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VIGNE

Les tours antigel ont le vent en poupe

INGRID PROUST - La vigne - n°294 - février 2017 - page 30

L'an dernier, les tours antigel ont donné satisfaction, même si elles ne sont efficaces que jusqu'à -4°C, et ce malgré l'ajout d'un brûleur. De nouvelles installations sont prévues cette année.
LA ORCHARD-RITE, tour mobile commercialisée par Filextra. © FILEXTRA

LA ORCHARD-RITE, tour mobile commercialisée par Filextra. © FILEXTRA

LA TOW AND BLOW, tour mobile vendue par la Rivière. © I. PROUST

LA TOW AND BLOW, tour mobile vendue par la Rivière. © I. PROUST

TOUR ANTIGEL FIXE avec citerne à gaz à Noyers-sur-Cher (Loir-et-Cher). © I. PROUST

TOUR ANTIGEL FIXE avec citerne à gaz à Noyers-sur-Cher (Loir-et-Cher). © I. PROUST

Elles brassent du vent mais c'est pour la bonne cause. « L'efficacité de nos tours lors du gel d'avril dernier a achevé de convaincre les derniers vignerons qui étaient réticents. Sans elles, nous n'aurions pas eu de récolte », expliquent Yves Lestourgie, président du syndicat viticole de Quincy, et Luc Tabordet, président de la Cuma qui gère plus d'une trentaine de tours antigel dans ce vignoble.

À Noyers-sur-Cher (Loir-et-Cher), Dominique Girault, à la tête de la Cuma Protec'Gel, se félicite aussi d'avoir investi dans ces éoliennes, avec d'autres vignerons. « Là où elles sont installées, elles ont préservé les récoltes à 100 % lors des gels d'avril dernier. Et même plus, car dans ces vignes, la qualité est meilleure que dans les parcelles gelées. En outre, les bourgeons n'ayant pas gelé ou été stressés, nous n'avons pas eu de décalage de maturité. »

Même satisfaction du côté de Pessac-Léognan, au domaine de Chevalier, en Gironde. « Les tours ont bien fonctionné lors du gel du 29 avril. Elles ont mélangé l'air froid qui se trouvait au niveau des vignes avec une masse d'air à température positive, un peu plus haut. Ainsi, nos vignes ont été épargnées », se réjouit Rémi Edange, directeur adjoint du domaine.

« Une tour protège jusqu'à 5 ha de vignes », note Anastasia Rocque, chargée des mesures de protection contre le gel à la chambre d'agriculture d'Indre-et-Loire. « Nos tours préservent jusqu'à 6,5 ha, avance même Isabelle Petit Levet, gérante de Filextra, un fabricant américain. Mais plus les températures sont basses, moins la surface protégée est vaste. »

Pour qu'elles soient efficaces, « les tours doivent être installées dans les fonds de parcelle, là où s'accumule le froid, et non à flanc de coteau. Dans ces secteurs en cuvette, elles doivent être groupées », recommande François Langellier, chef de projets agro-météo au Comité Champagne. Tout le monde semble d'accord sur ce point. « La synergie de plusieurs tours apporte un gain d'efficacité », assure Anastasia Rocque. « En avril dernier, nous avons constaté que les tours isolées protégeaient moins de surface que quatre à cinq éoliennes groupées fonctionnant de concert », rapporte Luc Tabordet. « Il est préférable d'installer un ensemble de tours », conseille aussi Sébastien Rivière, gérant de la SARL Rivière, un autre fournisseur.

Comme tout dispositif de protection, les tours ont leurs limites. « Elles protègent la vigne jusqu'à - 4 °C, guère plus », explique Anastasia Rocque. Elles sont efficaces contre les gelées blanches, lorsque l'humidité de l'air est importante et que l'air à quelques mètres du sol reste à une température positive. Leurs hélices ramènent alors cet air chaud au niveau du sol pour adoucir l'air gelé. Elles se montrent bien moins efficaces en cas de gelées noires, caractérisées par l'arrivée de masses d'air sec et gelé.

« Dans le cas de fortes gelées, il peut être nécessaire d'associer à une tour un chauffage », précise Anastasia Rocque. « Toutes nos tours sont équipées de brûleurs de fioul. En injectant de l'air chaud dans l'air brassé par la tour, on limite le refroidissement dans les zones les plus éloignées de l'éolienne », commente Rémi Edange.

Cependant, l'intérêt de ces brûleurs est controversé. « Ils rassurent les vignerons, mais ils ne sont pas d'une grande efficacité. Une large part de l'air chaud qu'ils produisent file en altitude. Bien peu se propage au sol », soutient François Langellier, du Comité Champagne.

Certains vignerons n'utilisent pas de brûleurs, mais des bougies lorsque des températures très basses sont annoncées. « En avril dernier, nous avons placé des bougies dans un rayon de 30 m autour de chacune des tours pour plaquer l'air chaud au sol. Cela a renforcé leur action », relate Dominique Girault. « En Champagne, certains disposent des chaufferettes en complément de leurs tours », constate François Langellier.

Agrofrost a fait le choix de vendre des tours sans brûleur. « Si les vignes sont régulièrement soumises à des températures inférieures à - 3 °C, nous conseillons le FrostBuster ou le FrostGuard. Ce sont des brûleurs indépendants, dotés d'une turbine qui soufflent de l'air chaud au niveau du sol », déclare Patrick Stynen, responsable commercial. Des chaufferettes pourvues de ventilateurs, en quelque sorte.

Fixes ou mobiles, les tours antigel vont se multiplier dans les vignobles. À Quincy, de nouvelles tours ont été installées et d'autres vont l'être à Bourgueil. Dans le Bordelais, Petrus s'est équipé de tours mobiles, afin de préserver l'image de son vignoble une fois le gel passé.

Attention aux allumages trop tardifs

Une tour antigel est d'autant plus efficace qu'elle est déclenchée au bon moment. « Les cas d'échec rapportés par les vignerons d'Indre-et-Loire sont majoritairement dus à un allumage trop tardif », souligne Anastasia Rocque. Les tours antigel sont souvent dotées d'un allumage automatique relié à une sonde de température au niveau des vignes. L'alarme est alors envoyée sur un smartphone. « Nous conseillons de programmer le déclenchement à 1,8 °C en conditions sèches », précise Isabelle Petit Levet, de Filextra. « Nous sommes alertés vers 0,5 °C en conditions humides », signale Luc Tabordet, vigneron à Quincy. « Plus on démarre tôt dans la nuit, mieux c'est », ajoute Dominique Girault, vigneron à Noyers-sur-Cher. À noter aussi : les tours ne protègent du gel si le vent dépasse les 10 km/h.

Tour mobile : adaptée aux petites surfaces

Les tours mobiles font leur apparition en France. Elles ont moins d'impact sur le paysage que les tours fixes et sont moins sujettes au vandalisme. On peut aussi les orienter par rapport au courant d'air froid pour plus d'efficacité. Mais elles protègent des surfaces plus petites que les tours fixes. Trois fournisseurs en proposent : Agrofrost, Filextra et Rivière. Le modèle Agrofrost protège 2 à 3 ha. Filextra promet une protection de 4 ha. Quant à la société Rivière, elle importe la Tow and Blow de Nouvelle-Zélande : « Elle protège 4 ha jusqu'à -3 °C en version essence et jusqu'à - 5 °C en version diesel. » Ces machines sont vendues autour de 30 000 € en version essence et 33 500 € en diesel. Agrofrost et Filextra n'ont pas souhaité communiquer leur prix. Les tours fixes sont plus chères. Filextra vend le modèle Orchard-Rite à 45 000 €. « Le prix peut évoluer selon le nombre de tours commandées et les frais d'installation », précise Isabelle Petit Levet. Clavaud Constructeur commercialise sa tour « de 40 000 à 45 000 € avec brûleur ». Chez Agrofrost, il faut aussi compter environ 40 000 € pour une tour fixe sans brûleur venue de Californie. « Les frais de fonctionnement se montent à 250 €/ha/an pour un modèle fixe et à 100 €/ha/an pour un mobile dans notre région où ces équipements sont utilisés en moyenne trois jours par an. L'amortissement et les frais financiers représentent 800 €/ha/an en fixe, 1 000 €/ha/an en mobile », détaille Anastasia Rocque de la chambre d'agriculture d'Indre-et-Loire.

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