de l'offre

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